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» Avant de quitter Besançon, le 11 mars, neuf heures du matin, le maréchal informe le ministre de la guerre d'un côté, et le maréchal duc d'Albufera, commandant à Strasbourg, de l'autre, tant de l'affligeant message du dục đe Mailhé, que du plan, qu'il arrête par suite, de réunir toutes les troupes de son gouvernement. « Je ferai occuper, continue-t-il, Mâcon et » Bourg, et, si je trouve l'occasion favorable, je » n'hésiterai pas à attaquer l'ennemi.... Je me tien>>drai en communication avec S. A. R. à Roanne, » et agirai de concert pour le bien du service >> du Roi. >>

« Dans cette même lettre, le maréchal faisait part au ministre de deux adjonctions qu'il venait de se faire la première, du général Lecourbe, comme commandant supérieur; là deuxième, du comte de Bourmont, qu'il emmenait avec lui à Lons-le-Saulnier et dans sa voiture, pour être son second. Il me suffit, Messieurs, de vous avoir nommé ces deux adjoints, pour laisser au fond de vos âmes l'intime conviction qué le maréchal Ney était alors le plus franc et le plus chaud partisan de la cause royale.

» Cette particularité fortuite, d'avoir fait voyale comte de Bourmont avec lui, dans sa propre ger voiture, sera toujours un trait de lumière étince

lant en faveur du maréchal, pour ceux qui connaissent l'extrême sagacité, l'habitude d'observation et le dévouement expansif de M. de Bourmont. Il eût été, certes, bien impossible, dans un voyage de plusieurs heures, en tête à tête, dans la cours d'événemens aussi étranges, que M. de Bourmont n'eût pas trouvé en défaut sur quelques points la fidélité du maréchal, dans le cas où elle aurait été chancelante. Et M. de Bourmont a fait assez voir qu'il se ménageait auprès de tout autre que le maréchal, , pour que vous ne puissiez douter, Messieurs, que, s'il n'a rien révélé sur les conversations de la route qui lui fût contraire, c'est que tous les détails en étaient justificatifs.

» Avec le sous-préfet de Poligny (M. de Branges de Bourcia), jinterromps, Messieurs, le trajet de Besançon à Lons-le-Saulnier, fait de compagnie par le comte de Bourmont et par le maréchal, pour ne vous citer, qu'un trait de leur station abrégée dans cette ville de passage: le maréchal, amené par les objections du sous-préfet à dire toute sa pensée, l'énonce avec toute la rudesse d'un soldat qui du moins n'en sait rien déguiser.

» C'est M. le sous-préfet qui parle :

>> Le maréchal répondit « que, malgré le pas » avancé qu'avait fait Bonaparte, il parviendrait » à l'atteindre et à le mener à Paris dans une cage

» de fer; que l'on avait trop attendu pour faire » avancer les forces qui étaient à Lyon, etc....; » qu'il fallait.courir de suite sur Bonaparte, comme » sur une bête fauve ou un chien enragé, dont il >> faut éviter les coups de dents; qu'il y avait en» core du remède. »

« Une deuxième interruption est celle qu'exige la déposition non moins justificative de MM. Renaud de Saint-Amour et le marquis de Saurans, sur la rencontre qu'ils firent du maréchal et du comte de Bourmont à la poste de Quingey. Là, tout en changeant de chevaux, M. de Saint-Amour apprend au maréchal qu'il a ordre de Monsieur de faire rétrograder toutes les troupes, tous les militaires, tous les officiers isolés qui s'avançaient vers Lyon; ce qui, soit dit en passant, rentrait dans le système d'opérations nouvelles que le maréchal venait d'adopter de son chef.

» Sur ce que MM. de Saint-Amour et de Saurans représentent au maréchal, que sur toute leur route ils ont entendu les soldats et les paysans agglomérés vomir le cri séditieux vive l'empereur! que leur déclare le maréchal? Je laisse parler ces deux témoins irréprochables; ils sont unanimes.

>> Ils déposent: «Que le maréchal allait à Lons>>le-Saulnier pour se mettre, disait-il, à la tête

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» des troupes qu'il parviendrait à y former, et de » suite marcher contre Bonaparte. Il se place>> rait, leur ajouta-t-il, le premier à la tête des co» lonnes; je tirerai le premier coup de fusil, et, s'il » y en a un qui refuse, je lui passerai mon épée » dans le ventre. »

« Vous jugez, Messieurs, dans les replis les plus intimes de sa conscience, le guerrier bouillant, inexorable en fait de discipline, qui s'exprimait de la sorte.

>>

Daignez le suivre avec moi à Lons-le-Saulnier, où il entre dans la nuit du 11 au 12 mars; vous allez avoir une idée de la prodigieuse activité qu'en deux jours, les 12 et 13 mars, son ardeur à servir le Roi lui fait déployer. Ici les actes se serrent, sont si nombreux, s'accumulent tellement dans un si court espace, que j'aurai peine à les énumérer, et que, voulant les animer par tous les écrits que trace la plume véhémente du maréchal, par toutes les paroles qui sortent à la fois, qui s'échappent par torrens de sa bouche enflammée, j'en suis reduit, à mon grand regret, à ne vous donner le plus souvent que des indica

tions.

» Dès cinq heures du matin, le 12 mars, le maréchal, qui ne s'est point couché, écrit au ministre de la guerre une lettre où vous allez re

marquer çà et là un langage improbateur de ce qui s'était fait à Lyon par les plus fermes appuis du trône, parce que le maréchal était encore loin d'imaginer quelle avait été sur ce point la désespérante immobilité de toutes les troupes de la 7.

division.

Au ministre de la guerre.

Lons-le-Saulnier, 12 mars 1815, cinq heures du matin.

" J'ai reçu votre lettre en forme d'instructions, > en date du 9 de ce mois. La défection des trou» pes de la 7o. division militaire vous engagera sans doute à faire marcher de suite le plus de troupes » possible sur la Saône, vers Dijon. Cette défec» tion,' toute funesté qu'elle peut être, n'est pas » encore, selon moi, aussi préjudiciable que la »contre-marche de Monsieur sur Moulins. C'était » à Grenoble que S. A. R. aurait dû se rendre » d'abord pour attaquer Bonaparte, et il est plus » que probable que nos embarras seraient déjà à >> leur fin.

» Le maréchal Macdonald semble. manquer de » confiance dans ses troupes; ce n'est cependant » pas en se retirant qu'on pourra reconnaître si >> elles sont dans l'intention de faire leur devoir : » il fallait d'abord les faire combattre.

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