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plus absurdes, sans aucun commencement de preuves, les chargeoit de chaînes, les jetoit dans les cachots, où ils restoient plusieurs mois sans être interrogés; où toute communication avec leurs parens et leurs amis leur étoit interdite. Elle avoit dit que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse; et cependant elle assura l'impunité de tous ses membres, en déclarant qu'ils ne pourroient jamais être arrêtés sans son consentement. Elle avoit dit que tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et que nul ne peut être puni qu'en vertu des lois antérieurement promulguées, et elle fit persécuter un grand nombre de citoyens de tout sexe et de tout âge pour de prétendus crimes de lèze-nation, que pendant deux ans elle refusa de définir, afin de ne pas diminuer les prétextes de ses vengeances.

Elle avoit permis la libre manifestation de toutes les opinions, même religieuses, et elle fit poursuivre des hommes qui n'avoient commis d'autre délit, que celui de publier des opinions contraires à ses intérêts. Après avoir aboli les ordres arbitraires décernés autrefois au nom de la couronne elle en distribua fréquemment, pour faire emprisonner ceux qui avoient encuru

sa disgrace, ou pour les forcer à venir s'humilier devant elle. Elle avoit mis au nombre des droits des citoyens celui de présenter des pétitions, et elle traita comme criminels tous ceux qui, dans leur pétitions, lui représentoient les inconvéniens de ses arrêtés.

Elle souffrit que, dans un grand nombre de villes, la populace dépouillât les officiers civils et militaires de leur autorité et la transmit illégalement dans les formes qu'il lui plaisoit d'établir. Pour ôter à l'ordre public l'appui des forces militaires, et s'assurer qu'on n'en feroit jamais un usage contraire à ses vues, après avoir ordonné qu'elles agiroient sur la réquision des officiers civils et municipaux, ce qui comprenoit tous les tribunaux de justice, elle finit par réserver exclusivement la réquisition aux municipalités et aux autres corps administratifs qui assujétirent les troupes à tous leurs caprices, accablèrent de vexations celles qu'on ne pouvoit corrompre. Pour favoriser de plus en plus l'impunité des crimes, elle refusa, jusqu'aux dernières de ses séances, de permettre aux troupes d'agir, sans réquisition, contre les coupables surpris en flagrand délit.

Jamais elle ne voulut exclure du lieu de ses séances, cette foule de misérables, payés pour

être assidus dans les galeries, pour applaudir, huer, menacer, suivant les ordres qu'on leur avoit donnés, ou suivant des signes convenus. Une seule délibération fut secrette, ce fut celle où l'on détermina le salaire des députés, et comme si elle eût eu le dessein d'offrir la réunion de tous les sentimens vils et odieux, elle entroit en fureur chaque fois qu'on proposoit d'en sa-crifier une partie au besoin des indigens.

Elle méprisa les ordres de ses commettans ne permit pas d'invoquer leurs cahiers, quoique la plupart de ses membres eussent promis, avec serment, de se conformer aux volontés de ceux qui les avoient élus. Elle détruisit toutes les autorités auxquelles elle devoit son existence. Elle défendit aux états-provinciaux et aux provinces de s'assembler, de crainte qu'ils ne missent un frein à ses usurpations; elle leur défendit de rappeler leurs représentans. Elle ne voulut pas même réserver au roi la faculté de lui communiquer de simples observations. Elle en exigea la docilité d'un esclave. Quand elle eut arrêté les premiers articles de la constitution elle

osa, le 5 octobre 1789, lui dicter les expressions dont il devoit se servir pour les accepter, pendant que les brigands environnoient son château, et que quinze milles rébelles s'avan

çoient vers la ville de Versailles ; et le 6 octobre, lorsque des assassins égorgeoient ses gardes, menaçoient ses jours et ceux de la reine, et les forçoient à les suivre dans la capitale, elle eut la lâche perfidie de refuser son secours à la famille royale. Elle déclara qu'elle ne pouvoit, sans blesser sa propre dignité, se rendre auprès du souverain. Elle l'abandonna à la discrétion des rébelles qui l'entraînèrent en captivité; elle offrit de se transporter dans le lieu de son emprisonnement. Elle déchargea de toute accusation plusieurs de ses membres que le tribunal du châtelet vouloit décréter, pour les crimes des 5 et 6 octobre; interdit même à ce tribunal la connoissance de ce procès, et sauva tous les coupables. Elle voulut livrer à la malignité la liste des bienfaits du roi; elle autorisa ses comités à trahir la confiance des ministres, à pu blier des registres secrets, avec les restrictions, des obscurités, des commentaires remplis de mensonges.

A l'exception du nom de roi qu'elle voulut bien laisser à Louis XVI, elle s'empara de toutes ses prérogatives; usurpa son patrimoine; sup prima les apanages de ses frères; laissa mille fois insulter la famille royale par la populace et par ses propres membres; dépouilla M. le

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prince de Condé d'une possession garantie par des traités, qui devoit l'être encore plus par la justice et la reconnoissance.

Depuis le 6 octobre 1789, elle n'avoit cessé d'affirmer, sans pudeur, que le roi étoit libre à Paris, où elle le retenoit captif. C'étoit commettre un crime d'état que de laisser voir le moindre doute sur sa liberté; mais lorsque, dans le mois de juin 1791, il entreprit de se soustraire au joug de ses tyrans, et sortir de Paris avec son épouse et ses enfans, sans avoir le dessein de quitter le royaume, l'assemblée ne craignit plus d'avouer qu'elle les avoit fait retenir par la force, et qu'ils avoient trompé la vigilance de leurs gardiens. Elle les fit poursuivre comme des prisonniers fugitifs; elle décerna des éloges et des récompenses à ceux qui, conformément à ses ordres, avoient été assez lâches, assez cruels pour les arrêter et les mettre à la merci de leurs oppresseurs. Après le triste retour du roi et de la reine, elle les fit renfermer dans leur palais, dont l'entrée fut interdite à tous les sujets fidèles; et lorsqu'elle résolut de faire prononcer par le roi une acceptation solemnelle, elle se borna, pour lui donner un air de liberté I qui ne pouvoit tromper que des imbécilles, à faire ouvrir les portes de son palais, à lui per

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