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let suivant, par le motif principalement « que nul » n'a le pouvoir de se mettre en incapacité, soit ›absolue, soit relative: d'où il suit que le contrat de mariage d'entre Michaut et la fille Tiercelin est en opposition avec le droit public. » Rien de plus juste que ce motif. Les époux ne pouvaient, par leur contrat de mariage, ni se don ner une capacité que la loi leur refuse, ni se priver d'avance d'une capacité que la loi leur a conférée. Tiercelin s'étant pourvu en cassation, son pourvoi fut rejeté :

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.Attendu que la renonciation réciproque faite » par les époux, dans leur contrat de mariage, » au droit de disposer de leurs biens par testa>ment, en faveur l'un de l'autre, n'a été consen» tie en faveur d'aucune personne dénommée ou » désignée dans le contrat de mariage, et qui eût » été en droit d'en réclamer l'exécution; que cette » renonciation ne présente donc à l'esprit qu'une simple abnégation de la faculté de disposer; qué cette abnégation ne peut être rangée dans la > classe des conventions obligatoires, dont l'exécu>tion est forcée quand elles ont été librement consenties; que la loi du 17 nivôse an II, et celles postérieures, notamment celle du 4 germinal » an VIII, permettent aux époux de s'avantager » par des dispositions testamentaires; qu'ainsi, en jugeant que le testament en question doit avoir »tout son effet, l'arrêt attaqué n'a violé aucune »loi; la Cour rejette, etc. »

Autre arrêt de la Cour de cassation, du 15 juillet 1812, qui a décidé que la clause prohibitive

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insérée dans le contrat de mariage des époux, n'avait pu produire l'effet de les rendre incapables de tester au profit l'un de l'autre. Ainsi, la jurisprudence nous paraît d'autant mieux fixée sur ce point, que ces arrêts ne sont qu'une juste application et une conséquence nécessaire des principes.

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19. L'art. 1389 contient encore des limitations fort importantes à la liberté des conventions matrimoniales. Il porte que les époux ne peuvent » faire aucune convention ou renonciation dont » l'objet serait de changer l'ordre légal des successions, soit par rapport à eux-mêmes, dans la succession de leurs enfans ou descendans, soit » par rapport à leurs enfans entre eux, sans pré»judice des donations entre vifs ou testamentaires qui pourront avoir lieu selon les formes, et dans »les cas déterminés par le présent Code. »

Cet article proscrit irrévocablement deux usages ou plutôt deux abus, reçus dans notre ancienne jurisprudence. Quoiqu'alors, comme aujourd'hui, il fût défendu de faire aucune convention sur la succession d'une personne vivante, on avait admis à ce principe une exception qui permettait aux parens des époux, et même aux étrangers, de disposer par un contrat de mariage de tout ou partie des biens qu'ils laisseront au jour de leur décès, tant au profit des futurs époux qu'au profit des enfans à naître de leur mariage. Cette exception a été consacrée par l'art. 1082 du Code civil, sur lequel il faut remarquer qu'en combinant cet article avec l'art. 1150, il en résulte que

si l'on peut disposer d'une succession en faveur des époux qui se marient, les époux eux-mêmes ne peuvent pas, en se mariant, disposer de leurs successions à venir en faveur de personnes tierces.

Mais à l'exception consacrée par l'art. 1082, l'ancienne jurisprudence en ajoutait une autre. Elle permettait, dans les contrats de mariage, la convention par laquelle une fille se contentait de la dot qui lui était donnée par ses père et mère, et renonçait (1) en conséquence à leur succession future, en faveur des autres enfans, ou en faveur de l'un d'eux; par exemple en faveur de l'aîné ou en faveur des enfans mâles.

Cette convention ou stipulation n'était guère en usage que dans les familles nobles. La Coutume de Bretagne, art. 557, n'exigeait même pas la renonciation de la fille: il suffisait, pour l'exclure de la succession de son père, qu'il lui eût donné quelque chose en la mariant. La part qu'elle aurait eue était alors déférée au frère aîné (2).

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Ces renonciations, si contraires à l'égalité et au droit naturel, sont formellement proscrites par notre art. 1389. Elles l'étaient déjà par l'art. 1130

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(1) Sur ces renonciations, voy. Boucheul, Traité des conventions de succéder, chap. 20; Duparc-Poullain, sur l'art. 557 de la Coutume de Bretagne.

(2) Lequel, au moyen de beaucoup d'autres avantages que lui faisait la Coutume, finissait par recueillir seul presque tous le les biens de sa famille. D'Argentré fait un pompeux éloge de cet art. 557, et se fait un grand mérite d'en avoir suggéré l'addition aux réformateurs de la Coutume; tant les préjugés de caste ont d'empire sur les meilleurs, esprits!

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qui porte: « On ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit.

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Voilà une disposition clairement prohibitive, qui ôte à tous les citoyens le pouvoir ou la capacité de faire de pareilles stipulations ou renonciations, même par contrat de mariage, suivant la disposition finale de l'art. 1388. Néanmoins, cette prohibition a été formellement répétée dans l'article 1389, sans doute parce qu'il s'agissait d'une injustice invétérée qu'on ne saurait trop clairement proscrire.

20. Le même article proscrit un autre abus relatif aux sommes que l'on stipulait propres de communauté par contrat de mariage, ou, comme

'disait alors, que l'on immobilisait. On ne se contentait pas d'exclure ces sommes de la communauté; on avait coutume de stipuler qu'elles scraient propres au futur conjoint dans ses estocs et lignes, tant directes que collatérales, sans que l'autre conjoint y pût jamais succéder ordine verso, ni y rien prendre de quelque manière que ce soit.

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L'effet de ces stipulations était non seulement qu'en cas de dissolution de la communauté, les enfans ou les héritiers collatéraux du prédécédé reprenaient ces sommes sur la communauté, où helles n'avaient pas entré, ce qui était très-juste,

Mais, de plus, si depuis l'ouverture de l'action Een reprise les enfans venaient à mourir, le conjoint survivant, qui recueillait leur succession

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ordine verso, ne pouvait leur succéder à cette action, et leurs héritiers collatéraux venaient l'exercer au préjudice du conjoint survivant (1).

Bien plus si, après avoir trouvé dans la succession de leur mère l'action en reprise de eces sommes réputées propres, les enfans, avant de l'avoir exercée, devenajent héritiers de leur père, l'action ne s'éteignait point en Bretagne; elle ne faisait que dormir en leurs personnes, parce qu'ils étaient, disait-on, suppôts communs des deux familles de leur père et de leur mère, et s'ils avaient ensuite des enfans ou des petits-enfans, l'action continuait de dormir dans la personne de ceuxci, pour se réveiller à la mort du dernier décédé d'entre eux; et à cette époque, les parens collatéraux de leur aïeule ou bisaïeule, en faveur de laquelle la somme avait été immobilisée, exer

(1) On en était venu au point d'établir, comme une maxime incontestable, que « les sommes ou les meubles réputés propres par le con» trat de mariage, acquéraient, respectivement à la communauté, » une qualité d'immeubles et de propres aussi parfaite que celle des >> immeubles propres par leur nature, et par la disposition de la loi. » Ce principe est certain, disait Duparc-Poullain, soit qu'il y ait une » stipulation d'assiette et de propres au futur conjoint, dans ses estos et >> lignes directes ou collatérales, soit qu'il n'y ait que la simple stipu»lation de propre avec promesse de rendre. Elle suffit pour conserver » l'action immobilière dans les lignes du conjoint qui a fait la stipula» tion, et pour empêcher que l'autre conjoint n'y succède ordine verso » ni en quelque autre cas que ce soit. Le vœu général de la Coutuine, pour la conservation des biens dans i les familles, dans les lignes ; et » même dans les ramages, a fait rejeter, p par la jurisprudence, toutes » les distinctions admises dans quelques autres provinces,» dit Buparé-Poullam, Principes du droit, tom. V pag. 6, 9,658. Käyt aussi tom. VIII, pag. 27,ņi; 2. euiommon aшnewпevs Bon

n°.

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