Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE XXXIV.

Des mesures prises par le roi et ses ministres, depuis le mois de juillet 1789, jusqu'à l'acceptation de tous les droits constitutionnels.

DEPUIS que

EPUIS que le roi avoit été forcé, dans le mois de juillet 1789, de se présenter à l'hôtel-de-ville de Paris, au milieu d'un peuple en armes, d'y paroître approuver le mépris de son autorité, et d'y recevoir, des mains de l'un des chefs que s'étoit donné la maltitude, les couleurs des insurgens, il avoit été aussi facile aux ennemis du trône d'anéantir de plus en plus sa puissance, qu'il auroit été difficile au conseil du prince, de la sauver du nauffrage.

La majorité des membres de l'assemblée étoit encore bien disposée en faveur de l'autorité royale; mais elle avoit besoin d'être protégée contre la terreur qu'on s'efforçoit de lui inspirer. Dépourvu de tout moyen de force, il ne restoit plus au ministère d'autre ressource que d'acquérir de l'influence sur les chefs de l'assemblée et sur les favoris de la multitude; j'ignore quels efforts il a tentés au commencement de la révo

lution pour déconcerter les intrigues, pour ob tenir le silence de ces vils folliculaires chargés par les factieux du soin d'égarer la populace, et pour leur opposer d'autres écrivains dont le style et les raisonnemens fussent à sa portée.

Tous les cahiers à l'exception peut-être de 'deux ou trois, reconnoissoient qu'aucune résolution des états - généraux ne pouvoit devenir loi sans la sanction du monarque. Il devoit donc conserver, suivant le vœu même du peuple légalement exprimé, un droit négatif ou un veto absolu en matière de législation. La plupart des membres de l'assemblée étoient fermement convaincus qu'ils ne pouvoient le contester au

monarque.

[ocr errors]

J'ai rendu compte, dans un de mes précédens écrits, des divers moyens mis en usage pour faire prévaloir ce que les chefs du parti démocratique appeloient un veto suspensif, dont i's avoient pris l'idée dans les constitutions américaines. Je puis certifier que dans les conférences où ils s'efforcèrent de me le faire adopter, ils le proposèrent sous toutes les formes imaginables. Craignant avec raison de n'avoir pas intimidé tous ceux qui avoient le plus d'influence dans le parti royaliste, ils les crurent assez vils pour se diriger uniquement d'après l'impression du

ministère, et résolurent de le faire servir à la destruction même de l'autorité royale. Ils lui firent appréhender une révolte des habitans de la ville de Paris, & la guerre civile dans tout le royaume, si l'assemblée reconnoissoit au roi, le droit de rejeter indéfiniment, les lois proposées par les représentans du peuple.

Plusieurs des ministres furent d'autant plus accessibles à ces insinuations, qu'ils ne sentirent pas toute l'importance da la prérogative qu'on vouloit ravir au monarque. Ils crurent devoir par prudence se déclarer pour le veto suspensif, et même engager les royalistes de l'assemblée à renoncer au droit négatif absolu. J'ai la connoissance personnelle des démarches faites à cette occasion auprès de l'un des ministres, par les principaux défenseurs du systême démocratique. Je n'en donnerai pas ici les détails. Il me suffira de dire qu'elles me procurèrent l'occasion de démontrer dans une conversation particulière que la faculté de suspendre un décret, jusqu'à la troisième législature ne pouvoit suppléer les avantages du droit négatif illimité, & qu'elle réduisoit le roi, aux fonctions d'un simple officier soumis à l'assemblée. On m'avoua qu'on étoit entraîné par la crainte d'un soulèvement général qui mettroit en péril les jours de la

famille royale. Je soutiens qu'il falloit résister aux factieux, avant que leur puissance fut plus solidement établie, qu'ils parviendroient diffi lement à susciter une guerre civile, pour faire rétracter une décision de l'assemblée, & qu'on ne devoit pas acheter la paix par le sacrifice de l'autorité royale et des intérêts du peuple. J'au rois désiré que pour ranimer le courage de la plupart des députés, le ministère eût fait répandre qu'il ne conseilleroit jamais au roi de souffrir que son droit en législation reçut une pareille atteinte, et que l'assemblée trahît jusqu'à ce point les volontés de ses commettans. Si je n'eus pas lieu d'espérer un acte de vigueur, on me parut du moins déterminé à ne plus faire l'éloge du veto suspensif, à ne point seconder ceux qui le désiroient. Dès que ses défenseurs virent rallentir l'effet de leurs moyens, les avis alarmans furent renouvelés; un des ministres prit une autre précaution, ce fut celle de recommander aux députés royalistes de ne point voter pour le droit négatif, s'il n'étoient pas assurés d'avance d'une assez grande majorité pour rendre la décision plus respectable. Cette recommandation devoit infailliblement empêcher la majorité de se former.

Les partisans du systême démocratique par

vinrent même à convaincre M. Necker, que le
maintien de la paix dépendoit du succès du veto
suspensif; qu'en prenant ouvertement sa dé-
fense, il trouveroit le double avantage d'assurer
le repos général, et de se concilier l'affection.
du peuple. Alors M. Necker fit, un rapport au
conseil du roi en faveur du veto suspensif. Il n'y
déguisa point son but principal. Il y déclaroit
que le triomphe du veto absolu pouvoit exciter
une commotion dangéreuse, qu'il regardoit la
tranquillité du royaume, comme le principal
objet de la sollicitude du gouvernement, et qu'il
faudroit peu de choses pour amener des troubles,
dont les funestes effets seroient incalculables. Ce
ne fut point ce rapport, envoyé le 11 septembre
à l'assemblée, qui détermina la pluralité des
suffrages pour le veto suspensif; car ce fut quel-
ques heures après l'avoir reçu, qu'on recueillit les
voix et les observations de plusieurs royalistes,
au nombre desquels j'étois, avoient empêché d'en
prendre lecture; mais la seule connoissance de
l'opinion apparente ou réelle de la plupart des
ministres, contribua peut-être autant que les me-
naces au triomphe des ennemis du trône. Beaucoup
de députés, plus zélés pour le roi qu'éclairés sur
ses intérêts, crurent ne pouvoir choisir un meilleur
guide que son propre
conseil.

[ocr errors]
« PreviousContinue »