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La pleine foi due aux énonciations des actes authentiques ne peut être ébranlée et détruite que par une inscription de faux; on le sait déjà. Mais cela ne se doit entendre que des énonciations matérielles, afférentes aux stipulations des parties, et que l'officier public a reçu mission de constater. Par exemple, on pourrait prouver, sans être obligé de s'inscrire en faux, qu'un testateur ne jouissait pas de ses facultés intellectuelles, quoique les notaires eussent dit, dans le testament, qu'il était sain d'esprit et d'entendement : Ila potest opponi testatorem fuisse insanum, quia de dementiá non rogatur notarius(1). C'était jadis un point controversé (2); il ne l'est plus depuis longtemps (a).

En ce qui concerne les écritures privées, c'est encore une chose déjà dite qu'on se borne ordinairement, lorsqu'il y a lieu, à les dénier ou à les méconnaître, laissant la vérification à la charge de celui qui les exhibe. Toutefois, la loi donne l'entière liberté de prendre dans ce cas une attitude plus sévère, plus offensive, et de mettre sus une inscription de faux. Le caractère compromettant que viennent alors prendre les débats, l'assistance inquiète du ministère public à tous les actes de l'instruction, les inspirations de la crainte, peuvent déterminer le retrait d'une pièce suspecte, et couper court au procès. Tel est l'intérêt que l'on a quelquefois à ne pas rester dans les termes d'une simple dénégation.

Vous ne serez point admis à vous inscrire en faux contre une écriture que vous aurez déjà volontairement et explicitement reconnue cela va sans dire, à moins que vous n'ayez été la dupe de quelque erreur ou de quelque surprise. Mais vous pourrez toujours y être reçu, si c'est par la justice, sur votre dénégation, et après une simple vérifica

(1) Hieronim. Grati consil. 90, no 44.

(2) Voyez Danly, sur Boiceau, p. 355; Ricard, Traité des don., part. 3, chap. 1, no 30, etc.

(a) Lorsqu'il s'agit d'établir un fait contraire à celui relaté dans un acte notarié et que le notaire avait qualité pour constater, il faut recourir à la voie de l'inscription de faux; par exemple, pour prouver que l'énonciation, dans un acte de vente, que le prix d'achat a été payé en présence

tion, que la pièce a été réputée sincère et Art. véritable (b).

La raison est la même que celle qui fait rejeter comme pièce de comparaison, même en matière de vérification, les écritures ou les signatures privées que le défendeur dénie ou méconnaît, encore qu'elles aient été précé demment vérifiées ou déclarées étre de lui (3). L'art des experts n'est pas assez rassurant pour qu'on accorde à ses conjectures un droit de survivance.

Lorsqu'on procède à une vérification d'écriture, c'est au porteur du titre à prouver qu'il est vrai. L'autre partie, retranchée dans les lignes de sa dénégation ou de sa méconnaissance, n'a point de justifications à fournir. Mais si elle veut, à son tour, prendre la charge de prouver que le titre est faux, pourquoi la repousserait-on ? Il n'y va pas seulement de son intérêt particulier; l'intérêt public réclame aussi sa part dans cette épreuve plus rigoureuse. « L'inscription de faux, disait l'orateur du tribunat, n'exige pas que celui qui veut la former désigne le faussaire ou le falsificateur; elle ne peut l'atteindre, mais elle peut élever contre lui de violents soupçons. La procédure, prenant un autre caractère, peut amener tout à la fois la réparation du délit et la punition du coupable. Et ne serait-ce pas encourager le crime, si une simple vérification dirigée par le coupable lui-même, pouvait lui assurer l'impunité (4)? »

Conclusion: Quoiqu'il semble que l'inscription de faux eût dû être réservée pour les cas où la simple vérification serait impuissante, la loi permet de s'inscrire contre un écrit privé, tout aussi bien que contre un acte public et authentique.

Toutefois, il est rare, dans la pratique, que

du notaire, est fausse... (Arrêt de la cour de Brux. du 18 avril 1851. Jurisp. de Brux., 1831, I, 300. — Dalloz, XVI, 3.)

(b) Voy. dans ce sens un arrêt de la cour de Brux. du 1er juillet 1820. (Jurisp. de Brux., 1820, I, 102.)

(3) Voyez ci-dessus, p. 159, et la note 2 de la même page.

(4) Rapport de M. Perrin au corps législatif.

214.

Art. de prime saut on se lance à la poursuite du 214. faux, quand on n'y est pas obligé, parce que la vérification d'écriture peut aboutir au même résultat, au rejet de la pièce; parce que la voie de l'inscription reste encore ouverte après l'épreuve de la vérification et le jugement qui a déclaré vraie la pièce déniée ou méconnue, et parce que, si l'on commençait par s'inscrire en faux, il ne serait plus possible de rétrograder et de revenir aux errements de la vérification.

Mais voici une question plus grave; elle a été fort diversement résolue (1). Avant de la discuter, il est nécessaire de rapporter le texte de l'art. 214 du Code.

<< Celui qui prétend qu'une pièce signifiée, communiquée ou produite dans le cours de la procédure, est fausse ou falsifiée, peut, s'il y échet, être reçu à s'inscrire en faux, encore que ladite pièce ait été vérifiée soit avec le demandeur, soit avec le défendeur en faux, à d'autres fins que celles d'une poursuite de faux principal ou incident, et qu'en conséquence il soit intervenu un jugement sur le fondement de ladite pièce comme véritable. »

Cet article n'est que la reproduction des art. 1 et 2 du titre de l'ordonnance de 1737 sur le faux incident, sauf que l'ordonnance disait: Encore que ladite pièce ait été vérifiée, MÊME AVEC LE DEMANDEUR EN FAUX.

On ne sait pourquoi les rédacteurs du Code avaient, dans leur projet, changé ce dernier mot pour ceux-ci : Même avec le DÉFENDEUR en faux. Le tribunat « pensa qu'il résultait du projet, comme de l'ordonnance, que, dans aucun cas, la vérification de la pièce ne pouvait être un obstacle à la poursuite du faux; mais que, pour éviter toute équivoque, il valait mieux faire une mention expresse tant du demandeur que du défendeur. » Sur quoi l'article reçut cette addition: soit avec le demandeur, soit avec le défendeur en faux.

Jusqu'ici, rien n'est plus clair : une simple

(1) Voyez M. Dalloz, Jurisp. génér., tom. 8, p.418, colonne 2, à la note; M. Thomines, t. 1, p. 386, et le Comment. de M. Pigeau, t. 1, p. 452.

vérification d'écriture ne peut, en aucun cas, An rendre l'inscription irrecevable, soit que cette 214 vérification ait été faite contradictoirement avec celui qui, ne se bornant plus à dénier ou à méconnaître la pièce, veut à présent l'arguer de faux; soit que la pièce ait été tenue pour vraie, en arrière de lui, suivant le style du palais; soit, en un mot, qu'il y ait ou non identité de parties. Cela est convenu.

Cependant, si la vérification a eu lieu aux fins d'une poursuite de faux principal ou incident, le jugement rendu sur cette poursuite conservera-t-il sa force de chose jugée contre un tiers à qui l'on opposerait ultérieurement la pièce, et qui se proposerait d'en prouver la fausseté? Tels sont, en définitive, les termes de la difficulté.

Je suis persuadé que ni les rédacteurs de l'ordonnance de 1757, ni les rédacteurs du Code de procédure, ne se sont occupés de ce point, et que l'on étend leur expression pardelà leur pensée, en la détachant des règles du droit commun. Les observations du Tribunat prouvent assez clairement que ces mots: soit avec le demandeur, soit avec le défendeur en faux, ne se rapportent qu'à une simple vérification d'écriture qui aurait précédé l'inscription de faux, et qui n'y peut jamais faire obstacle. Le reste n'est qu'une sorte d'incise qui ne se lie pas autrement à la principale disposition de l'article. Ce serait fort mal raisonner, je crois, que d'en extraire un argument à contrario, dont la conséquence donnerait une autorité universelle au jugement intervenu en faveur d'une pièce arguée.

Mais il y a plusieurs observations à faire. Remarquez d'abord que la question ne s'agite que par rapport à un écrit vérifié, c'està-dire précédemment jugé véritable. Car, si la pièce avait été déclarée fausse, le jugement profiterait nécessairement à tout le monde, puisqu'il a dù ordonner qu'elle serait rayée, lacérée, supprimée, afin qu'elle ne puisse plus se montrer et servir.

Maintenant distinguez: Était-ce aux fins d'une inscription de faux incident, ou d'une accusation de faux principal, que la vérification avait été faite?

241

Dans la première hypothèse, je ne vois au4. cun motif qui permette de faire exception aux principes généraux de la loi civile, laquelle exige, entre autres conditions, pour qu'il y ait autorité de chose jugée, « que la demande soit entre les mêmes parties, et qu'elle soit formée par elles et contre elles en la même qualité (1). »

L'inscription de faux incident civil qu'un autre avait tentée a pu ne pas réussir, parce qu'il ne connaissait pas des faits dont la preuve eût été décisive, ou parce qu'il avait mal dirigé son attaque, mal disposé ses moyens; peut-être y avait-il eu négligence, peut-être aussi collusion. Et si je veux m'inscrire contre un acte que l'on m'oppose, à moi qui ne figurais point au procès où cet acte a déjà franchi trop heureusement l'écueil d'une impugnation de faux, je n'aurai pas le droit de me défendre personnellement, d'articuler des faits nouveaux, d'offrir des preuves nouvelles ! Ma cause aura été compromise, tranchée, perdue sans moi, et avant qu'elle fût née ! Cette opinion ne me paraît pas soutenable, et je dirai comme le poëte: Quidquid ostendis mihi sic incredulus odi.

Dans la seconde hypothèse, celle où une accusation de faux principal a été subie, ce sont d'autres règles et d'autres considérations qui viennent étendre ou restreindre l'autorité de la chose jugée. C'est cette fameuse question de l'influence du criminel sur le civil, trop agrandie peut-être par la discussion qu'elle suscita entre M. Merlin (2) et M. Toullier (5), si bien résumée depuis dans la Jurisprudence générale de M. Dalloz (4), et plus récemment dans le Traité de l'action criminelle et de l'action civile de M. Mangin (5). Où seraient les sûretés de la justice, si les juridictions n'étaient pas mutuellement sou

(1) Code civil, art. 1551.

(2) Quest, de Droit, au mot Faux, $ 6.
(3) Tom. 8, pag. 37, et tom. 10, pag. 364.
(4) Tom. 2, pag. 616 et suiv.
(5) Tom. 2, pag. 377 et suiv.
(6) Voyez ci-dessus, pag. 158.

Je ne répète point que la règle de l'article 3 du Code d'instruction criminelle reçoit exception, orsque par sa nature l'action civile est préjudi

mises à des influences qui dominent ou sus- Art. pendent leur marche, et les empêchent de 214. s'entre-choquer à chaque pas? Conçoit-on sans effroi les résultats d'un système qui, poussant hors de toutes limites l'indépendance absolue des divers ordres d'action, donnerait à rejuger au civil ce qui aurait été déjà jugé au criminel, et permettrait ici de déclarer faux ce qui là vient d'être déclaré vrai, sous le prétexte que l'intérêt public et l'intérêt privé ne se composent pas des éléments identiques qui constituent l'autorité de la chose jugée?

Ainsi M. Toullier, entraîné trop loin par une ardeur de discussion, disait que l'action civile et l'action criminelle n'ont pas le même objet, quoiqu'elles dérivent de la même source; que l'une, l'inscription de faux incident, par exemple, tend uniquement au rejet d'une pièce, et l'autre à l'application d'une peine; que les parties n'y sont pas les mêmes, à moins que le plaignant ne se soit rendu partie civile et ne soit intervenu dans le débat criminel. Il est assez généralement reconnu aujourd'hui que c'était une double

erreur.

L'article 3 du Code d'instruction criminelle veut que l'exercice de l'action civile soit suspendu, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique. Et particulièrement, le Code de procédure porte que, dans tous les cas où d'une poursuite de faux incident s'élève une accusation de faux principal, il doit être sursis à statuer sur la première, jusqu'après le jugement de la seconde : Prius de crimine agitur quàm de causá civili (6). Pourquoi cette surséance? pourquoi le criminel tiendrait-il le civil en état, si l'instance civile ne devait pas attendre l'influence du jugement criminel, et si leur objet n'était pas identique?

cielle à l'action criminelle; comme lorsqu'il s'agit d'une plainte en suppression d'état ( Code civil, art. 326 et 327 ), ou d'un délit qui n'existe pas si l'inculpé fecit sed jure fecit. Alors, c'est le civil qui influe sur le criminel. La réciprocité, dans ces cas d'exception, se fonde toujours sur le même principe, et rentre dans le même ordre d'idées.

Art.

214

Cet objet, c'est la recherche et la preuve d'un fait qui blessa du même coup l'intérêt de la société et l'intérêt d'un particulier, et qui fut le générateur des deux actions. Dans le procès criminel, le ministère public demande que le délit soit déclaré constant ; n'est-ce pas ce que la partie lésée demande aussi dans l'instance civile ? Il est vrai que l'un parle pour la vindicte publique, et que l'autre plaide en son nom privé. Mais si les conséquences des deux actions n'ont pas la même portée, elles sont nées de la même cause, de la même pensée; et, sauf la nature des réparations que chacune d'elles réclame, leur but est évidemment le même.

Pour ce qui concerne l'identité des parties, il ne faut pas dire que la victime d'un délit, qui ne s'est point constituée partie civile dans la poursuite criminelle, y demeure absolument étrangère. « Quand le ministère public poursuit la répression des crimes, des délits et des contraventions, il agit aux risques et périls de tous les intéressés; par lui, ils sont réellement parties dans l'instance et dans le jugement qui intervient (1). »

Cependant M. Toullier insistait, prétendant que le ministère public ne pouvait avoir aucun mandat pour agir dans le nom de la partie lésée, ni aucun intérêt dans la réparation du dommage particulier que le délit avait causé, de même que le plaignant n'avait ni intérêt ni capacité pour demander l'application d'une peine; que par conséquent l'un ne représentait pas l'autre dans le procès criminel. « Étrange représentant, ajoutait-il, que celui qui n'a point, qui ne peut pas même recevoir le mandat du représenté, ni prendre de conclusions pour lui ! »

Véritablement, le ministère public n'est point le mandataire de la partie pour requérir la réparation civile du dommage qu'elle a souffert.

Mais il la représente, comme il représente la société tout entière, pour faire juger l'existence du fait dommageable.

résulte des délits est encore populaire, en ce ar sens qu'elle est encore exercée dans l'intérêt 21. de la société. La société, il est vrai, n'est plus représentée à cet égard par le premier venu; elle ne l'est plus, elle ne peut plus l'être que par le ministère public; mais le ministère public n'en est pas moins, parmi nous, le mandataire de tous, comme l'était chez les Romains le particulier qui se constituait accusateur. Et dès lors il faut bien que tous soient censés avoir été parties, par l'organe du ministère public, dans le procès criminel qu'a subi un accusé. Il faut bien, par conséquent, que le jugement qui statue sur le procès, en condamnant ou en acquit tant l'accusé, soit réputé contradictoire avec

lous.

» Et n'est-ce pas parce qu'il a toujours été dans l'esprit des lois institutives du ministère public de faire réputer contradictoire avec tous le jugement criminel qui, sur la réquisition du ministère public, mandataire de tous, déclare un délit constant et en condamne l'auteur, que l'article 19 du titre fer de l'ordonnance de 1757, et l'article 430 du code du 3 brumaire an IV, voulaient, comme le prescrit encore l'article 463 du Code d'instruction, que lorsque l'accusé d'un crime de faux était déclaré coupable, même sans Pintervention d'aucune partie civile, les pièces jugées fausses, en tout ou en partie, fussent supprimées, lacérées ou rayées? Le législateur pouvait-il annoncer d'une manière plus positive que, par cela seul que le faux était jugé constant avec le ministère public, il était censé jugé tel avec tous ceux à qui il importait que les actes qui en étaient infectés ne fussent plus reproduits en justice par l'accusé ? Mettre l'accusé hors d'état d'en faire désormais aucun usage envers qui que ce fût, n'était-ce pas dire nettement qu'il ne serait plus désormais recevable à soutenir, envers qui que ce fût, qu'il ne s'était point rendu coupable de faux (2)? »

Ne croyez pas, au surplus, que le carac

« Dans nos mœurs, l'action publique qui tère préjudiciel de l'instance criminelle pro

(1) M. Merlin, Quest. de Droit, au mot Faux,

(2) M. Merlin, Quest. de Droit, au mot Faux,

$ 6.

56.

vienne uniquement de ce qu'elle tient le procès civil en suspens, et que son influence soit subordonnée à l'existence actuelle de ce procès. Non; l'idée ne serait pas exacte. Il est dans la nature des choses et dans la volonté de la loi, que cette préjudicialité, je demande grâce pour le mot, s'étende à toutes les actions, à toutes les questions que son principe a pu ou pourra faire éclore : c'est un lien de dépendance, comme celui qui rattache successivement à une cause première tous ses effets nés et à naître.

Prenez cet exemple: Un notaire accusé d'avoir commis quelque altération dans un testament, d'avoir frauduleusement constaté l'accomplissement de certaines formalités qui n'avaient pas été remplies, a été acquitté par suite d'une déclaration du jury portant expressément que le testament n'est pas faux. Plus tard, sur les poursuites du légataire, les héritiers du testateur veulent s'inscrire incidemment en faux contre l'acte qui les dépouille. Le pourront-ils? Non. Le jugement du faux principal a fixé préjudiciellement le sort du faux incident, quoique la voie civile n'ait été prise que longtemps après.

On se récriera peut être, et l'on dira que si ce jugement qui a déclaré l'acte vrai, doit peser de toute son autorité sur l'instance civile, ce n'est que pour le cas où les parties entre lesquelles cette instance est engagée, sont les mêmes que celles qui avaient figuré devant la justice criminelle; qu'il n'en est pas ainsi quand la personne du notaire, entreprise par la poursuite du faux principal, ne se retrouve plus dans les qualités du procès qui se fait à la pièce.

Ce serait oublier ou nier inutilement que le ministère public a seul mission de poursuivre les crimes et les délits, et qu'il les poursuit aux risques, périls et fortune de tous les intéressés, lorsqu'ils ne se rendent pas parties civiles.

Pour concilier l'effet préjudiciel d'une action sur une autre, avec la grande règle qui ne soumet à l'autorité de la chose jugée que les personnes entre lesquelles cette chose a été jugée, il suffit que la loi puisse identifier, et identifie en effet, les parties

qui figurent dans une poursuite, avec celles Art. qui ont figuré dans une autre (1). Or, c'est 214. cette assimilation, cette fusion, cette fiction légale d'identité qui s'opère par la vertu des articles 259 et 240 du Code de procédure, et par la disposition plus générale de l'article 3 du Code d'instruction criminelle. Vous n'y voyez aucune distinction pour le cas où les parties ne seraient pas réellement les mêmes dans les deux instances, parce que, dans l'une, elles sont toujours représentées par le ministère public.

Mais tout cela s'explique aussi bien par les simples lumières du bon sens que par les arguments de la science. Vous savez qu'en certains cas, c'est l'action civile qui exerce son influence préjudicielle sur l'action publique ; j'ai déjà cité l'article 527 du Code civil et l'article 182 du Code forestier. Assurément, le ministère public, restant dans sa sphère de surveillance pour maintenir l'observation des lois, requérir et conclure, ne doit pas être compté au nombre des parties entre lesquelles se rendent les jugements civils sur les questions d'état et les droits de propriété; et pourtant les faits positivement décidés par ces jugements ne peuvent plus être niés, ni débattus, quand on arrive devant la justice criminelle. L'influence du civil sur le criminel, et réciproquement, ne tient donc pas essentiellement à ce que les mêmes personnes y soient réellement et nominativement engagées.

Le ministère public a poursuivi seul une accusation de faux principal, et l'on a jugé que l'accusé était coupable. Cet arrêt est un titre irrefragable en faveur de tous ceux qui peuvent avoir un intérêt au rejet de la pièce fausse.

Mais supposez que le contraire soit arrivé : la justice criminelle a déclaré que l'accusé était innocent, et que la pièce était véritable. Je ne puis concevoir rien de plus déraisonnablement subversif qu'une doctrine qui permettrait alors à la partie privée de répudier les résultats de l'action publique, de remettre en litige la vérité de la pièce, et de

(1) M. Merlin, loco citato.

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