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pas pu se procurer une preuve littérale. « On doit s'en rapporter sur cela, disait Lebrun (loc. supra cit.), au témoignage des parents soit exprès, soit tacite, lorsque l'un des deux jumeaux a toujours été dans la famille en possession de la qualité d'aîné; on peut aussi, sur ce fait, recourir au témoignage des accoucheurs, des gardes, et autres semblables personnes. » L'ordre de l'écriture dans l'acte de naissance, serait même aussi un élément de preuve, qui pourrait fortifier les autres documents, que la cause offrirait déjà (comp. Caen, 17 août 1843, Laquesne, Rec. de Caen, t. VII, p. 452; Duranton, t. V, no 52; Demante, t. III, n° 22 bis, VIII).

Enfin, dans le cas où il serait impossible de connaître, de quelque manière que ce fût, l'ordre des naissances entre les jumeaux, on devra, s'ils sont de sexe différent, présumer que le mâle a survécu, lorsqu'ils seront âgés de plus de quinze ans et de moins de soixante (art. 722, 1 alin.).

Mais s'ils étaient de même sexe, ou même, dans le cas où ils seraient de sexe différent, s'ils étaient âgés de moins de quinze ans ou de plus de soixante ans, on ne se trouverait plus dans aucun des cas de présomption établis par nos articles (infra, n° 115).

Remarquons seulement que dans le cas où les deux jumeaux seraient âgés de moins de quinze ans, la question de survie n'offrira pas d'intérêt, puisque d'une part, les deux frères ou sœurs, ayant alors nécessairement le même père et la même mère, auront nécessairement aussi de chaque côté les mêmes héritiers, et que d'autre part, ni l'un ni l'autre, à cet âge, ne pourra laisser (le plus ordinairement du moins), ni enfant (art. 144) ni légataire (art. 903, 904). 106. — Il n'y a aucune difficulté à dire que les présomptions de survie établies par les articles 721 et

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722 (de même que la présomption établie par la loi du 20 prairial an Iv), sont applicables aux successeurs irréguliers aussi bien qu'aux successeurs réguliers ou héritiers légitimes; car ils sont appelés à la succession (art. 711, 757, 765); et ils se trouvent dès lors tout à fait dans les termes des articles 720 à 722. 107. Il importe peu aussi, lorsque les commorientes étaient respectivement héritiers les uns des autres, que leurs droits, dans leurs successions réciproques, fussent semblables ou différents; que l'un par exemple, fût héritier présomptif de l'autre, pour moitié; et celui-ci, héritier présomptif du premier pour un quart seulement.

Et il n'importe pas davantage qu'ils fussent à des degrés égaux ou inégaux par rapport à l'auteur com

mun.

Nos textes n'exigent que la réciprocité de la vocation héréditaire, et nullement l'égalité respective des droits successifs, ou des degrés de parenté.

108.- Remarquons encore que lorsque les présomptions de survie établies par nos articles 721 et 722 sont applicables, et qu'en conséquence l'un des commorientes est présumé, d'après ces articles, avoir survécu à l'autre, le bénéfice résultant de cette présomption profite, bien entendu, à tous ceux qui ont des droits à exercer dans la succession du survivant; en ce sens que cette succession se trouve augmentée, dans l'intérêt de tous les ayants droit, de la succession ou des successions que le survivant a recueillies et qui se sont confondues avec la sienne.

Les présomptions de survie peuvent donc être invoquées, sous ce rapport, c'est-à-dire du chef du survivant, non-seulement par ses héritiers ou successeurs ab intestat, mais par ses créanciers, par ses légataires à titre universel ou à titre particulier, par ses

donataires de biens à venir, en un mot par quiconque avait des droits subordonnés à la condition de son décès.

Quant à la question de savoir si ces présomptions de survie pourraient être invoquées par le légataire universel du survivant, dans le cas où celui-ci n'aurait pas laissé d'héritiers à réserve, elle est plus délicate; et nous allons bientôt y arriver (infra, n° 116).

Mais il n'y a, pour tous les autres intéressés, aucun doute qu'ils peuvent, du chef du survivant, se prévaloir des présomptions établies par les articles 721 et 722, dans le cas où elles sont applicables. Ce n'est point là du tout en étendre l'application à des cas non prévus par la loi; c'est seulement en reconnaître les effets dans les cas qu'elle a prévus (comp. Toullier, t. III, no 78; Duranton, t. V, n° 47; Marcadé, art. 720, n° 6; Ducaurroy, Bonnier et Roustaing, t. II, no 403).

109.

Et maintenant, les présomptions établies par nos articles 721 et 722, peuvent-elles être appliquées à d'autres hypothèses encore que celle qui a été prévue par ces articles ?

C'est notre seconde question (supra, no 94); et elle n'est pas la moins délicate.

Cette question peut s'élever, soit en matière de succession ab intestat, soit en matière de libéralités testamentaires ou contractuelles :

A. En matière de succession ab intestat, on demande si les présomptions de survie des articles 724 et 722 sont applicables :

1° Au cas où les commorientes n'étaient pas appelés respectivement à la succession l'un de l'autre, mais où l'un deux seulement était héritier présomptif de l'autre, sans réciprocité (infra, nos 112, 113);

2o Au cas où les commorientes, héritiers présomptifs respectivement l'un de l'autre, auraient péri dans des événements différents; au cas où on aurait trouvé leurs cadavres, dans la même chambre ou dans des lieux différents, sans qu'il fût possible de déterminer l'ordre des décès (infra, no 114);

3° Au cas où les commorientes étant respectivement à la succession l'un de l'autre, il ne serait pas possible de déterminer, entre eux, la date des naissances, et par suite la différence des âges (infra, n° 115);

4° Au cas, enfin, où les commorientes étant respectivement appelés à la succession l'un de l'autre, l'un d'eux, qui n'avait pas d'héritier à réserve, aurait institué un légataire universel (infra, no 116).

B. En matière de libéralités testamentaires ou contractuelles, on demande si les présomptions de survie des articles 721 et 722 sont applicables;

1° Entre un testateur et un légataire qui ont péri dans le même événement;

2o Entre deux individus, qui s'étaient réciproquement institués légataires universels l'un de l'autre, surtout s'ils ne laissent pas d'héritiers à réserve;

3o Entre un donateur et un donataire de biens à venir;

4° Entre deux époux, dont l'un avait fait à l'autre, ou qui s'étaient fait réciproquement, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, des avantages ou gains de survie, ou qui avaient stipulé un préciput ou la totalité de la communauté au profit du survivant ou de l'un d'eux, etc.;

5° Entre un grevé de substitution et le substitué ou appelé ;

6° Entre un donataire de biens présents et le donateur qui avait stipulé le droit de retour pour le cas de

prédécès du donataire (infra, n° 117; et notre t. II, n° 200).

Tel est le tableau des différentes hypothèses, sur lesquelles s'est élevée la question de savoir si les articles 721 et 722 sont applicables.

110. Nous allons reprendre successivement ces hypothèses.

Mais il nous paraît, avant tout, indispensable de nous expliquer sur un argument qui domine cette thèse tout entière, et sur lequel on s'est principalement fondé pour soutenir que les présomptions établies par les articles 721 et 722, devaient être étendues à toutes les hypothèses plus ou moins semblables, dans lesquelles une question de survie était à ré

soudre.

Eh bien done! on a dit presque partout que les présomptions de survie édictées par nos articles étaient réclamées par la nécessité, et que dès lors la même cause qui les a fait établir pour les cas directement prévus, en commande l'application extensive à tous les cas non prévus, où la même nécessité se présente; car il faut bien, dit-on, dans les uns comme dans les autres, sortir d'affaire; et il n'y a pas d'autre issue que les présomptions légales des articles 721 et 722, qui seules peuvent trancher alors le nœud gordien!

Nous aurons porté déjà un grand coup à cette doctrine tout entière, lorsque nous aurons démontré que la prétendue nécessité qu'elle invoque, est purement imaginaire; et cette démonstration nous paraît facile.

Prenons un exemple très-simple:

Primus et Secundus, frères utérins, sans ascendants ni descendants, et par conséquent appelés respectivement à la succession l'un de l'autre, périssent

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