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autres à ces sortes d'expertises et que le juge de paix devrait les choisir de préférence quand cela serait possible ('). Mais on n'a pas voulu en faire une nécessité, et on a laissé au juge de paix, comme dans les cas ordinaires, le libre choix des experts. Dans beaucoup de cas le seul vétérinaire de la localité a été consulté par l'acheteur avant l'ordonnance du juge de paix; c'est peut-être lui qui a conseillé d'intenter l'action. en garantie. Alors l'impartialité de son appréciation est douteuse. Ne vaut-il pas mieux recourir à des personnes non diplômées, connaissant cependant les maladies des animaux domestiques, et pouvant se prononcer avec impartialité? Le juge de paix appréciera ces points: le rejet de l'amendement de M. Bernard a simplement eu pour but de ne pas lier les mains au magistrat.

483. L'expertise faite en vue de l'action rédhibitoire étant soumise aux règles du droit commun sur les points sur lesquels il n'y a pas été dérogé par la loi spéciale, il en résulte que l'art. 323 du code de procédure lui est applicable. « Les juges ne » sont pas astreints à suivre l'avis des experts si leur convic» tion s'y oppose ». Le juge qui sera saisi de la demande en garantie pourra donc contrôler par tous les documents que produiront les parties l'appréciation des experts. Il pourra aussi ordonner une nouvelle expertise, si la première lui parait insuffisante ou erronée (2). Mais il ne peut point statuer sans expertise. L'art. 7 fait de l'expertise une condition indispensable de la recevabilité de l'action, et quelque probants que soient les documents sur lesquels il appuierait sa demande, l'acheteur serait déchu s'il n'avait pas provoqué l'expertise en conformité de l'art. 7.

Il faut donc de toute nécessité une expertise. Mais si elle a été faite, le juge a le droit d'en laisser de côté les appréciations, de les faire contrôler par une autre expertise, de les contrôler lui-même au moyen des autres documents du procès, même d'ordonner une enquête afin de constater par témoins les signes de maladie qui ont pu être remarqués

(1) Séance de la chambre des députés du 30 juillet 1884.

(2) Rouen, 24 août 1842, S., 43. 2. 51. Cass., 20 juill. 1843, S., 43. 1. 102.

chez l'animal. Le juge pourra recourir à ce dernier moyen lorsque la première expertise n'étant pas concluante, il ne sera plus possible d'en faire une seconde (').

Lorsqu'une seconde expertise est ordonnée, elle doit être faite suivant les règles du Code de procédure; les exceptions que l'urgence a fait admettre par l'art. 7 pour l'expertise initiale ne s'appliquent pas à la seconde expertise qu'ordonnera le juge saisi de la demande. Ainsi le vendeur y sera nécessairement appelé; les experts devront prêter préalablement serment, si les parties ne les en dispensent pas.

484. La loi du 2 août 1884 avait laissé les demandes en garantie pour vices rédhibitoires dans les ventes d'animaux domestiques soumises aux règles ordinaires de la compétence. L'art. 9 se bornait à dire à ce sujet : « La demande est por»tée devant le tribunal compétent suivant les règles ordi» naires du droit ».

Il résultait de là que, selon que la vente avait un caractère civil ou un caractère commercial, la demande en garantie rentrait dans la compétence du tribunal civil ou dans celle du tribunal de commerce; elle était même de la compétence du juge de paix quand la valeur du litige ne dépassait pas 200 francs.

Mais tout cela a été changé par la loi du 12 juillet 1905, qui a, dans tous les cas, attribué aux juges de paix la connaissance des demandes relatives aux vices rédhibitoires dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques. L'art. 6 de cette loi dit en effet : « Les juges de paix connaissent encore, » sans appel, jusqu'à la valeur de 300 francs, et à charge d'appel à quelque valeur que la demande puisse s'élever :

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.....

les

4° De toutes demandes relatives aux vices rédhibitoires » dans les cas prévus par la loi du 2 août 1884, soit que » animaux qui en sont l'objet aient été vendus, soit qu'ils aient » été échangés, soit qu'ils aient été acquis par tout autre mode » de transmission ».

Les juges de paix sont donc aujourd'hui seuls compétents pour connaître des actions relatives aux vices rédhibitoires des animaux domestiques. La généralité de l'expression

() De Chène-Varin, n. 121; Guillouard, Vente et échange, II, n. 514.

employée « de toutes demandes » comprend la demande en rédhibition, la demande en réduction de prix, la demande en dommages-intérêts, et elle exclut, à ce point de vue spécial, la différence entre les matières civiles et les matières commerciales : les demandes relatives aux vices rédhibitoires des animaux domestiques doivent, dans tous les cas, être portées devant les justices de paix.

Mais le changement ne va pas plus loin. Les art. 5, 6, 7 et 8 de la loi du 2 août 1884 n'ont pas été modifiés; l'action rédhibitoire reste soumise aux délais, aux conditions et aux formalités réglés par ces articles. La juridiction qui doit en connaître a seule été changée.

Que veut dire la loi du 12 juillet 1905 par les derniers mots du 4° de l'art. 6 « ..... soit qu'ils aient été acquis par tout autre mode de transmission »? L'attribution de compétence, qui est l'objet de ce paragraphe ne s'applique qu'aux vices des animaux dans les cas prévus par la loi du 2 août 1884; le texte le dit expressément. Or les cas prévus dans cette loi sont uniquement les cas de vices rédhibitoires dans les ventes et les échanges; ces deux contrats sont les seuls qui donnent lieu à la garantie pour vices rédhibitoires, et il semblait qu'après avoir prévu le cas d'acquisition par vente et celui d'acquisition par échange, la loi avait tout envisagé. Le législateur a sans doute voulu prévoir le cas où, par une convention particulière, les parties auraient stipulé la garantie à raison des vices des animaux dans des contrats qui ne la feraient pas naître de plein droit, par exemple dans une donation qui, normalement, n'oblige pas le donateur à la garantie, mais dans laquelle celui-ci pourrait la promettre par une clause spéciale. Le législateur a ainsi voulu soumettre à la compétence du juge de paix, non seulement les actions résultant de la garantie de droit, mais aussi celles résultant d'une garantie de fait.

Mais le juge de paix compétent pour en connaître ne sera pas toujours celui qui a ordonné l'expertise. Cette mesure a été ordonnée par le juge de paix du lieu où se trouvait l'animal, tandis que la demande doit être portée devant celui du domicile du défendeur.

485. L'art. 9 de la loi de 1884 ajoutait que la demande « est dispensée de tout préliminaire de conciliation, et que, » devant les tribunaux civils, elle est instruite et jugée comme » matière sommaire ».

Cette dernière disposition est aujourd'hui sans portée, puisque devant la justice de paix la procédure est toujours sommaire.

Quant à la dispense du préliminaire de conciliation proprement dit, il ne peut plus ici en être question, puisque l'art. 48 du Code de procédure n'y assujétit que les affaires rentrant dans la compétence des tribunaux civils.

Mais il existe devant les justices de paix une sorte de préliminaire officieux de conciliation, consistant en ce que, d'après l'art. 17 de la loi du 25 mai 1838 sur les justices de paix ('), le juge de paix peut défendre aux huissiers de donner des citations à comparaitre devant lui sans que les parties aient été invitées sans frais à une comparution préalable, dont le but est de tenter une conciliation avant qu'il ait été fait des frais. Quoique cet essai de conciliation ne soit pas imposé par la loi, qui laisse aux juges de paix la faculté d'y recourir, il est d'un usage général. Or il nous parait certain que l'art. 9 de la loi de 1884 a voulu exclure le préliminaire facultatif de conciliation pour le cas où l'action rédhibitoire serait de la compétence du juge de paix, comme il excluait le préliminaire obligatoire pour le cas où l'action serait de la compétence du tribunal civil; dans les deux cas, l'action doit être exercée dans un délai très court, et le législateur a voulu éviter tout ce qui en retarderait l'exercice. Cette volonté du législateur s'est manifestée par la différence des expressions employées par les deux lois du 20 mai 1838 et du 2 août 1884; dans la première, qui est antérieure à celle du 25 mai 1838, l'art. 6 dispense l'action rédhibitoire du préliminaire de conciliation; dans la seconde, qui est postérieure à la loi du 25 mai 1838, l'art. 9 dispense de tout préliminaire de conciliation. L'addition du mot tout prouve

(1) Cet article n'a pas été abrogé par la loi du 12 juillet 1905, qui n'a abrogé que les dix premiers articles de la loi du 25 mai 1838.

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qu'en 1884 on a voulu, pour le cas où la demande serait de la compétence du juge de paix, exclure le préliminaire spécial à cette juridiction.

Ce préliminaire spécial est encore exclu aujourd'hui.

486. Une très importante dérogation faite au droit commun par les lois sur la garantie des vices rédhibitoires dans les ventes d'animaux domestiques, est celle qui dispense l'acheteur de prouver que le vice existait au moment de la vente. Nous avons vu (supra, n. 422) que, lorsque la vente est régie par les art. 1641 et suiv. du Code civil, l'acheteur est obligé de faire cette preuve; car, d'après le droit commun, on ne peut attaquer un contrat qu'à raison d'un vice dont il était entaché au moment de sa formation. Mais pour les maladies qui sont des vices rédhibitoires chez les animaux domestiques, comme on ne les remarque jamais le jour où l'animal en est atteint, qu'elles ont déjà eu, lorsqu'elles apparaissent, un certain temps d'incubation durant lequel elles ont suivi une marche latente, et que la science est impuissante à fixer le moment précis du début du mal, le législateur a limité l'exercice de l'action au délai très court que nous connaissons, et il a présumé que la maladie constatée dans ce délai avait atteint l'animal antérieurement au contrat. La preuve de l'existence de la maladie au moment de la vente ou de l'échange se trouve ainsi faite par une présomption légale : il suffit à l'acheteur de faire constater l'existence de la maladie dans le délai légal pour qu'on en tire cette conclusion, si vraisemblable que la loi la considère comme certaine, que la maladie existait au temps du contrat.

Cela a été dit expressément par les rapporteurs des lois de 1838 et de 1884.

M. Lherbette, rapporteur de la loi de 1838, s'exprimait ainsi : « Le projet de loi n'impose à l'acheteur qui veut exercer la >> rédhibition d'autre condition que celle de faire constater » l'existence du vice et d'intenter l'action dans un délai déter» miné, mais nullement celle de prouver l'existence du vice » ou du germe du vice lors de la vente. L'art. 5 du projet >> (8 de la commission) est explicite sur ce point, et fera cesser, » à l'égard des animaux énoncés dans cette loi, une diversité

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