Page images
PDF
EPUB

>> Ici toute la controverse reste à l'avantage du général Bourmont. Il n'aurait point quitté le maréchal Ney, s'il avait approuvé sa conduite, s'il l'avait un seul instant partagée.

» Et qu'importe qu'on vienne nous dire ensuite que l'ordre d'arrestation n'a pas été exécuté, que M. de Bourmont n'a point été arrêté? J'aime à croire que M. le maréchal, même après sa désertion criminelle, n'était point animé d'une fureur aveugle envers les individus; il a voulu, disons-le, passer du côté de la fortune; il n'avait point de vengeance personnelle à exercer.

>>

Après ces conférences impies, de quelque manière qu'on cherche à les expliquer, que se passe-t-il le lendemain 14?

>> Ici nous n'avons pas besoin de témoins, la notoriété publique nous en instruit assez. Le 14 au matin, un général d'armée, un maréchal de France, couvert des bontés de son Roi, possédant toute sa confiance, le maréchal Ney, envoyé, pour détruire l'ennemi ou pour lui nuire, rassemble ses troupes, paraît sur le terrain. Qu'y va-t-il faire? inviter ses soldats à la désertion, conduire son, armée toute entière dans les rangs.de l'usurpateur.

>> Voilà ce que sur la place de Lons-leSaulnier, en plein jour, en présence d'une population toute entière, le maréchal Ney n'a pas craint d'exécuter.

»>> L'histoire conservera long-temps le souvenir d'une si odiense perfidie : et quelle explication estil possible d'y donner? Que nous propose-t-on de croire pour sauver du naufrage de l'honneur quelques-uns de ses débris ? On essaie de soutenir que déjà tout le mal était fini; que cette proclamation n'a séduit personne. On a parlé d'une espèce de torrent qui entraînait tout; mais toutes les dépo-. sitions n'ont-elles pas démontré toute l'inexactitude de ce fait ? et, quand le mal eût été si grand, n'eûtil pas été possible de s'y soustraire?

[ocr errors]

>> Dans les débats, nous en avons trouvé une preuve touchante; et, sans parler des dépositions des plus fidèles sujets du Roi, rappelez-vous celle de ce jeune aide-de-camp de M. le maréchal, qui, tout couvert de ses bienfaits, lui devant la plus grande reconnaissance, montrant pour lui une piété en quelque sorte filiale, n'a pas pu s'empêcher, dans sa déposition d'une circonspection si touchante, de laisser voir combien il avait désapprouvé la conduite de celui qu'il regardait comme son père.

>> Il s'est rendu de Tours auprès du maréchal. Il a dîné avec lui; il lui a demandé son congé, et il est revenu dans sa famille.

» Tout le monde n'a donc pas été entraîné; il était donc possible de résister encore. Le maréchal

[ocr errors]

ne pouvait-il pas en faire autant? L'aide-de-camp a résisté à l'influence si puissante de son chef; il s'est retiré ; et M. le maréchal n'a pas pu, dans la nuit du 13 au 14, avec des étrangers, suivre cette même impulsion du cœur!

Qu'on ne vienne pas, pour expliquer sa conduite, parler des dangers dont le maréchal pouvait .être entouré, s'il n'eût pas suivi l'impulsion qu'on suppose: est-ce un militaire français qui mesurera ainsi les dangers d'un oeil tinide? La mort était menaçante. Il n'y avait point de conseils à demander. Il pouvait périr sur le champ de bataille, et non se faire le chef de la discorde; il n'aurait pas été exposé à tant d'ignominie.

Quoi qu'il en soit, le crime se consomme; et pourtant combien d'exemples de la plus louable fidélité lui avaient été donnés ! Le colonel Dubalen lui avait montré la route du devoir. Il était encore temps d'y revenir. Le premier pas était fait; le maréchal ne reculera point dans la route de la perfidie. Le même jour, il transmet à son chef d'étatmajor l'itinéraire à tracer aux troupes. ( Ici on a lu l'itinéraire.)

» Voilà l'ordre de réaliser la perfidie. Il prescrit de recevoir dans les rangs tous les officiers à la demi-solde; d'arborer les couleurs de la révolte, de faire disparaître les couleurs royales.

[ocr errors]

:

>> Est-il besoin de se traîner maintenant sur des détails ultérieurs? Parlerai-je de l'ordre d'arrestation? Je ne veux point en faire des crimes détaillés; ils ne sont tous que les conséquences de la conduite des 13 et 14.

» Et qu'importe la préméditation? Je laisse de côté tous les autres petits moyens de chicane qu'on essayerait vainement de reproduire.

» C'est avec une bien grande franchise de cœur que le maréchal s'est livré à Bonaparte.

» Il reçoit de lui une mission pour se rendre dans les places du Nord: partout il trouve de ses partisans rassemblés, il ne parle des princes légitimes qu'avec les expressions du mépris le plus outrageant.

» En admettant qu'il ne les ait ainsi traités que le 13 ou le 14; sa conduite dans la trahison a été bien franche, pas une seule fois on ne l'a vu s'en démentir.

» Ici je m'arrête et j'attendrai les objections bien futiles qui pourront m'être faites.

» Ce n'est point par un artifice si commun dans les causes ordinaires; il est indigne des commissaires du Roi; c'est parce que l'accusation paraît démontrée par les faits seuls, et que tout autre discours serait superflu.

[merged small][merged small][ocr errors]

tions tirées des circonstances, des conjonctures des temps, des obstacles invincibles dont le maréchal a été entouré.

>> Quand ces objections auront été faites, je me réserve d'y répondre.

[ocr errors]

Vingt-cinq années de troubles politiques nous ont rendus indulgens, et n'ont que trop affaibli les principes de la morale: est-ce cette morale dégradée qu'on voudrait appliquer à M. le maréchal Ney? Il n'est point un de ces hommes qui puissent chercher quelque excuse dans leur ignorance. Le maréchal Ney, au premier rang de nos guerriers, l'un des citoyens les plus illustres qui firent longtemps la gloire de la France, ne devait chercher sa conduite que dans ses devoirs. Le danger n'était pas imminent. Pour la première fois de sa vie, le maréchal Ney connaissait-il la peur ? il pouvait prendre un moyen plus doux, il pouvait conserver encore sa gloire en refusant celle plus brillante qui lui était offerte. Il pouvait rentrer dans la retraite, et conserver à son Roi la foi qu'il lui avait jurée.

»Je m'arrête. Messieurs les pairs, vos consciences apprécieront les charges contenues dans l'acte d'accusation. »

Après le discours de M. le commiss aire du Roi, M. le président a demandé aux défenseurs s'ils voulaient entamer la défense de l'accusé.

« PreviousContinue »