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d'une même armée, surtout à si peu de distance. Le départ du 76°. régiment, dans la matinée du 13, pour se rendre avec Bonaparte en forçant son chef à l'y conduire, était connu à Lons-le-Saulnier dans la matinée du 14. Dieu sait quelle rumeur ily avait excitée! quelle répétition des mêmes scènes les soldats s'y étaient promises!

» Y avait-il en effet, parmi les troupes réunies à Lons-le-Saulnier, des dispositions antérieures et prononcées de se ranger du côté de Bonaparte? et est-ce, comme l'acte d'accusation l'affirme, le maréchal Ney qui le premier, et par sa démarche, leur a suggéré ces dispositions?

» C'est là, comme nous le concevons tous, le siége principal de l'incrimination. Il est donc indispensable qu'une révision rapide des témoignages entendus achève d'éclairér vos consciences à cet égard.

>> On vous a dit « qu'à la sortie même de Be»sançon, plusieurs soldats avaient manifesté de » mauvaises dispositions. »

« M. de Grivel : « Que dans la soirée du 15 >> mars, étant à Lons-le-Saulnier, il avait écrit » trois lettres; l'une, au Roi; la deuxième, au gé» néral Dessoles; la troisième, à M. le comte de » Vioménil. Dans ces lettres, dit-il, je rendais >> compte de l'esprit des troupes, et je mandais

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» que si celles que je voyais dans le département » du Jura se trouvaient jamais en présence de Bo>> naparte, plus de la moitié passerait de son côté, >> officiers et soldats.».

» M. de la Genetière: « Que plusieurs villes

» du Jura avaient un mauvais esprit. La ville de » Lons-le-Saulnier renfermait aussi une masse >> d'hommes dévoués à Bonaparte. »

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>> M. de Faverney: « Qu'il tient du général » Lecourbe ce propos expiatoire de l'assentiment » qu'il avait donné à la journée du 14: « Que » voulez-vous que je fasse (avec des juremens), » si les soldats ne veulent pas se battre? »

>> M. de Bourmont lui-même : « Il y avait, » depuis Lyon jusqu'à la limite du Jura, une >> fureur révolutionnaire fort dangereuse. »

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» M. Passinges de Préchamp, colonel de l'étatmajor : « J'avais la presque certitude que tout » ce qui était sous-officiers et soldats, et la plus grande partie des officiers subalternes, étaient >> restés affectionnés à Bonaparte, et qu'on ne pouvait rien en espérer pour le service du Roi. >> » M. le maréchal de camp Guy: «< On disait publiquement que les de l'armée du troupes » maréchal Ney, qui étaient à Lons-le-Saulnier, >>> manifestaient hautement et généralement une >> intention bien prononcée de se joindre à Bona

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» parte, plutôt que de se battre contre lui, en je>> tant dans les rues les cocardes et leurs cartou» ches, aux cris répétés de vive Napoléon! vive » l'empereur!

» M. le comte Heudelet : « L'opinion publique » et les dires des voyageurs s'accordaient à peindre >> la situation des esprits dans le Jura, comme » étant à peu près dans les mêmes dispositions que » ceux de mon commandement; la situation politi» que de ceux-ci n'était rien moins que rassurante. » Les royalistes étaient en extrême minorité. La » masse du peuple était prononcée pour Bona» parte; elle comprimait les serviteurs du Roi, » elle lés menaçait déjà hautement, et les compagnies manifestaient généralement l'intention de >>> grossir l'armée rebelle.

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Je ne crois pas qu'alors le maréchal Ney eût pu s'opposer efficacement aux progrès de Bonaparte, et, à plus forte raison, si, comme j'en suis persuadé, il ne pouvait plus compter sur la fidélité de ses troupes. >>>

» M. le baron Mermet: « L'intention du maréchal était de concentrer ses forces, pour ne >>>>pas livrer les corps isolés à eux-mêmes et éviter » des points de contact avec Napoléon. »>

» M. le général Bessières : « Les troupes tin>> rent une conduite disciplinée à la sortie de

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>> Besançon; mais elles me parurent disposées >> en faveur de Bonaparte... Par cette raison, le » maréchal Ney n'était pas en mesure de s'op» poser aux progrès de Bonaparte; la masse deş » habitans du Doubs était en sa faveur. ».

>> M. de Vaulchier: « (Avant l'arrivée du ma>> réchal) la disposition des troupes était équi» voque. Je parlai aux officiers de deux régimens >> d'infanterie qui me parurent très-froids. »

» Enfin, M. de Capelle, dont les déclarations atténuantes pour le maréchal sont si loin d'être suspectes: « J'avais précédemment observé à M. de » Bourmont que, n'ayant environ que quatre » à cinq mille hommes, il me paraissait impos»sible, avec cet esprit de vertige qui se développait parmi les soldats, il pût espérer au>> cune chance avantageuse en marchant sur les » troupes de Bonaparte.

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» J'étais convaincu que les troupes du ma » réchal Ney, mal disposées et inférieures en » nombre, n'auraient pas tenu devant celles de »Bonaparte, et auraient immédiatement grossi » le nombre des traîtres, etc., ete. »

» Dans quelle procédure, sur l'objet capital de l'accusation, a-t-on jamais rassemblé des instructions aussi concordantes, aussi positives? Que résulte-t-il de ces observations multipliées sur l'es

prit qui dominait à Lons-le-Saulnier, notamment parmi les troupes? qu'elles étaient, avant le 14 mar's, avant l'instant fatal où le maréchal Ney s'est prononcé, tout-à-fait décidées et d'elles-mêmes à aller au-devant de Bonaparte, à suivre l'exemple de leurs camarades du 76., et s'assurer par les mêmes voies de la résignation du maréchal à les y conduire.

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» Ceci à toujours restera pour démontré aux impartiaux; ceci l'était bien pertinemment en tout cas pour le maréchal, lorsqu'il a paru prendre une détermination, et que, dans le fait, il s'est résigné, afin d'éviter un plus grand mal, à concourir à une jonction qui se fût bien effectuée sans lui.

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>> Jusqu'à présent vous êtes fixés, Messieurs, sur une foule de causes, tant générales que particu lières, qui ont dû puissamment concourir à ébranler la constance du maréchal Ney; mais ce qui devait achever d'en triompher, vous ne le connaissez pas encore. Je suis ici forcé de rappeler toute votre

attention.

>> Sur les simples annonces de l'arrivée de Bonaparte, et plus il approchait des contrées voisines de Lons-le-Saulnier, le faux enthousiasme du soldat avait été croissant de minute en minute, Dans la nuit du 15 au 14 mars, il est tout à coup porté à son comble. De nombreux émissaires de Bona

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