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force, toujours croissante, devait s'élever irrésis tiblement jusqu'à la hauteur marquée par le doigt de Dieu huc usquè venios.

» L'accusation a d'abord pris tous les traits de la calomnie.

« Dans les premiers temps de l'arrestation du maréchal, on a imprimé et publié, dit et répété,

» Qu'il était entré dans un complot, dont le but était de remettre Bonaparte sur le trône ; :

>> Que, pour le mieux seconder après son débarquement, il avait offert ses services, et promis de le ramener dans une cage de fer;

» Qu'en baisant la main du Roi, il avait déjà formé dans son cœur le dessein de le trahir;

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Que, joignant l'avidité à la perfidie, il s'était fait compter, avant son départ, une somme de 600,000 francs;

>>

Qu'enfin, il avait effectivement trahi son prince et son pays dans la journée du 14 mars ;

» Et qu'ainsi, il était coupable du crime de haute trahison et d'attentat à la sûreté de l'Etat.

Aujourd'hui il est bien démontré :

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» Que le maréchal n'a ni demandé ni reçu la prétendue somme de 600,000 francs;

» Qu'il n'a pas offert ses services; mais qu'il était à sa terre des Coudreaux, lorsqu'il y reçut, du ministre de la guerre, une lettre qui lui ordonnait

de se rendre en toute hâte dans son gouverne→

ment;

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Qu'au 7 mars il ignorait encore le débarquement de Bonaparte; qu'en apprenant cette nouvelle, il fut frappé de surprise et de conster nation ;

» Que, lorsqu'il prit congé du Roi, il était de bonne foi, et qu'il emportait avec lui le désir de s'opposer de toutes ses forces à Bonaparte, et de faire échouer ce qu'il appelait sa folle en treprise.

penser

le

» Ceux que la passion a pu induire à contraire, n'ont pas réfléchi que le maréchal Ney avait tout à perdre et rien à gagner au retour de Bonaparte.

» Maréchal, prince, duc et pair de France, il n'avait plus rien à désirer du côté des honneurs ; son unique désir était et devait être de jouir tranquillement de sa gloire sous le gouvernement paternel d'un Roi qui savait gré des services mêmes dont il n'avait pas été l'objet : il devait, au contraire, appréhender le retour d'un ambitieux dont il avait autrefois bravé la hauteur, et qu'il avait contraint d'abdiquer.

» On est donc forcé de renoncer à l'idée que le maréchal eût prémédité aucune trahison, qu'il eût tramé aucun complot, ni qu'il fût entré dans au

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cune machination qui eût pour objet de favoriser le retour de Bonaparte.

» D'ailleurs, sa conduite en arrivant à Besançon ; >> Ses dispositions pour réunit des troupes et de l'artillerie ;

>> Sa correspondance avec les maréchaux Suchet et Oudinot;

>> Son opinion si vraie, et si fortement émise qu'il fallait couper le mal dans sa racine, et se porter à marches forcées au-devant de Bonaparte, pour l'empêcher de gagner du terrain;

» La lettre par laquelle il suppliait S. A. R. Monsieur, de l'employer (1) auprès d'elle et à l'avant-garde;

>> Ses mesures vis-à-vis des officiers et des soldats, pour les exhorter à bien faire leur devoir; La menace de faire fusiller les vedettes qui auraient communication avec l'ennemi ; ; -L'arrestation par lui ordonnée d'un officier qui avait

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(1) Le maréchal ne pouvait rien faire que d'après les ordres de Monsieur; or, il n'en a jamais reçu aucun ; et voilà pourquoi il demandait à être employé à Lyon, où il eût pu faire quelque chose d'utile, tandis que dans son gouvernement, où il n'y avait que des dépôts, il n'a rien pu tenter.

manifesté de mauvaises dispositions;

Cette dé

claration si énergique, que, « s'il voyait un mo» ment d'hésitation dans la troupe, il prendrait le >> fusil du premier grenadier pour s'en servir, et » donner l'exemple aux autres; »

>> Tout, dans la conduite du maréchal, prouve son zèle pour le Roi, et la résolution de le servir avec énergie.

» Il faut bien, au reste, que cette opinion (si différente de celle qu'on avait d'abord conçue du maréchal) ait acquis un grand degré d'évidence, puisqu'on a vu les accusateurs eux-mêmes rétracter devant la cour des pairs tous les faits de l'accusation antérieurs au 14 mars.

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>> Ainsi l'accusation de M. le maréchal se trouve déchargée de ce qu'elle avait de plus grave en ellemême, de plus odieux aux regards du public, de plus affligeant pour l'accusé, de plus désespérant pour ses conseils. Dès à présent, et avant même que les débats fussent ouverts, autant par la force de la vérité que par la sincérité des accusateurs, il a été reconnu, avéré, proclamé que le maréchal Ney n'avait ni conspiré le retour de Bonaparte, ni prémédité l'horrible dessein de trahir son Roi.

Cette première victoire, remportée, pour ainsi dire, sans combattre, a dû prémunir tous les gens sages et impartiaux contre le danger de se laisser

trop légèrement préoccuper par des préventions populaires et des bruits publics. Chacun a dû se dire que, si le maréchal était innocent de tous les chefs d'accusation antérieurs au 14 mars, il était possible encore que sa conduite ultérieure ne fût pas aussi condamnable qu'avaient pu le croire jusqu'ici ceux qui n'avaient pas entendu sa défense.

» On m'objectera qu'ici au moins il ne saurait plus y avoir de doute, parce que le maréchal avoue la proclamation du 14 mars.

» Je répondrai qu'en effet il avoue l'avoir lue; mais que cet aveu ne doit pas étre isolé de toutes les circonstances qui ont agi sur la volonté dụ maréchal et influé sur ses déterminations.

» Le fait seul ne constitue pas le crime, c'est surtout l'intention qui fait le criminel: voilà pourquoi, dans l'appréciation des crimes les plus ordinaires, on recherche toujours avec soin, » 1o. S'il y a eu préméditation;

» 2o. Si l'accusé avait intérêt à commettre le crime;

>>3o. Et enfiu, quelles sont les circonstances qui aggravent le délit, ou qui l'atténuent.

>> Par conséquent il ne suffit pas que le maréchal ait lu la proclamation du 14, pour qu'on puisse en conclure aussitôt qu'il s'est rendu coupable de haute trahison; mais il faut encore qu'il soit prouvé

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