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la volonté des propriétaires qui l'y avaient placé, une dépendance de l'immeuble, et une sorte d'immeuble lui-même par destination (arg. des articles 524, 525). Ce point de vue semblerait surtout exact, si les tombes se trouvaient dans des caveaux construits en maçonnerie (art. 552; comp. D., Rec. alph., vo Propriété, no 16).

Ces considérations ne manquent pas de gravité sans doute; mais sont-elles décisives?

Il ne s'agit pas, bien entendu, dans la question proposée, du cas où les fouilles qui auraient eu lieu, constitueraient une violation de tombeau, dans les termes du Code pénal (art. 360).

Nous supposons que le propriétaire du sol pourrait s'approprier les objets ainsi trouvés et en disposer; or, si le propriétaire a ce droit, pourquoi l'inventeur ne l'aurait-il pas également pour la moitié que la loi lui attribue?

Il est évident aussi qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait trésor, que la chose ait été cachée ou enfouie, dans l'origine, par le propriétaire pour un temps seulement et avec l'intention de la retirer ensuite. Les médailles commémoratives que l'on place en terre lors de la pose de la première pierre des monuments, ou encore celles que les antiquaires aiment parfois aussi à confier au sol, ces médailles y sont placées in perpetuum; et elles n'en seront pas moins, certes, des trésors pour ceux qui, dans l'avenir, les découvriront.

38.2° Il faut, en second lieu, pour qu'il y ait trésor, que personne ne puisse justifier sa propriété sur la chose qui était cachée; car, si on peut savoir par qui elle a été cachée ou oubliée, cette chose ne peut plus être considérée comme res nullius; elle n'est point un trésor, dans le sens technique de ce mot, quoique les jurisconsultes romains l'emploient im

proprement quelquefois aussi dans cette acception (voy. L. 15, ff. ad exhib.; 1. 6, ff. de rei vindic.); et elle ne peut être acquise ni par l'inventeur, ni par le propriétaire de la chose dans laquelle elle a été trouvée. Nous avons même remarqué plus haut (no 32), que le trésor, lors même que la propriété n'en est justifiée par personne, n'est pas pas véritablement chose nullius, puisqu'après tout, il appartient à quelqu'un et qu'il n'est nullement vraisemblable qu'il ait été abandonné pro derelicto; et si on admet alors l'occupation comme mode d'acquérir, c'est que le maître étant inconnu, est réputé ne pas exister ab ignotis dominis...; ut jam dominum non habeat (L. unic., Cod. de thesaur.; L. 31, § 1, ff. de adq. rer. dom.). Mais c'est là une disposition spéciale; car nous verrons bientôt que l'inventeur d'une chose perdue n'en devient pas immédiatement propriétaire, quoique le maître de la chose soit ignoré (infra n° 72); et dès lors c'est bien le moins que lorsque le maître de la chose découverte prouve sa propriété, cette chose doive lui être rendue tout entière.

38 bis. La loi n'exige pas, d'ailleurs, que ce soit au moment même de la découverte, que le maître de la chose trouvée justifie sa propriété; il pourrait done la réclamer ensuite, et pendant le délai ordinaire de trente ans (art. 2262). En vain le propriétaire et l'inventeur prétendraient-ils que l'article 716 leur en a attribué la propriété, parce qu'au moment de la découverte, nul n'aurait justifié sa propriété; la réponse est que cette attribution était conditionnelle et subordonnée au cas où personne ne pourrait justifier sa propriété, justification à laquelle la loi n'assigne aucun délai, sous peine de déchéance.

39.

La seule question, ici, est de savoir de

quelle manière peut être faite la justification de propriété, de la part de celui qui réclame la chose. Et cette question elle-même est très-simple.

On reconnaît, en effet, généralement que cette justification peut être faite par tous les moyens, et que la preuve testimoniale, et par conséquent aussi les présomptions sont admissibles; car ces moyens de preuve sont reçus toutes les fois qu'il n'a pas été possible au demandeur de se procurer une preuve littérale (art. 1348, 1353). Or, telle est assurément la position de celui qui a caché un trésor, et surtout de ses héritiers ou successeurs, si leur auteur, comme c'est l'ordinaire, ne leur a point confié le secret de sa cachette. Et encore, avec ces moyens de preuve, faut-il remarquer que c'est là une dangereuse défiance! car, si celui qui a caché la chose sans en rien dire à personne, vient à mourir avant de la retirer, la chose va rester là ignorée de tous; et voilà en effet comment se font, le plus souvent, les trésors! (comp. Riom, 26 févr. 1810, Pinet, Sirey, 1814, II, 102; Bruxelles, 15 avril 1823, Lambert, Dev. et Car., Collect. nouv., 7, II, 190; Amiens, 19 janv. 1826, Rey, Sirey, 1827, II, 161; Bordeaux, 22 févr. 1827, Mimaud, D., 1827, II, 104; Pothier, de la Propriété, n° 66; Toullier, t. IV, no 36, et t. VII, no 21 et suiv.; Duranton, t. IV, n° 311).

Au reste, il n'est pas absolument nécessaire que celui qui justifie de la propriété du trésor, ait pu désigner le lieu où il a été trouvé; lors même qu'il ne se le rappellerait plus, ou qu'il ne l'aurait jamais su (si c'était son auteur qui l'eût caché), il suffit que sa propriété soit justifiée (d'Expilly, 37° plaidoyer; Thomas Latour, loc. supra cit., p. 54).

40. C'est donc là une question de fait dont les magistrats sont les souverains appréciateurs, d'après les circonstances de chaque espèce.

Toutefois, il est une opinion, d'après laquelle il suffirait que la chose cachée fût de création récente, pour que l'on dût, en principe, lui refuser le caractère de trésor, et pour qu'elle appartînt, en conséquence, tout entière au propriétaire de la chose qui la renfermait, ou du moins pour qu'elle fût considérée non pas comme un trésor, mais comme une chose perdue, à laquelle il faudrait appliquer non pas l'article 716, mais l'article 717 (comp. Orléans, 6 sept. 1853, Fouchard, Dev., 1856, II, 54).

Voilà, par exemple, que Primus trouve dans le fonds ou dans l'armoire de Secundus, un dépôt de pièces de monnaie moderne et d'un type récent.

Eh bien! d'après cette doctrine, ce dépôt ne serait point un trésor; et il y aurait de plano une présomption de propriété en faveur de Secundus : « Attendu qu'en droit, dit la Cour de Bordeaux, le trésor dont parle l'article 716, consiste en une chose dont la propriété ne peut être justifiée, parce qu'il ne peut rester de traces dans la mémoire des hommes, soit de la personne qui a caché la chose découverte, soit de l'occasion qui a rendu le dépôt nécessaire..... » (comp. Bordeaux 22 févr. 1827, Mimaud, D., 1827, II, 104; Pothier, de la Propriété, n. 66; Toullier, t. IV, n° 36; Massé et Vergé sur Zachariæ, t. II, p. 102).

Cette doctrine est, à certains égards, exacte; mais elle nous paraît avoir été généralement formulée en des termes trop absolus.

Il est vrai que le droit romain avait fait de l'ancienneté de la chose et des circonstances dans lesquelles elle aurait été cachée, une condition légale du trésor : vetus quædam depositio pecuniæ, cujus memoria non extal.; tempore vetustiore (L. 31, § 1, ff. de adq. rer. dom.; L. unic., Cod. de thesaur.). Et la vérité est aussi que, aujourd'hui même encore, le mot trésor éveille

TRAITE DES SUCCESSIONS. I

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toujours plus ou moins, cette idée d'une époque reculée et d'une origine ancienne et obscure.

Mais pourtant nous remarquerons qu'en droit, notre article 716 n'a pas reproduit cette condition, et que par conséquent, toute chose cachée sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, constitue aujourd'hui un trésor, lors même qu'elle serait d'origine récente, et par exemple, lors même qu'il s'agirait de monnaies au type actuel. Nous nous empressons d'ajouter, sans doute, qu'en fait, cette circonstance devra être prise en grande considération, sur la question de justification de propriété; et il arrivera, en pareil cas, le plus souvent, que la chose trouvée sera déclarée appartenir au propriétaire de la chose dans laquelle elle était cachée; comme, par exemple, si on trouvait des pièces de monnaie récentes dans le tiroir secret d'un meuble vendu après le décès du propriétaire, et s'il était établi que ce propriétaire a acheté ce meuble tout neuf. Cette présomption serait de plus en plus grave, si des calamités récentes, une invasion étrangère ou des troubles civils, pouvaient aussi expliquer ce dépôt caché. Mais enfin, ce ne serait là qu'une présomption de fait, que les différentes circonstances de l'espèce pourraient, suivant les cas, affaiblir ou fortifier; ce ne serait pas une présomption de droit, par laquelle les juges fussent nécessairement liés (comp. Proudhon, du Dom. privé, t. I, no 398; Duranton, t. IV, n° 341).

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41. 3o Enfin, il faut, comme troisième condition pour qu'il y ait trésor, d'après l'article 716, que la chose soit découverte par le pur effet du hasard.

Cette disposition a pour but d'empêcher que des chercheurs de trésor violent le droit de propriété; et nous verrons bientôt que celui qui, dans le dessein de trouver un trésor, se serait permis de faire des

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