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parte pénètrent dans le camp du maréchal; ils l'inondent d'affiches et de proclamations imprimées, où sont distillés tous les poisons de la séduction. Le soldat y puise à longs, traits l'ivresse et le délire. Les têtes fermentent, toutes se portent au plus haut degré d'effervescence. Bientôt le maréchal en cst informé.

» M. Passinges de Préchamp, sous-chef d'étatmajor, est affirmatif sur ce fait de la distribution des affiches et proclamations imprimées.

» C'était la tactique bien connue de Bonaparte; il l'avait exactement pratiquée sur toute sa route, à mesure qu'il gagnait du terrain.

Que s'ensuivit-il? qu'à partir de ces contagieuses distributions, le maréchal n'eut plus d'armée; que tous les principes d'action partirent des extrémités au lieu d'être imprimés par la tête du chef.

» A tous ces assauts livrés coup sur coup et de tous côtés à l'imagination du maréchal, vint s'en joindre un dernier, dans la même nuit du 13 au 14 mars, non pas par l'accès donné au fond de sa maison à de vils corrupteurs qui se présentassent avec l'abominable projet d'acheter sa foi; mais par le tableau raisonné dans le sens le plus propre à séduire l'ami fidèle de son pays, celui qui lui avait jusqu'alors tout sacrifié; mais par une habile

énumération de toutes les garanties que Bonaparte prétendait avoir du côté des puissances, du côté de l'Autriche surtout; mais par une peinture déchirante des maux qui allaient se déverser sur la patrie, si le maréchal, par une résistance inconsidérée, et, après tout, désormais infructueuse, allait l'exposer à des déchiremens.

» Je veux parler de la lettre reçue du général Bertrand, cet intime confident de Bonaparte, qui sut si bien alors propager ses insidieuses assertions. Tout y était prévu et mis dans la balance. Il y avait solution à tout; et ce qui acheva de vaincre la répugnance du maréchal, de détruire ses scrupules, de triompher de ses irrésolutions, ce fut ce qu'affirmait le général Bertrand, ce dont le maréchal était d'ailleurs préoccupé et déja convaincu, que S. M., que son auguste famille, au 14 mars, avaient quitté Paris, et très-probablement aussi la France ellemême; en sorte qu'il y avait, dans l'opinion du maréchal, absence du gouvernement envers lequel il était lié.

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» Ce dernier aspect sous lequel le changement a été proposé au maréchal, ayant été le plus décisif, vous m'e pardonnerez, Messieurs, d'y insister.

»Vous vous rappelez que les instructions du ministre de la guerre, les seules que le maréchal ait reçues, lui donnaient pour chef supérieur mi

litaire S. A. R. Monsieur, et lui faisaient une loi impérative de prendre les ordres de ce prince, de le seconder, etc.

>> Vous vous rappelez que le maréchal Ney, fidèle à ces instructions, avait débuté, dès le 10 mars, par demander à Monsieur de le mettre à la tête de son avant-garde,

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>> Que la marche accélérée de Bonaparte, et les destinées de la France, en avaient décidé autrement dans Lyon, avant même que l'offre de dévouement du maréchal fût parvenue.

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>> Vous avez remarqué l'excès de contrariété et d'affliction que la retraite inopinée de Monsieur, de Lyon sur Roanne, avait causé au maréchal Ney, puisqu'en cette occurrence il avait été jusqu'à improuver, ignorant la gravité des obstacles, qu'on' n'eût pas marché droit, et tout de suite, contre Bonaparte; qu'on ne l'eût pas combattu, etc.

» Dans les premiers momens, ce qui avait modéré le chagrin du maréchal Ney, c'est que la retraité sur Roanne, quoique, relativement à lui, elle fût un faux mouvement en ce qu'elle l'éloignait du prince, c'est-à-dire, du centre des opérations ; cette retraite du moins était une preuve que tout n'était pas perdu, qu'il y avait encore moyen de se rallier et de s'entendre.

Mais dans les trois jours qui se sont écoulés,

du 10 au 13 mars, ce dernier espoir lui-même d'une communication utile avec Roanne venait d'être enlevé au maréchal Ney. Il avait fait tous ses efforts, d'abord par l'entremise de M. le duc de Mailhé, ensuite par celle du marquis de Saurans, pour obtenir que Monsieur lui intimât ses ordres' ou lui communiquât ses plans; qu'à défaut de ressource sur Roanne, S. A. R. daignât venir le joindre à Lons-le-Saulnier, et relever par sa présence tous les courages, toutes les généreuses intentions.

» Aucun des messages du maréchal Ney n'avait pu rejoindre Monsieur. Dans la nuit du 13 au 14, il eut la certitude que S. A. R. s'était rendue directement à Paris; qu'ainsi tout plan de campagne était abandonné.

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>> Six lettres consécutives que le maréchal avait adressées en trois jours au ministre de la guerre, par des courriers extraordinaires et à heures datées, étaient restées sans réponse, Aucune nouvelle de Paris ne lui était parvenue. Il ignorait ab-. solument ce qui pouvait s'y passer. Dans un tel délaissement, quelles inquiétudes, ou plutôt quels noirs pressentimens l'imagination troublée du maréchal ne devait-elle pas concevoir? Et quel crédit ont du avoir sur son esprit les assertions du général

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Bertrand, que la famille royale avait pris le parti de se retirer!..con unos al to con

» Ce n'était pas d'ailleurs uniquement par cette voie, que le maréchal avait été abusé sur le départ anticipé des princes. Il paraît que Bonaparte, enflé de ses succès dans Lyon, y avait commencé à en semer le bruit. Il fallait bien qu'il eût ainsi expliqué, les mesures qu'il prenait de s'emparer du gouvernement, comme vacant, pour que les 11 et 12 mars, le maire de la ville de Lyon, homme estimable sous tous les rapports, royaliste fidèle, et qui de sa vie n'avait été en rapport avec Bonaparte, prit sur lui de faire imprimer et afficher les deux proclamations dont je suis muni. Ce maire ayant cédé à l'illusion nécessaire de l'interrègne, le maréchal Ney,qui n'était qu'à vingt-trois lieues de distance, avait dû promptement la partager. siang

A plus forte raison, trois jours plus tard que le 11, Bonaparte, toujours plus attentif à ce qui pouvait lui aplanir les obstacles, ceux que l'honneur surtout devait lui opposer, n'avait-il pas manqué de propager son fabuleux système de la retraite du Roi? 1.M .2 .

» Lisez, Messieurs, le Moniteur du 19 mars; yous y vérifierez, à l'article Paris du 18, qu'avant d'entrer dans Autun, Bonaparte avait fait publier, entre autres, cette imposture. L'article porte :

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