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264. Et lors même aussi que le parent ou l'allié de l'héritier ne serait, en réalité, ni auteur ni complice du meurtre du défunt, il suffirait, pour que l'article 728 fût applicable, que cet héritier eût cru de bonne foi à sa culpabilité; si son silence n'avait eu effectivement d'autre cause que la crainte de livrer son parent ou son allié aux poursuites de la justice, il ne devrait pas encourir l'indignité, que la loi n'inflige qu'à l'insouciance coupable (comp. Marcadé, art. 728,

n° 72).

265. L'article 728 sera d'une application facile, et l'héritier jouira efficacement de la dispense que cet article lui accorde, lorsque le meurtrier sera connu au moment où la demande en indignité serait formée contre lui pour défaut de dénonciation. Il n'aurait alors qu'à fournir la preuve des liens, qui l'unissent au meurtrier.

Il en sera encore ainsi, dans le cas même où le meurtrier serait inconnu au moment de la demande en indignité, si, à ce moment, le meurtrier est décédé ou si l'action publique est prescrite. Et encore, dans cette dernière hypothèse, l'héritier sera-t-il obligé, pour ne pas encourir l'exclusion, de révéler le nom du coupable, qui était ignoré, et de flétrir ainsi la mémoire de son proche, s'il est mort, ou de le déshonorer luimême, si l'action est seulement prescrite; mais du moins, cette révélation ne pourra plus avoir pour résultat de le livrer aux poursuites de la justice; et l'héritier, quoique n'ayant pas dénoncé le meurtre, conservera la succession par application de l'arti

cle 728.

266. - Mais supposons, au contraire, qu'au mo ment où la demande en déclaration d'indignité est formée contre l'héritier pour défaut de dénonciation, le meurtre soit connu, le meurtrier d'ailleurs demeu

rant ignoré, et que l'action publique ne soit encore éteinte ni par la mort du coupable, ni par la prescrip

tion.

La perplexité de l'héritier serait alors cruelle! et il faut bien reconnaître que l'article 728 renferme une dispense, dont l'application est ici impossible.

Cet héritier, en effet, ne pourrait échapper à l'indignité pour défaut de dénonciation, qu'en invoquant l'article 728, qui le dispensait de dénoncer même seulement le meurtre, parce que le meurtrier était son parent ou son allié; or, précisément, il ne pourrait établir que cette dispense lui est applicable, qu'en dénonçant le meurtrier lui-même, c'est-à-dire son propre parent ou allié!

L'alternative est inévitable; et il faudra nécessairement que l'héritier choisisse entre le devoir de piété, qui lui défend de livrer l'un de ses proches aux poursuites de la justice, et la succession, dont il peut être exclu, s'il remplit ce devoir; exclu, dis-je, comme s'il avait lui-même commis une faute grave envers la mémoire du défunt, tandis qu'il n'aura fait qu'accomplir un acte de devouement et d'abnégation.

Il est vrai que l'on peut dire qu'une telle hypothèse sera très-rare, par le motif « qu'il n'y a guère qu'un débat contradictoire avec le meurtrier, ainsi nécessairement révélé, qui puisse imprimer à l'homicide commis le caractère de meurtre.» (Demante, t. III, n° 36 bis, II).

Mais pourtant, cette situation est loin d'être impossible; et elle pourrait se réaliser dans deux cas :

1° Si le meurtre ayant été commis par plusieurs, et l'un des auteurs ayant été condamné, l'autre, coauteur ou complice, qui serait précisément le parent ou l'allié de l'héritier, était demeuré inconnu;

2o Indépendamment même de toute condamnation, s'il était prouvé par une instruction judiciaire que le de cujus a péri victime d'un meurtre, quoique l'auteur en fût inconnu. La loi, en effet, ne paraît pas exiger ici que le meurtrier ait été condamné; et tout en reconnaissant que cette condamnation sera, en général, la preuve la meilleure et la plus sûre du meurtre du défunt, nous ne croyons pas qu'en droit, elle soit la seule qui puisse en être fournie.

267. Eh bien done! supposons que l'héritier, homme d'honneur, a préféré son devoir à son intérêt, et qu'il s'est laissé exclure.

Cette exclusion sera-t-elle donc toujours définitive et irréparable?

Oui, sans doute, si le meurtrier continue toujours à demeurer inconnu.

Mais voici qu'il est découvert; et l'on reconnaît que l'héritier, qui a été déclaré indigne pour défaut de dénonciation, était, aux termes de l'article 728, à raison des liens qui l'unissent à ce meurtrier, dispensé de dénoncer le meurtre.

Pourra-t-il alors réclamer la succession?

L'affirmative sera certaine, si la décision judiciaire par laquelle il a été exclu, peut encore être attaquée, soit par l'une des voies ordinaires de recours : l'opposition ou l'appel; soit par l'une des voies extraordinaires le pourvoi en cassation ou la requête civile; et il n'est pas douteux qu'indépendamment des ouvertures de requête civile, qui se rattachent à la procédure, il faudrait considérer comme un dol personnel, et par conséquent comme une cause d'ouverture de requête civile (art. 480-1°, Code de procéd.), la conduite de ceux qui auraient fait prononcer l'indignité contre l'héritier pour défaut de dénonciation, s'ils connaissaient l'existence de son excuse.

Mais si la décision judiciaire qui a prononcé l'exclusion, est passée en force de chose jugée, et ne peut être ni cassée ni rétractée d'aucune manière, la vérité est que l'exclusion sera elle-même légalement irréparable. Avons-nous besoin d'ajouter toutefois que ceux qui auraient ainsi obtenu la succession à son préjudice, ne pourraient pas moralement, sans déloyauté et sans déshonneur, se dispenser de la lui rendre ! (Art. 1351; comp. Duvergier sur Toullier, t. II, n° 112, note a; Marcadé, art. 728, no 71; Ducaurroy, Bonnier et Roustaing, t. II, n° 430; Demante, t. III, n° 36 bis, III; Taulier, t. III, p. 134.)

268. En ce qui concerne cette troisième cause d'indignité, il est clair qu'il n'y a lieu à aucune condamnation pénale préalable; et c'est le tribunal civil saisi de la demande en déclaration d'indignité pour défaut de dénonciation du meurtre du défunt, qui est chargé directement d'en vérifier l'existence.

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SECTION III.

QUELS SONT LES EFFETS DE L'INCAPACITÉ et de l'indigNITÉ ?

-

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269. Cette question générale: Quels sont les effets de l'incapacité et de l'indignité, comprend plusieurs questions particulières, que nous nous proposons d'examiner ici spécialement; à savoir:

A. De quelle manière l'incapacité et l'indignité ontelles lieu? Est-ce de plein droit?

B. A quelle époque l'incapacité et l'indignité peuvent-elles être opposées? Contre quelles personnes? Par quelles personnes ? Devant quel tribunal? Et pendant combien de temps?

C. Quelles sont enfin les conséquences de l'incapacité et de l'indignité, soit à l'égard des héritiers, soit à l'égard des tiers?

N° 1.

Des effets de l'incapacité.

SOMMAIRE.

270.

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A. L'incapacité a lieu de plein droit. C'est à celui qui se prétend capable de recueillir une succession, à prouver sa capacité.

271.

B. L'incapacité peut être opposée à toute personne et par toute personne. Explication.

-

271 bis Pendant combien de temps l'incapacité peut-elle être opposée?

-

272. C. Quelles sont les conséquences de l'incapacité? - Renvoi.

270. -La thèse que nous abordons est très-simple, en ce qui concerne l'incapacité.

L'incapacité, en effet, c'est l'absence des qualités requises pour succéder, c'est le défaut absolu d'aptitude à recueillir; nous l'avons déjà dit, c'est le néant! L'incapable est tout à fait étranger à la succession ; il ne saurait la perdre; car, il n'a jamais pu l'acquérir ; et de là, cette formule ancienne et toujours vraie, que l'incapacité est exclusive de la saisine; la saisine, en effet, n'appartient qu'à l'héritier, et l'incapable n'est pas héritier. On dit bien un héritier indigne (infra, n° 274); mais on ne pourrait pas dire un héritier incapable, sans commettre une contradiction et un véritable non-sens.

Cela posé, les différentes questions, que notre sujet renferme, sont par avance résolues.

A. D'abord, de quelle manière a lieu l'incapacité ? évidemment de plein droit; car il n'est pas, bien entendu, nécessaire d'agir en justice pour faire déclarer, contre une personne, qu'elle est incapable de

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