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qu'avant on puisse dire que j'aie jamais tergiversé. D. Où est cette lettre de Bertrand ?

R. Je n'ai pas été le maître de la conserver. Je suis arrivé le jour même qu'on fusillait Labédoyère. La maréchale avait ordonné de la brûler avec une infinité d'autres papiers qui pourraient ce moment éclairer la religion de la chambre, particulièrement des lettres de Bonaparte. Il est pardonnable à une femme malheureuse, dans la crainte de compromettre son mari, de faire brûler ses papiers.

D. Vous avez donc reçu des lettres de Bonaparte ?

R. Des lettres postérieures, depuis le 14 mars jusqu'à la bataille de Waterloo.

D. Est-il vrai que vous ayez fait imprimer une proclamation ?

R. Cette proclamation est datée du 13, et n'est pas signée. La signature est fausse. Je ne signe jamais le prince de la Moscowa. Elle était affichée avant que je ne la lusse; je n'en ai lu une que le 14.

(On lui a présenté la proclamation; il a fait observer qu'elle n'avait pas été imprimée à Lons-leSaulnier. On a lu la proclamation.)

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Le maréchal. Je crois que c'est celle que j'ai lue.

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D. Quelles propositions vous ont été faites par les émissaires de Bonaparte?

R. Je l'ai dit tout à l'heure. Ils m'ont dépeint la situation des choses. Que tout le pays et une partie de l'armée étaient déjà insurgés; que tout était couvert de ses proclamations et de ses agens; que tout le monde courait après lui; que c'était une rage, absolument une rage; que l'affaire était arrangée avec les puissances; qu'il avait dîné à bord d'un vaisseau anglais, et que la station avait quitté l'île d'Elbe exprès pour faciliter son départ. 'M. Bellart a demandé si l'accusé n'aurait pas quelques déclarations à faire sur des aigles appor tées par les émissaires de Bonaparte.

R. J'ai entendu dire que deux aigles avaient été apportées. Effectivement, les aigles ont été arborées par les chefs et les soldats; mais le drapeau blanc a été respecté.

D. Avez-vous porté les décorations de Bonaparte ?

R. Non. Lorsque j'ai abordé Napoléon, j'avais conservé les décorations du Roi, et je les ai portées jusqu'à Paris.

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Le maréchal a ajouté qu'avant de lire la proclamation, il avait demandé aux généraux Leco urbe et Bourmont leur avis sur la proclamation ; qu'ils ne l'ont point désapprouvée; qu'ils sont venus le

chercher ensuite pour aller sur le terrain, et que l'interrogatoire en sa présence va éclaircir leur déclaration précédente.

D. A quelle heure avez-vous vu ces deux généraux ?

R. A dix heures. Je leur ai offert à déjeuner; ils ont refusé. C'est Bourmont qui a donné les ordres d'assembler les troupes sur une place que je ne connaissais même pas; lui, Lecourbe et quelques autres m'y ont conduit, et c'est là que j'ai lu la proclamation.

D. Quel ordre avez-vous donné le 14 ?

R. J'ai donné l'ordre de marcher sur Dijon, comme j'y avais été invité par le maréchal Bertrand. (On a représenté au maréchal un ordre qu'il avait donné à M. de la Genetière.)

Le maréchal a dit qu'il ne le connaissait pas. M. le chancelier en a fait donner lecture. Il contient l'itinéraire des troupes sur Mâcon et sur Dijon, et plusieurs autres dispositions sur le traitement et les rations à donner aux soldats, sur une augmentation de solde à chaque officier. Il invite les chefs militaires à remplacer par le drapeau tricolore les étendards de la maison de Bourbon. Il les invite à se procurer des aigles, soit en cuivre, soit en tout autre métal.

Le maréchal a reconnu que cet ordre pouvait

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avoir été rédigé à son état-major dans la matinée du 14. Il a ajouté que cette marché avait été con tremandée par le maréchal Bertrand.

D. Comment avez Vous pu en si peu de temps concevoir et rédiger un ordre aussi détaillé ? Pourquoi l'augmentation de solde donnée aux offi

ciers ?

R. Votre Excellence ne saurait concevoir l'attention que Bonaparte avait pour assurer le service des troupes, et quelles précautions il prenait à cet égard. Il leur donnait, dans des marches forcées, des gratifications. A Fontainebleau il donna de 50 à 100 francs à chaque officier.

D. N'avez-vous pas engagé M. de la Genetière à se ranger du côté de Bonaparte?

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R. Non. Il était libre d'agir. Aucun ne me fit alors d'objections. Un seul officier, et je dois le dire à son éloge, est venu me remettre sa démission, en me disant que les sermens qu'il avait faits au Roi ne lui permettaient pas d'embrasser une autre cause. Je n'ai point accepté sa démission. Je l'ai laissé libre de partir ; je lui ai conseillé de se retirer à Besançon pour éviter les mauvais traitemens de ses soldats.

D. Avez-vous fait imprimer la proclamation?
R. Non.

D. Comment l'avez-vous laissé imprimer ?

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R. Je l'avais lue sans l'avoir signée, et on l'aura imprimée sans que j'en aie eu connaissance.

D. Avez-vous donné l'ordre d'arrêter des officiers et quelques fonctionnaires ?

R. J'ai reçu cet ordre de Bonaparte; mais je n'ai fait arrêter personne.

On a lu l'ordre daté du 19 mars. Il est dirigé contre MM. de Bourmont, Lecourbe, Delort, Jarry, de la Genetière, de Vaulchier, Dubalen, Clouet, le commandant d'armes d'Auxonne, le comte Scey, Bessières.

(On a présenté l'ordre à l'accusé. )

D. Le reconnaissez vous ?

R. Je le reconnais; il m'avait été donné par Bertrand; mais personne n'avait été arrêté : aucun maréchal n'aurait voulu arrêter un général.

D. Avez-vous proposé à M. le marquis de Vaulchier de s'unir à Bonaparte?

R. Je ne l'ai proposé à personne je lui ai écrit pour qu'il maintint la tranquillité dans la ville, et fît respecter les personnes et les propriétés. Il y a eu du bruit à Lons-le-Saulnier, mais point de dégât. Je ne pouvais pas empêcher les paysans et la populace de courir et de boire dans les rues avec les soldats. **

3.D. Avez-vous écrit au duc de Reggio?

R. Oui. J'ai écrit dans l'intérêt du Roi;

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