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exacts, et pour en faciliter le contrôle, nous avons imaginė la méthode suivante: nous allons copier tout le texte avec omission seule des questions de détails absolument inséparables de certains baux spéciaux, et qui n'apportent aucune lumière à la généralité d'un traité succinct, mais qui épuise la matière du louage; et nous mettrons, dans chaque disposition ou distinction, les termes correspondants du droit d'édition à la place de ceux du bail commun, en ajoutant des déterminations ou exemples démonstratifs des cas parallèles du contrat d'édition. Nous choisirons, au hasard, comme texte à glosser ainsi, celui du Formulaire Raisonné du Notariat, par Edmond Clerc (1), qui est un manuel ėlėmentaire, ce qui nous soumettra au contrôle de tout le monde, à l'égard de ce que nous venons d'avancer. Ce traité nous donne l'avantage qu'il n'y aura rien de superflu ou contesté, et qu'il n'y manquera rien de ce qui est bien établi comme essentiel ou usuel.

Nous invitons tout spécialement, non seulement nos confrères jurisconsultes, mais aussi les gens des arts et industries intéressés, auteurs, artistes et éditeurs, à examiner l'état des choses, tel qu'il se déploye par la simple transcription des formules du droit de louage en termes de droit d'édition. Ils verront des dispositions légales toutes conformes aux stipulations d'usage, satisfaisantes pour les besoins de cette industrie importante de la librairie, aussi bien que pour les justes aspirations des gens de lettres. S'il en est ainsi, voilà la loi sur le contrat d'édition toute trouvée et qui s'il en faut un arrêt de la Cour de Cassation aurait le même effet consisterait dans un tout petit paragraphe à insérer dans l'article 1711 du Code civil, derrière celui du bail à cheptel:

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(On appelle) contrat d'édition le bail d'une œuvre litté

(1) Edition de 1881, Paris, Marchal, Billart et Cie.

raire, d'art graphique ou de musique, par voie de publication.

Nous prétendons, pour les raisons démontrées dans nos deux premiers chapitres, et appuyées sur la preuve de l'identité des règles du bail avec la pratique actuelle qui va suivre au cinquième chapitre, que la reconnaissance, soit par la loi, soit par la jurisprudence, du contrat d'édition comme louage de certaines choses, suffirait pour pourvoir ce contrat de ce qui lui manque jusqu'ici : d'une épine dorsale qui le tienne debout, d'une position déterminée dans le système du droit commun. Ce n'est que celle-ci qui permette au juge, en cas de différend et d'obscurité de l'intention des parties, de puiser des raisons non plus dans le vague de la soi-disante équité ou des usages, qui manqueront justement dans les cas douteux d'être précis, mais dans la source limpide et pure des principes du droit commun. Bien entendu, ce n'est pas là une formule qui contraigne dans une seule règle inébranlable la variété des contrats surnommés d'édition; les règles générales des baux sont tellement larges, et comprennent, elles mêmes, une telle variété de situations et dispositions dans leur propre sphère d'action, que nous croyons ne pas trop dire qu'on va trouver, dans le suivant traité des deux droits parallèles, les modèles de toutes les formes de contrat d'édition dont se sert la pratique du commerce littéraire et de l'industrie des libraires. Il y a lieu, dans le système proclamé, pour tous les desiderata de la vie intellectuelle, et la libre disposition des parties intéressées déterminera seule en premier lieu ce qui doit régir leurs droits et obligations réciproques: mais, à défaut de convention, on saura désormais où trouver les règles suppléant à cette lacune, parmi lesquelles, il est utile de s'en souvenir, on retrouvera à maintes reprises les coutumes ou usages de la branche spéciale ou du lieu de solution, desquels la décision dépendra. Il y aura donc toujours lieu et place pour la codification des coutumes,

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mais il suffira, dès lors, de leur concéder le même rang qu'aux autres coutumes de commerce ou d'industrie, dont ils partageront le rôle dans le système légal de chaque pays.

CHAPITRE IV.

LE PRÉTENDU CONTRAT COMPLEXE.

Avant d'aborder enfin la preuve de nos assertions par les traités parallèles sur le contrat de bail et celui d'édition, prélevons l'objection la plus sérieuse qu'on puisse, à notre savoir, faire à la théorie que nous proclamons, objection que nous qualifions d'importante parce qu'elle constitue la différence entre notre opinion et celle qui lui est la plus rapprochée que nous connaissions.

A l'occasion d'une critique des projets de lois et de contrats-modèles d'édition publiés en Allemagne, l'auteur du plus récent de ces projets, Osterrieth (1), trouve dans le contrat d'édition, les éléments d'un louage des droits économiques de l'auteur, guidé par des réflexions semblables à celles de nos premiers chapitres. Mais il veut, comme tous Ses prédécesseurs, que ce contrat soit complexe; il prétend qu'outre le bail, il y ait un second contrat qu'il qualifie de mandat. Ce second contrat, il le trouve dans les agissements de l'éditeur à l'égard de la publication de l'œuvre; il veut y voir une représentation de l'auteur par l'éditeur. Si force nous était de reconnaître l'existence d'un pareil contrat collatéral, se confondant intimement avec la convention principale du bail, nous opterions pour la qualité de louage d'ouvrage qu'il faudrait alors, croyons-nous, voir plutôt dans ces agissements pour faire la publication, ou de louage de service, si on veut relever l'idée que l'auteur ne

(1) Osterrieth, droit d'auteur et droit d'édition, dans les « Archives de droit public », tome VIII. (Fribourg (Bade) 1893, chez J. C. B. Mohr)

fait que commander l'impression, le brochage, l'envoi, la mise en vente; ce sont certainement des services, du point de vue de l'auteur, que tous ces agissements commerciaux dont l'éditeur se charge. Pour constituer un mandat, il fau drait, à notre avis, que l'éditeur n'y ait aucun intérêt personnel, qu'il ne fît rien que représenter les droits et intentions de l'auteur. Or, il nous paraît incontestable que cela n'est point le cas, que l'éditeur a, au contraire, un intérêt légitime dans toutes ces opérations, selon les intentions des parties, bien que d'après la théorie que nous critiquons en ce moment (1), et suivant toutes les opinions publiées, l'auteur ait un intérêt concurrent.

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Mais il n'y a ni louage de services, ni louage d'ouvrage, ni mandat; il n'y a point de second contrat entrelacé aux dispositions du premier, du bail de chose.

De cette complexité de droits multiples qui composent le droit de propriété, une partie déterminée est la jouissance. Cette jouissance peut être plénière, comme l'usufruit; elle peut être restreinte à un certain but, à un certain mode de jouir. C'est dans cette seconde forme qu'elle se présente dans le bail à loyer, dans le bail à ferme, dans le bail à cheptel, etc. Le premier de ces contrats s'occupe d'un usage d'une chose seulement, et même seulement d'une espèce déterminée d'usage, de l'habitation. Le bail à ferme comprend un usage et une jouissance, l'habitation, la culture, la perception des fruits. Mais la qualité de cet usage et de cette jouissance, peuvent singulièrement varier, selon la nature de la chose exploitée peu importe en théo

(1) Ce qui d'ailleurs fait la différence la plus importante entre l'opinion d'Osterrieth et la nôtre, c'est que son bail n'est autre chose que la cession de la totalité de la jouissance économique. Il répudie lui-même ensuite la conséquence irréfutable de cette théorie que le droit de traduction et de l'adaptation serait abandonné à l'éditeur; il omet de statuer la même conséquence impossible à l'égard de la jouissance par la représentation, etc. Son bail n'est tel que de nom.

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rie de droit, beaucoup en économie pratique, s'il s'agit d'un champ de betteraves ou d'une mine de cuivre, d'une villa avec parc ou d'une place aux Halles Centrales, d'un appartement orné de glaces ou d'une usine à vapeur. L'un et l'autre se louent; le Code dit uniformément que c'est à faire jouir le preneur que le bailleur s'oblige, pour un certain temps et moyennant un certain prix. La vie pratique caractérise au contraire ces jouissances d'agriculture, d'ex- . ploitation minière, d'habitation, d'achalandage, de fabrication selon leur situation, forme, durée, étendue, selon les personnes contractantes on pourra deviner, selon la stipulation, on pourra savoir quelle a été l'intention des parties à l'égard de cette jouissance, quel genre de jouissance elles ont voulu concéder et acquérir. Cela sera extrême-. ment important pour déterminer en détail les droits et obligations des deux parties, sans rien changer, cependant, au caractère légal fondamental de ces mêmes droits et obligations, qui restera nécessairement le même dans tous ces cas hétérogènes.

Ainsi, le bailleur participera-t-il (dans le cas fréquent où il reçoit son prix en fruits) nécessairement à toutes ces industries, ou du moins à la réalisation commerciale de toutes ces différentes denrées reçues, sans que pour cela la loi y voie un contrat spécial quelconque, comme une livraison ou vente ou échange ou cession (faits de la part du preneur au bailleur), qui soit entremêlé à celui du bail. De même, pour exploiter une fabrique, disons par exemple une tuilerie louée, le preneur doit engager des ouvriers, des ingénieurs, des machinistes; il doit acheter des machines à force motrice, à drainage, à ventilation, à former, à presse; il doit faire ou faire faire des démarches multiples auprès des autorités, il doit louer des trains ou wagons de chemin de fer, des bateaux, des chariots, des bêtes de somme. Quoiqu'il en fasse est-ce que pour cela, du point de vue du droit, il cesse d'être preneur de bail, et rien que

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