Page images
PDF
EPUB

général; ils sont ses premiers conseillers. Le maréchal Ney leur communiqua ce qu'il venait de recevoir, et les somma, au nom de l'honneur, de lui donner conseil. Que firent-ils ? Déclarèrent-ils qu'il fallait combattre; qu'on pouvait encore le faire avec succès; ou du moins qu'il fallait se retirer vers le Roi? Nullement.

» Sans doute ils auraient voulu, comme le maréchal, que le mal fût moins grand, qu'il fût possible de l'arrêter, et de sauver la monarchie; mais ils se représentèrent

>>> La probabilité de toutes les nouvelles annon

[ocr errors]

cées par Bertrand;

» L'insurrection du peuple;

» L'insubordination des soldats;

» Les précédentes défections;

>>> La retraite de Monsieur;

>>

<» Celle du Roi, qu'on annonçait déjà opérée ;

» La crainte de verser inutilement le çais et de prendre sur eux l'odieux et la bilité d'une guerre civile!

comme

sang

fran

responsa

» Ils pensèrent avec douleur, mais ils crurent de bonne foi, que la cause des Bourbons était à jamais perdue:

» Et la fatale proclamation fut lue aux soldats....

» Que cette lecture ait excité d'un côté des cris

>>

de vive l'empereur,pendant que de l'autre on criait vive le Roi; c'est un fait faux : les soldats furent unanimes (t); les lieutenans généraux Bourmont et Lecourbe y furent présens; personne ne réclama (2).

>> Maintenant, je le demande, peut on dire que le maréchal Ney soit la cause des malheurs de la France? Était-il en son pouvoir de les prévenir ou de les empêcher? S'il n'eût pas lu la proclamation, la révolution s'en fût-elle moins opérée ? Pouvaitil faire ce que Macdonald et Monsieur n'avaient pu exécuter avec des forces supérieures aux siennes? Le pouvait-il, après que l'armée de Bonaparte s'était grossie de toute l'armée de Lyon? Et, quand quelques soldats restés fidèles auraient consenti à se battre, leur dévouement n'eût-il pas été infructueux ?

» Je le répète, il ne faut pas, pour apprécier la conduite du maréchal Ney, le juger d'après Pétat où se trouvent les choses aujourd'hui; mais par

(1) C'est surtout parmi les soldats et les sous-officiers que Bonaparte avait le plus de partisans: c'est là qu'était l'espoir de l'avancement, l'intérét...

...

(2) Ce ne fut que le soir à dix heures que le colo❤ nel Dubalen demanda à se retirer.

l'état où elles étaient au malheureux jour de la proclamation.

» Alors, si on lui fait un reproche, du moins on ne lui fera plus un crime de n'avoir pas pris sur lui de commencer la guerre civile.

[ocr errors]

»On ne peut pas voir le maréchal dans une situation purement militaire, abstraction faite de toutes considérations politiques, ni l'assimiler, par exemple, à un commandant de place qui ouvrirait ses portes à l'ennemi,

[ocr errors]

1 » Et encore serait-il vrai de dire qu'un commandant même n'est obligé de tenir qu'autant qu'il peut résister; et que, s'il y a brèche, il peut prévenir l'assaut en rendant la place.

» De même donc, le maréchal, abandonné d'une partie de ses soldats, connaissant les mauvaises dispositions des autres, voyant l'insurrection du peuple, la marche rapide de Bonaparte, la défection générale de tous les corps armés depuis Cannes jusqu'à Lyon, sans ordres, sans instructions, sans conseils, l'imagination frappée des nouvelles annoncées par Bertrand, a jugé la résistance impossible, et a cédé au mouvement général qui s'opérait autour de lui. Il ne faut

[ocr errors]

pas perdre de vue qu'on était à Lyon le 10 mars, et à Lons-le-Saulnier le 14, comme à Paris le 20 mars. La révolution ne s'est pas opérée méthodiquement du jour de l'entrée de Bonaparte à Paris, mais progressivement à mesure qu'il gagnait du pays et s'avançait sur le territoire. La résistance devenue impossible à Paris le 20 mars, était également impossible à Lons-le-Saulnier dès le 14.

>> On objectera peut-être qu'au moins le maréchal Ney aurait dû, comme le maréchal Macdonald, se retirer vers le Roi, et le suivre à Gand! L'honneur et la fidélité accompagnaient ce vertueux monarque : c'était le pieux Enée fuyant avec les dieux de la patrie....

» Ah! sans doute il serait à désirer, pour l'intérêt personnel du maréchal Ney, qu'il eût pris cette heureuse résolution. Il serait en possession de toutes ses dignités, il siégerait parmi ses juges. Mais n'y a-t-il done aucun milieu entre le comble de la faveur et le dernier degré de la disgrâce? Le maréchal qui, dans ses jours de victoire, s'est montré si généreux envers les émigrés, les tronvera-t-il inflexibles dans ses revers? Ne pourra-t-il trouver aucune excuse dans un concours de circonstances jusqu'alors inouï ?

>> Depuis vingt-cinq ans on avait vu toutes les formes de gouvernement se succéder; on avait fini

par dire et par croire qu'il n'y avait plus rien d'impossible. Ainsi, on avait cru la chute de Bonaparte impossible, et pourtant il était tombé; on avait désespéré du retour des Bourbons, et pourtant ils étaient revenus; leur puissance, fondée sur l'amour du peuple et la légitimité de leurs droits, semblait jamais affermie; et Bonaparte, qu'on croyait anéanti pour toujours, vient de nouveau leur disputer la couronne!

sus,

» On est d'abord tenté de croire que sa folle entreprise échouera: on ordonne de lui courir et de le traduire devant les tribunaux comme un brigand ordinaire; mais bientôt il devient redoutable; plus il s'enfonce dans les terres, et plus sa troupe augmente; c'est un torrent qui se répand; il entraîne tout ce qui s'offre sur son passage paysans, soldats, fonctionnaires, tout lui cède; il a déjà fait cent vingt lieues sans éprouver la moindre résistance; il marche à coup sûr; il` parle de ses alliances; le bruit en est si adroitement répandu, qu'on peut croire qu'une partie de l'Europe a favorisé son retour; il n'avance pas en conquérant, il voyage en poste. Un changement de gouvernement paraît inévitable; et de fait, en moins d'un mois, tout en France a reconnu le pouvoir de ce dominateur.

» Sans doute, la cause du Roi restait toujours la

« PreviousContinue »