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gloire ou à sa fortune, mais ce qui importait au bien de son pays, dont il est idolâtre; un homme qui n'a jamais pu se familiariser avec les mœurs des salons et des cours; un pareil homme, qui ne sait que se battre, a dû se faire beaucoup d'ennemis, et attirer sur lui d'inévitables orages, par cela même que c'était un rocher assis au milieu des vagues.

>> On parle et reparle sans cesse de la proclamation qu'il a lue aux troupes de Lons-le-Saulnier, Mais, avant celle-là, combien d'autres proclamations du même genre avaient été lues, et avaient causé précisément ces ravages qui ont nécessité la sienne? Pourtant le maréchal Ney (Dien soit loué, du moins pour le nombre!) est le seul qui soit traduit, pour ces simples lectures, sur le banc des áccusés.

>> Mais c'est cette lecture, poursuit-on, qui a désorganisé l'armée de Lons-le-Saulnier. Je pourrais, sans danger, m'en tenir à la preuve que j'ai faite plus haut du fait que les dispositions des troupes à Lons-le-Saulnier étaient mauvaises; que le génie de l'insurrection y dominait; que déjà il avait éclaté si bien que, deux des plus braves généraux n'admettaient aucune sûreté pour eux-mêmes à le contrarier, et qu'ils l'auraient hasardé en pure perte.

» Visiblement, si ces mauvaises dispositions s'étaient manifestées d'avance, la lecture de la proclamation n'a pas pu les faire naître.

» A toutes fins néanmoins, et pour d'autant plus soustraire le maréchal Ney à la responsabilité de l'insurrection, dont ses accusateurs le chargent, je me hâte de rappeler ce que les témoins nous attestent des résultats de la lecture.

» M. de Bourmont, interpellé à ce sujet, a déposé: « La lecture fit crier vive l'empereur! >> aux trois quarts de l'infanterie et aux sous-offi»ciers de cavalerie qui avaient mis pied à terre. » En cela M. de Bourmont semble laisser planer sur M. le maréchal le soupçon d'avoir devancé le vœu au moins du dernier quart de l'armée; et il l'aggrave par l'allégation que lui-même avait dissuadé de la lecture et l'avait blâmée. Je ne lui ferai plus qu'une difficulté: s'il était vrai que M. de Bourmont se fût déclaré aussi fort opposant à la lecture, pourquoi est-il venu, à quelques heures de là, se placer au banquet de corps qui fut donné?

» M. le général Lecourbe avait sans doute mieux observé que M. de Bourmont l'effet de la lecture; car il a déposé (qu'après l'avoir entendue), « la majeure partie des troupes, ou plutôt la cé» NÉRALITÉ, manifesta hautement sou opinion » en criant vive l'empereur! Quelques officiers

>> cependant et quelques habitans de la ville ne partagèrent pas cette opinion. Le 5, de dragons » fut le régiment qui s'exprima avec le plus d'énergie, et entraîna même les plus incertains, » s'il y en avait. »

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>> M. De la Genetière: « Que le général ne trouva >> aucune opposition, et lut la proclamation sans >> être interrompu. »>

» M. Guy rapporte, d'après M. Jarry, « qu'à >> la suite de la lecture, toutes les troupes avaient » manifesté la plus grande joie, et répété géné>> ralement le cri de vive l'empereur! que la majeure partie des habitans de la ville en avait >> fait autant. >>

>> M. de Grivel lui-même, quoiqu'il ait affecté de ne pas en déposer aussi directement, à travers ses tournures évasives, a été forcé de laisser entrevoir que l'approbation avait été unanime, puisqu'il a dit que c'était cette unanimité des habitans et des soldats qui l'avait décidé à quitter Lons-leSaulnier, dans la soirée même du 14 mars.

» Une dernière interpellation a été adressée singulièrement à cette classe de témoins, qui, comme militaires d'un grade supérieur, pouvaient y répoudre avec une certaine autorité.

>> On leur a demandé si avec les troupes qu'avait le maréchal, il leur aurait été possible

de marcher contre Bonaparte avec quelque avantage. Tous, excepté M. de Bourmont, ont répondu pour la négative; en s'appuyant, entre autres motifs, sur ce que les soldats n'auraient jamais voulu se battre; qu'à la première rencontre, au moindre point de contact, ils auraient tous passé du côté de Bonaparte.

Après cela, que deux ou trois officiers civils, qui ne vivaient pas avec les troupes, qui ne pouvaient pas scruter l'intérieur du soldat, aient débité qu'en mélangeant avec les soldats des hommes de la garde nationale, et à l'aide de certains stratagèmes, on aurait pu tirer parti de la position on ne voit plus dans ces réflexions conjecturales, supposées faites de bonne foi, que des chimères enfantées après coup par le zèle ; et l'on est même, malgré soi, ramené à cette pensée, consolante pour la nation en deuil; atténuante pour le maréchal Ney, qu'aucune ombre de trahison n'a devancé ni obscurci cette journée.

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<>Mais, il n'aurait pas dû, s'est-on écrié de » toutes parts, conduire lui-même ses troupes » à Bonaparte : il aurait dû rentrer à Paris et » rejoindre le Roi. »

>> Je sais bien, Messieurs, que par cette habile retraite, le maréchal Ney, comme tant

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d'autres, eut tout sauvé pour son propre compte. Dignités, honneurs, fortune, repos, il n'eût rien compromis, quoiqu'il n'eût pas combattu pour son prince au poste qu'il aurait déserté.

» Mais un général en chef peut-il, doit-il toujours en sortir ainsi, avec l'armée qu'il commande ? et parce qu'elle est emportée par la fougue de l'opinion, lui est-il toujours permis de l'abandonner à elle-même, à tous les désordres qu'elle peut commettre?

» Notre histoire moderne, Messieurs, cite deux généraux que l'estime défend d'ailleurs de tout reproche d'incapacité et de lâcheté, qui ont cru pouvoir délaisser ainsi tout à coup et avant d'être remplacés, les troupes qui marchaient sous leurs ordres; et l'histoire, malgré la légitimité de leurs excuses, les blâme d'avoir quitté le commandement.

» Il me semble que les lois militaires n'excusent pas une pareille faute. L'armée, livrée à elle-même, peut commettre dans le pays des désordres qui retombent sur son général; vous avez entendu, Messieurs, un ou deux témoins faire un crime au maréchal Ney: de prétendus dégâts que sa troupe aurait faits, dans l'aprèsmidi du 14 mars, chez un limonadier : le' maréchal vous a prouvé combien l'imputation était

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