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réduit, comme l'a été si long-tems le roi de Polonge, à présider l'assemblée législative, avec le simple droit de suffrage, que d'être séparé d'elle et d'être réduit à la faculté de suspendre ses décisions. Dans le premier cas, elle est moins jalouse de l'éclat et des honneurs dont jouit son président. Tant la couronne est respectée,' et qu'elle est le centre de tous les hommages, l'autorité royale peut être suspendue, et non pas anéantie. Tôt ou tard la nature des choses doit lui rendre son ressort; son avilissement dans l'opinion publique est le seul signe de sa 'destruction.

que

1

Quels rapides progrès a fait la dégradation de la royauté française; depuis l'établissement du veto suspensif! Jusques-là les représentans 'du peuple, mêmes dans leurs actes de menaces avoient présenté de très-humbles supplications et s'étoient appelés les sujets du roi; mais depuis qu'ils se furent réservé la puissance législative, ils désignèrent le monarque sous le nom de pouvoir exécutif, sous un nom qui ne rappelle qu'une magistrature subordonnée, dont le corps législatif peut successivement modifier les droits ou même prononcer la suppression, comme 'de tout autre emploi subalterne. Dès ce moment, dans tous les actes publics, le roi ne fut nommé

qu'après l'assemblée nationale, et les ministres eux-mêmes s'asservirent à ce langage flétrissant pour la couronne.

Le veto suspensif a préparé les esprits à voir les décisions du roi et les ordres qu'il donne aux corps administratifs, soumis à l'examen de l'assemblée, qui peut les annuller en vertu de son pouvoir suprême. Il a préparé les esprits à le voir exclure de toute participation aux lois de l'impôt, aux changemens des lois constitutionnelles. Il a brisé le trône et lui a substitué un simple fauteuil à côté du président de l'assemblée, qui traite le roi comme son égal dans les cérémonies, en se réservant les moyens de le traiter comme son inférieur dans toute autre circonstance.

Voici donc le résultat des différences remarquées entre le veto absolu et le veto suspensif. Le premier laisse au roi la plus grande partie de la souveraineté, la seconde le rend sujet.

Qu'on ne soit donc pas étonné si la majorité du premier comité de constitution attachoit une si grande importance au veto absolu, ou droit négatif du monarque ; et si les royalistes, placés dans ce comité, donnèrent leur démission quand ils virent prononcer que le corps législatif seroit formé par une seule chambre, que l'assem

blée seroit permanente, et que le refus du roi ne seroit que suspensif. Après un pareil triomphe du parti démocratique, il ne leur restoit plus d'autre alternative que de contribuer à la destruction du trône, ou de discontinuer leur tra

vaux.

Dans la nuit du 5 au 6 octobre 1789, si l'on eût entrepris de combattre les rébelles, on avoit de grands motifs pour compter sur la victoire. On pouvoit d'ailleurs, en rendant l'assemblée responsable des événemens, en lui donnant lieu d'appréhender les suites d'une bataille, la forcer de se joindre au roi pour ordonner aux révoltés de reprendre le chemin de Paris, et prévenir, par ce moyen, la nécessité de livrer un combat, Etoit - on vaincu, ou craignoit-on de hasarder le sort des armes? le roi pouvoit se retirer dans une autre ville. La plus grande partie de l'armée n'étoit pas encore corrompue. Plusieurs corps l'ancienne administration étoient encore en exercice. Le roi eût fait assembler les municipaux et les notables citoyens, leur eût annoncé que sans aucun sujet de plainte, vingt milles rébelles s'étoient portés en armes vers son séjour, qu'il avoit voulu soustraire sa famille aux dangers qui la menaçoient, qu'il venoit leur confier le sort de l'état, convoquer, au milieu de leur cité,

de

l'assemblée nationale, et garantir ainsi la liberté de ses délibérations, contre les violènces d'une populace égarée.

Le mauvais succès d'une pareille mesure pou voit avoir les plus terribles conséquences; mais elle étoit la seule qui pût sauver le royaume, et prévenir les maux qui l'ont ascablé depuis ce funeste jour. Il falloit, ou laisser la famille royale à la discrétion des rébelles, l'exposer à tous les genres de péril et d'oprobre, ou cont sentir au triomphe du crime, à la tyrannie des factieux, ou braver des dangers encore plus grands peut-être, mais plus honorables, plus digne de la majesté d'un roi. Ainsi, d'un côté, perte ou salut, et de l'autre, nul espoir d'é chapper, si ce n'est pour subir de longs et cruels malheurs. Il me sembloit qu'on ne devoit pas hésiter (1).

(1) M. Necker a dit, dans son dernier écrit, que le président de l'assemblée vint requérir l'acceptation des premiers articles constitutionnels, pendant que la popu lace de Paris, qui précéda les bandes parisiennes, remplissoit déjà les cours du château de Versailles. J'avois donné, sur ce fait, des explications suffisantes dans mon appel au tribunal de l'opinion publique. J'ai dit que je fus envoyé chez le roi au sujet des subsistances de la capitale; que j'étois chargé d'y retourner avec une

On ne doit pas être étonné, je l'avoue, qu'on ait redouté les suites du départ du roi, et qu'on lui ait fait prendre la résolution de rester à Versailles, quoique je persiste à croire qu'il valoit mieux s'en éloigner: mais quel fidelle sujet du roi pourroit, sans le dernier excès d'indignation, se retracer l'horrible image de l'emprisonnement du roi, de ce bon roi, digne de l'amour des Français, dont il avoit toujours voulu le bonheur , qui fut conduit, avec sa famille, par une armée de rébelles et par une foule de brigands? Il avoit en même-temps sous ses yeux, et son épouse, et ceux qui avoient tenté de lui arracher la vie, et les assassins de ces gardes, et plusieurs de ces malheureux gardes à pied,

nouvelle députation, pour requérir l'acceptation pure et simple: mais que m'y trouvant pour le premier objet je conseillai de ne pas différer le second, indispensable si le roi ne s'éloignoit point, exigé par la prudence s'il sortait de Versailles, et facile à réparer, lorsqu'on délibéreroit librement. Je n'ai pas à me reprocher d'avoir été, dans cette circonstance, le lâche coopérateur des factieux. J'aurais partagé les périls que je proposois de braver, car je ne séparai point le conseil de l'acceptation d'un autre conseil qui auroit prévenu les inconvéniens, sans doute je n'aurois pas été le seul membre de l'assem→ blée qui se seroit imposé le devoir de suivre son souverain.

et

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