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Cass., 13 août 1840, Desmares, Dev., 1840, I, 732; Toullier, t. II, n° 7; Proudhon, du Domaine privé, t. I, n° 386; Duranton, t. IV. n° 279 et 283; Demante, t. III, no 11 bis, III).

24. Il est bien clair, d'ailleurs, que ce mode d'acquisition ne s'applique qu'aux animaux tout à fait sauvages, feræ bestiæ (Inst., § 12, de rer. div.), quadrupèdes ou volatiles, qui vivent, comme disait Pothier, in laxitate naturali (de la Propriété, n° 21 et 24).

On ne saurait donc l'étendre ni aux animaux privés et domestiques, mansueta, ni même aux animaux de nature sauvage, mais apprivoisés, et qui sont censés appartenir au propriétaire du fonds où ils ont, en quelque sorte, élu domicile, tant qu'ils conservent l'habitude d'y revenir (comp. Inst., de rer. div., § 15; Pothier, de la Propriété, no 24; art. 564, Cod. Nap.; art 388, Code pénal; Rouen, 14 févr. 1845, Fournier, Dev. 1845, II, 236; Rennes, 29 oct. 1847, Delalande, Dev., 1849, II, 225; voy. aussi, sur ce sujet, notre t. IX, no 176 à 180).

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25. Il faut aussi exiger, bien entendu, dans l'occupation par la chasse, la condition générale nécessaire pour que toute occupation s'accomplisse, à savoir l'appréhension corporelle, factum, ou du moins que la chose soit incontestablement en la puissance de celui qui a la volonté de s'en emparer (supra, n° 19).

Et c'est précisément cette règle-là qui doit servir à résoudre la question, depuis si longtemps agitée, du gibier poursuivi.

Un autre qui celui qui le poursuit, peut-il le tuer ou le prendre?

Non, d'après Barbeyrac, lors même que le gibier n'aurait pas encore été blessé par le chasseur qui est à sa poursuite;

Oui, suivant Puffendorf, si l'animal poursuivi n'est pas blessé ou ne l'est que légèrement (livre IV, chap. vi, n° 40).

Pothier, sans se prononcer, remarque seulement que le sentiment de Barbeyrac est plus civil et qu'il est suivi dans l'usage (de la Propriété, no 26).

La vérité est pourtant que l'animal, même poursuivi et blessé par un chasseur, ne lui appartient pas encore, et que l'occupation ne se réalise qu'autant qu'il est évidemment en son pouvoir, de manière à ne lui pouvoir plus échapper; telle est la décision des Institutes de Justinien, qui ne reconnaissent au chasseur la propriété du gibier, même blessé, vulnerata, qu'autant qu'il l'a pris: non aliter quam si ceperis; quia multa accidere solent ut non capias (§ 13, de rer. div.; ajout. L. 55, ff. de adq. rer. dom.).

Nous n'entendons pas, d'ailleurs, trancher ici une question de convenance, de bons procédés ou de savoir-vivre, mais seulement une question de droit (comp. Proudhon, du Dom. privé, t. I, no 385; Duranton, t. IV, no 278).

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La conséquence de cette solution est encore que chasseur ne pourrait pas continuer de suivre sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire, le gibier par lui blessé et poursuivi.

26. La propriété qui s'établit sur les animaux sauvages par l'occupation, c'est-à-dire par la prise de possession, a ceci de particulier qu'elle se perd avec la possession elle-même, lorsque les animaux, par une sorte de jus postliminii, ont reconquis, en nous échappant, leur liberté naturelle, et sont ainsi rentrés dans la communauté négative du genre humain; à la différence des choses inanimées et même des autres animaux, dont nous conservons la propriété, alors même qu'ils sont égarés (comp. L. 3, § 2, et L. 5,

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§ 6, ff. de adq. rer. dom.; Pothier, de la Propriété, n° 57).

27. Remarquons toutefois, sur ce point, qu'en ce qui concerne les essaims d'abeilles, la loi du 28 septembre 1791 (titre 1, sect. I, art. 5) renferme une disposition spéciale ainsi conçue :

« Le propriétaire d'un essaim a le droit de le récla<< mer et de s'en ressaisir, tant qu'il n'a point cessé de « le suivre; autrement, l'essaim appartient au pro<< priétaire du terrain sur lequel il s'est fixé. »

Ainsi, d'une part, le propriétaire de l'essaim qui s'enfuit, peut exercer un droit de suite; droit fort ancien, qui paraît dériver] de ce qu'on assimilait aux choses perdues les abeilles qui s'enfuyaient (Établissements de Saint-Louis, liv. I, chap. CLXV; comp. Klimrath, Rev. de législ., t. II de 1835, p. 398); d'où il est permis de conclure que le maître de l'essaim déserteur peut le poursuivre jusque sur le terrain d'autrui, à la charge d'indemniser le propriétaire du dommage qu'il lui aura causé (comp. Toullier, t. II, n° 374; Massé et Vergé sur Zachariæ, t. II, p. 104; Chavot, de la Propr. mob., t. II, no 433);

Et d'autre part, le propriétaire du terrain sur lequel l'essaim s'est fixé, en acquiert la propriété, dès que le maître de cet essaim a cessé de le suivre, et par conséquent avant aucune prise de possession de sa part (voy. notre Traité de la Distinction des biens, etc., t. I, no 277).

Cette dernière décision de la loi du 28 septembre 1791 diffère du droit romain (Inst., de rer. div., § 44) et de notre ancien droit français (Pothier, de la Propriété, n° 80). D'après les législations antérieures, l'essaim n'appartenait pas plus au propriétaire du fonds sur lequel il s'était fixé, que l'oiseau qui aurait fait son nid sur ce fonds; et ce n'était que par occu

TRAITÉ DES SUCCESSIONS. I

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pation que la propriété pouvait en être acquise, soit au maître du fonds, soit à tout autre. On ne saurait nier que cette théorie ne fût plus conforme aux véritables principes (comp. Proudhon, du Dom. privé, t. I, no 126 à 405).

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28.

Il faut distinguer la pêche maritime et la pêche fluviale. Exposition.

29. — La pêche est un mode d'acquérir par occupation. — Mais celui qui exerce la pêche sans droit ou sans la permission de celui auquel le droit appartenait, devient-il propriétaire du poisson qu'il a pris?

30. Pour quelles espèces de poissons la pêche est-elle un moyen d'acquérir?

28. L'article 715 comprend, dans les mêmes termes, la faculté de chasser ou de pêcher, c'est-àdire qu'en se bornant à renvoyer aux lois particulières qui en réglementent l'exercice, il consacre virtuellement la pêche, de même que la chasse, comme manière d'acquérir (supra, n° 22; voy. toutefois infra, n° 29).

Il faut, à cet égard, distinguer la pêche maritime, qui s'exerce dans les eaux salées, et la pêche fluviale, qui s'exerce dens les eaux douces :

I. 1. La pêche maritime est encore aujourd'hui réglée par l'Ordonnance sur la marine de 1681.

Toute personne peut pêcher dans la mer sans permission spéciale (liv. V, tit. 1, art. 1 de ladite Ordonnance; Pothier, de la Propriété, no 51). C'est en ce sens que l'on a coutume de dire que la pêche maritime est libre; car, d'ailleurs, elle est soumise à des prescriptions réglementaires et de police, qui, dans l'intérêt général, afin d'empêcher la destruction du frai et de favo

riser la reproduction des différentes espèces de poissons, déterminent les temps, saisons et heures pendant lesquels la pêche est interdite, les procédés, les engins et instruments prohibés, ainsi que la dimension des filets dont l'usage est permis (comp. liv. V de l'Ordon. de 1681; Déclarations du roi des 23 avril, 2 septembre et 24 décembre 1726; 18 mars 1727; ajout. Ordonn. du 13 mai 1818; voy. au surplus Merlin, Rép., vo Pêche, section II).

II. La pêche fluviale est réglée, chez nous, par la loi du 15 avril 1829, à laquelle il faut ajouter celle du 6 juin 1840.

Dans les cours d'eau navigables ou flottables, et dans leurs dépendances, dont l'entretien est à la charge de l'État ou de ses ayants cause, le droit de pêche est exercé au profit de l'État; la pêche à la ligne flottante tenue à la main y est néanmoins permise à toute personne, le temps du frai excepté (art. 1 et 5 de la loi de 1829).

Dans les autres cours d'eau, les propriétaires riverains ont, chacun de son côté, le droit de pêche jusqu'au milieu du cours de l'eau, sans préjudice des. droits contraires établis par possession ou titre (art. 2; voy. notre t. X, n° 140).

Tout individu qui se livre à la pêche, sans la permission de celui à qui le droit de pêche appartient, est passible d'une amende, aux termes de l'article 5; et il est à remarquer que ce même article ajoute qu'il y aura lieu, en outre, à la restitution du prix du poisson pêché en délit......

Les autres dispositions de la loi concernent l'administration et la régie de la pêche; les adjudications et cautionnements (tit. I et m); le titre iv est particulièrement consacré à la conservation et à la police de la pêche; et il édicte les mesures nécessaires dans

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