La Revue hebdomadaire

tographiquement, les figures populaires des glorieux disparus. Je ne crois pas que pareille évocation ait été faite jusqu'ici; l'effet en fut saisissant: Jean Bouin, Friol, Faber, A. Carter, Garros, Guynemer, Boyau, Pégoud, Boillot, etc., tous ces grands morts étaient là, vivants, ils souriaient, ils marchaient... impressionnante illusion!

Puis, l'on nous présenta, réellement cette fois, plusieurs de nos actuels champions français. Ils défilèrent sur une petite estrade entourée d'un paravent noir, violemment éclairés par les projecteurs électriques, tels des vedettes d'une revue à grand spectacle, qui, le fleuret à la main, qui, juché sur des patins à roulette, qui, le ballon du rugby entre les bras...

Ce public manifestait ses sympathies à des degrés divers. Carpentier devait paraître, mais Carpentier déclara forfait à la dernière minute, ce qui lui valut d'être conspué, oui, l'on osa siffler « notre Georges »>!

Enfin, la troisième partie était réservée à l'audition d'une œuvre lyrique de J. Nouguès le Messager de la victoire, où fut tenté assez heureusement un mélange de chant, d'orchestre, de cinéma, de danse.

Jadis, Sophocle dansa et chanta un péan à la victoire de Salamine. Se souvenant de cet illustre exemple, les organisateurs des futurs jeux olympiques y voudraient, paraît-il, organiser des spectacles où serait scellée l'alliance de l'art et de l'exercice corporel. L'épisode sportif du soldat de Marathon que nous retraçait le Messager de la victoire a prouvé par sa réussite que l'idée était viable.

Je voudrais cependant que l'on ne se lançât dans cette voie qu'avec circonspection. Que des acteurs de profession glorifient la beauté de l'acte musculaire, rien de mieux, mais gardons-nous d'introduire nos athlètes dans de semblables manifestations.

Nous assistons depuis quelques mois à des glissements du sport vers le théâtre qui m'inquiètent quelque peu : Mlle S. Würtz, excellente nageuse, a piqué un plongeon définitif dans les piscines-baignoires du music-hall; Paoli, le lanceur de poids, vient de tourner un grand film; les clubs féminins ont dansé des ballets sur la Côte d'Azur

et ailleurs; nous avons eu les Olympiades-Gémier, etc., mais la déviation la plus caractéristique peut être constatée en ce moment même à l'Alhambra où l'on assiste à des courses à pied d'un genre vraiment navrant la piste. est constituée par des rouleaux qui actionnent des aiguilles de cadrans marquant la distance. Les champions (?), grimpés sur les rouleaux et les faisant tourner comme des écureuils en cage, simulent des luttes désespérées !!

Et le pauvre public, chauffé par un boniment bien. senti, croit que « c'est arrivé »; il prend parti, il s'enthousiasme, bientôt il pariera...

Ne laissons pas trop souvent transporter le sport au théâtre, de peur qu'à son tour le théâtre n'envahisse le sport il n'en a déjà que trop la tendance. Casse-cou! L'atmosphère de la scène est grisante et n'a jamais passé pour être inspiratrice de vertus particulièrement solides.

« LA REDEMPTION DE MARS »

PAR PIERRE NOT HOMB

On trouvera dans la Rédemption de Mars, le roman que nous commençons aujourd'hui, ce goût des conceptions nobles et aventureuses, ce sens de l'enthousiasme, qui font de Pierre Nothomb l'un des représentants les plus distingués et les plus remarqués de la jeune littérature belge.

Né en Wallonie, d'une famille luxembourgeoise qui a joué un rôle considérable dans la formation du royaume belge, le jeune poète de l'Arc-en-ciel, de Notre-Dame du Matin et de l'Ame du Purgatoire a toujours demandé à sa plume autre chose qu'un divertissement. Dès cette époque de ses débuts, il s'essayait avec l'abbé Moeller, dans la revue Durendal, à réclamer la réintégration du sentiment catholique dans la littérature. En même temps, il était formé à la vie du barreau et à l'action de la parole par M. Henry Carton de Wiart, le premier ministre d'hier, dont l'influence fut considérable sur tout le mouvement belge de la démocratie chrétienne. Vers les premiers mois de 1914, Nothomb parlait à Bruxelles de « l'enthousiasme catholique › dans une série de conférences organisées par le Jeune Barreau, et qui coïncidait avec l'enquête menée en France par Agathon.

Vint la guerre. Il faut rendre cette justice à Pierre Nothomb qu'il fut de ceux qui contribuèrent avec le plus de talent et d'éclat à organiser, non seulement parmi ses compatriotes, mais à travers l'univers, la publicité que réclamaient l'héroïsme et les malheurs de sa patrie. Les Barbares en Belgique, l'Yser, les Etapes du Nationalisme belge, la Barrière belge, autant de témoignages dont la documentation rigoureuse est animée, même aux instants d'horreur, par le plus confiant amour, l'espérance la plus invincible.

L'armistice une fois signé, Pierre Nothomb était tout désigné pour devenir l'âme de ce Comité de politique nationale qui s'est attribué une mission de propagande en faveur d'une politique extérieure de la Belgique sur le Rhin, dans le Limbourg et au Congo. Mais en même temps, Nothomb considère que ce serait en quelque sorte trahir sa cause que de trop prolonger certains sacrifices et il revient à la littérature en publiant Fauquebois, roman d'amour pénétré, comme toute son œuvre, par les souvenirs de l'époque de l'indépendance.

Pierre Nothomb tente aujourd'hui une fortune plus publique en se présentant aux élections législatives sur une liste de Bruxelles. Son programme de politique intérieure, qui admet la séparation totale de la religion et de la politique, est attaqué par un certain nombre de catholiques. Mais nous renvoyons nos lecteurs à l'article que nous publierons prochainement sur les élections belges, pour qu'ils comprennent ces positions si délicates des partis les uns vis-à-vis des autres, qu'il est si difficile de définir, passée la frontière.

Nous ne voulons pas leur gâter à l'avance l'impression de surprise et, nous le croyons, d'enchantement que leur procurera la Rédemption de Mars. Qu'il nous suffise de leur dire que ce roman d'aventures, où se joue l'imagination la plus audacieuse, marque un des moments les plus sérieux et l'un des élans les plus hauts de la pensée religieuse de Pierre Nothomb. Œuvre d'imagination, certes, mais non de fantaisie, et d'un sens profondément humain. ŒŒuvre religieuse et qui paraîtra d'abord d'une grande audace, mais dont l'orthodoxie n'est point douteuse. Poème qui troublera les cœurs, mais en les laissant purs. Ce livre curieux est de ceux qu'il faut souhaiter voir discuter passionnément.

F. L. G.