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est antérieur. Il en serait de même, si les vendeurs exigeaient un supplément de prix pour la ratifi,

cation.

Pothier distinguait l'acquisition faite de la femt me, de l'acquisition faite du mineur, et pensait que nonobstant la ratification de la femme devenue veuve, postérieure au mariage, l'immeuble devait être considéré comme conquêt, parce que, suivant les anciens principes, la vente faite par la femme, sans autorisation, était frappée d'une nullité absolue. Or, un acte absolument nul ne pouvant être ratifié, la ratification postérieure au mariage devenait le seul et véritable titre de l'époux acquéreur. Mais, sous l'empire du Code, la nullité des actes faits par la femme non autorisée n'est,comme celle des actes faits par le mineur qu'une nullité purément relative. D'ailleurs, nous l'avons déjà dit, l'un des époux n'est pas recevable à attaquer, comme nuls, les titres d'acquisition de l'autre, antérieurs au mariage, quand le vendeur ne se plaint point, ne les fait point annuler. En sorte que si la femme ou le mineur, devenu majeur, avaient, sans ratification, laissé l'époux açquéreur en possession, l'immeuble n'en serait pas moins exclus de la communauté.

185. Quand, par voie de rescision, de résolu tion du contrat, un des époux rentre, pendant le mariage, dans un héritage qu'il avait aliéné auparavant, l'acte même d'aliénation est un titre qui prouve qu'il en était propriétaire avant le mariage. Quand cet acte est rescindé ou résolu, il reprend donc l'héritage tel qu'il le possédait avant

l'aliénation; car la rescision remet les parties au même état où elles étaient avant le contrat; ce qui s'applique à tous les cas où il existe une cause legale de rescision. En voici un exemple qui donne lieu à plusieurs questions :

186. Si, avant mon mariage, j'ai vendu un im. meuble au-dessous des sept douzièmes de sa juste valeur, j'ai une action pour faire rescinder la vente. Cette action étant immobilière (1), comme

(1) Il faut rapporter ici un arrêt de la Cour de cassation, dont les considérans contiennent une doctrine contraire.

Dans l'espèce, il s'agissait de savoir si un mari peut introduire une action en rescision pour lésion, à l'égard d'un propre de sa femme vendu avant le mariage.

C

Cinget avait formé, contre Dubout, une action en rescision pour lésion, de la vente d'une maison sise à Paris, et propre de la femme Cinget.

Dubout opposa une fin de non-recevoir, prise de ce que le mari ne pouvait introduire cette action en rescision pour lésion, qui était une action immobilière.

Le tribunal civil de la Seine et le tribunal d'appel de Paris rejetèrent cette fin de non-recevoir en l'an VII et en l'an XI.

Pourvoi en cassation, fondé sur les art. 226 et 228 de la Coutume de Paris, qui défendent au mari de vendre, changer, faire partage ou licitation, obliger ni hypothéquer le propre héritage de la femme, sans son consentement d'où le demandeur concluait que le mari ne pouvait intenter les actions immobilières de sa femme. 11 soutenait ensuite que l'action en rescision était immobilière, c'est-à-dire que son objet direct était de reprendre l'immeuble vendu, puisque le demandeur en rescision ne peut obliger l'acquéreur à lui parfaire le juste prix en cas de lésion.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi, par arrêt du 23 prairial an XII, Sirey, tom. IV, pag. 369, 370.

Ce rejet était parfaitement juste, puisqu'indépendamment de la nature mobilière ou immobilière de l'action en rescision, le mari était fondé en droit à l'exercer, et qu'il était même de son devoir de le faire. En effet, la rescision pour lésion est une action ten porai e qu n'est plus recevable après deux ans, et ce délai court contre les fenn.es

ayant un immeuble pour objet, elle n'entre point dans la communauté; et par conséquent si l'immeuble rentre, il me sera incontestablement propre, parce que mon titre est antérieur au mariage.

187. Mais si, comme l'art. 1681 lui en donne la faculté, l'acquéreur préfère de me payer le supplément du juste prix, ce supplément, qui est une somme mobilière, entrera-t-il dans la com

mariées (1676). Or, le mari est responsable de tout dépérissement des biens personnels de la femme, causé par défaut d'actes conservatoires (1428). Il répond des prescriptions qu'il laisse acquérir contre elle. Voy. les Principes de Duparc-l'oullain, tom. V, pag. 195. Il avait donc incontestablement le droit de former l'action en rescision, pour ne pas laisser acquérir contre sa femme la fin de non-recevoir de deux ans, établie par l'art. 1676.

Mais l'arrêt du 23 prairial an XII donna un tout autre motif du rejet qu'il prononça.

« Attendu, dit-il, que l'action en rescision pour cause d'outre » moitié, a pour objet principal et direct le supplément du juste prix » de l'immeuble vendu; que si elle a pour effet de faire rentrer l'im» meuble entre les mains du vendeur, ce n'est qu'éventuellement au >> cas où l'acquéreur aime mieux le rendre au vendeur que suppléer » le prix, etc. >>

Si cela était vrai, l'action en rescision pour lésion serait mobilière.

Mais malgré le profond respect que je professe pour la Cour de cassation, je ne puis m'empêcher de dire qu'il y a ici erreur évidente, et que l'art. 1674 du Code prouve que l'objet principal et direct de l'action en rescision pour lésion, n'est pas le supplément du juste prix dø l'immeuble. « Si le vendeur, dit cet article, a été lésé de plus des sept >> douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander » (non pas le supplément, mais) la rescision de la vente, etc. » C'est donc la rescision de la vente qui est l'objet direct et principal de l'action, le seul auquel puisse conclure le demandeur en rescision; et ce qui achève de le prouver, c'est que ce n'est qu'après la rescision admise qu'il est permis, non pas au demandeur qui l'a obtenue, de demander un supplément, mais à l'acquéreur condamné à rendre, de le payer,' pour se dispenser de rendre l'héritage. « Dans ce cas, dit l'ar- •

munauté? Non, sans doute. Pothier, n°. 598, second alinéa, décide fort bien que, si ce supplément est versé dans la communauté, elle en devra la récompense, parce qu'il représente l'action en rescision que la loi me donne, et qui est sans contredit immobilière. Il n'importe que le défendeur en rescision puisse se libérer en argent: ce n'est point la qualité de la chose qu'il a la faculté de payer, qui détermine la nature mobilière ou immobilière de la créance ou de l'action du créancier, mais la qualité de la chose qui en était l'objet, et qu'il pouvait demander. Voy. suprà, n°. 103. Or, il est certain qu'il ne pouvait de

»ticle 1681, où l'action en rescision est admise, l'acquéreur a le choix, ou de rendre la chose, en retirant le prix qu'il en a payé, ou de garder le >> fonds, en payant le supplément du juste prix, etc. »

C'est une faculté qui lui est personnelle. Ce supplément n'est donc que in facultate solutionis. Le demandeur en rescision ne peut le demander. Après la rescision admise, l'obligation de l'acquéreur est facultative. Il n'y a qu'une chose due; c'est l'immeuble: mais la loi lui accorde la faculté de se liberer par un supplément de prix.

Ges principes ne sont pas nouveaux. Pothier, guide principal des rédacteurs, les a établis et professés dans son Traité du contrat de vente, no. 331⁄2 : « L'objet de cette action (l'action en rescision pour lésion) étant de res>> cinder le contrat de vente, il s'ensuit que lorsque le vendeur a fait sur » cette action prononcer la nullité du contrat, l'acheteur a le droit » de répéter le prix qu'il a payé, de même que le vendeur a le droit » de répéter l'héritage; car ce contrat étant rescindé, il n'y a pas de » cause qui puisse donner droit à l'un de retenir le prix, et à l'autre l'hé

ritage. D'ailleurs, il est de la nature de toutes les actions rescisoires que » les parties soient remises au même état qu'elles étaient avant l'acte qu'on » fait rescinder. »

.

C'est donc réellement la rescision, et non le supplément, qui est l'objet direct et principal de l'action, qui, par cette raison, est immobilière. Le Code n'a rien changé à ces principes, qui sont aussi professés par M. Delvincourt.

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mander que l'immeuble qu'il avait vendu à vil. prix, et non le supplément du juste prix.

188. Cependant M. Delvincourt, tom. III pag. 287, s'élève contre la décision de Pothier. Il convient néanmoins, avec lui, que le supplément de prix représente l'action en rescision, et que cette action est un droit immobilier (1) dans la personne du vendeur, demandeur en rescision; mais il pense qu'il faut décider la question par l'intention des époux. « Dans l'espèce dont il s'agit, dit-il, l'immeuble était sorti des mains de l'époux avant le mariage. Par conséquent, les époux, ou au moins celui dont l'immeuble ne provient pas, n'a pas dû le regarder comme un propre. Au contraire, il a pu penser que s'il restait encore dû quelque chose sur le prix, ce reste »était mobilier et devait faire partie de la communauté. Or, il est certain que l'acquéreur, qui »paie le supplément, ne fait pas une nouvelle ac"quisition; c'est l'ancienne qui subsiste, et qui » est maintenue. Le supplément peut et doit donc être regardé comme le restant du prix qui est encore dû par l'acquéreur. Or, nous avons vu » que la créance du prix des immeubles vendus avant le mariage est une créance mobilière, qui

(1) Voici comment il s'exprime, pag. 286:

« Pothier décide que la récompense est due, attendu, dit-il, que le sup >> plément de prix représente l'action en rescision, qui est un droit inimo>>bilier dans la personne du vendeur. Cela est vrai, dit M. Delvincourt, et » conforme à ce que nous avons établi au 2*. vol., tit. 5, chap. 5, sect. 4, >> en traitant des obligations facultatives. »

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