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bonne, la seule que l'honneur pût avouer, la seule pour laquelle Dieu pût se déclarer; mais la masse de la nation, étonnée du retour inopiné, et presque miraculeux, de Bonaparte, n'eut ni le temps de se reconnaître, ni la force de résister. Les soldats firent tout (1): ils ne furent pas entraînés, ils entraînèrent leurs chefs (2)

>>> L'armée croyait soutenir ses droits en retournant à son ancien général.

» D'autres, qui détestaient ce chef, suivaient le torrent pour défendre le territoire contre l'invasion de l'ennemi. Ils croyaient que la patrie ne résidait que dans le sol: ils frémissaient à la seule idée qu'un ennemi tant de fois vaincu allait nous attaquer dans nos limites!

>> Il fallait une vertu ferme, inébranlable, et presque au-dessus des forces humaines pour persister, alors dans le devoir : mais ceux qui furent assez heureux pour y parvenir, doivent-ils, pour cela, se montrer implacables envers ceux qui se sont trouvés faibles?

>> La conduite du maréchal est qualifiée de crime par les uns; d'autres l'appelleront entraî

(1) Bonaparte n'a-t-il pas dit lui-même: Ce sont les soldats et les lieutenans qui m'ont ramené?

(2) Pouvait-on, comme l'a dit le maréchal, arréter l'eau de la mer avec la main ?

nement, erreur. Pour moi, si l'on me demande quelle est la véritable cause de nos désastres, je dirai, avec le défenseur de Ligarius, que c'est une malheureuse fatalité qui a surpris et subjugué les esprits, en sorte qu'on ne ne doit pas s'étonner que la prudence humaine ait été confondue par une force supérieure et divine.

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NOTA.

Après ce court résumé, je devais répondre aux objections de M. le procureur-général, et ramener toute la discussion aux deux points sui

vans.

1o. » Le maréchal ayant agi sans intérêt, sans préméditation, et sous l'empire de circonstances qui atténuent le fait qui lui est imputé, ne peut être considéré ni traité comme s'il avait commis ce fait avec toutes les circonstances portées en l'acte d'accusation.

2o. » Il est d'ailleurs affranchi de toute peine.

par l'article 12 de la convention du 3 juillet, et l'article 11 du traité de Paris du 20 novembre 1815, qui renvoie à celui du 30 mai 1814, article 16. Ce moyen n'a rien de préjudiciel, il tient éminemment au fond du procès; il n'y a pas de fin de non-recevoir en matière criminelle; tant qu'un homme n'est pas condamné, il peut faire valoir tous les moyens qui le protégent contre l'accusation. Remarquons aussi, aurais-je dit, que,

voquer,

rap

dans son premier interrogatoire devant M. le porteur, le maréchal s'était réservé le droit d'inlors des plaidoiries, le moyen résultant de la convention du 3 juillet; et, ce qui est bien plus fort, n'oublions pas que le traité du 20 noveinbre n'a paru que le 28, et que, par consequent, on n'a pas pu l'invoquer auparavant. Par la même raison, la chambre, en obligeant à proposer cumulativement les moyens préjudiciels, n'a pas entendu exclure la proposition ultérieure de ceux qui, au jour de l'arrêt, n'existaient pas encore. C'est ainsi que j'aurais placé le maréchal sous la protection des traités, sous la sauve-garde de la foi jurée, de cette foi que les anciens pla çaient dans l'Olympe à côté de Jupiter, et à laquelle un de nos monarques assignait pour dernier refuge le cœur des Rois

» La plaidoirie eût fini par des considérations politiques par lesquelles j'aurais essayé de désarmer la sévérité de la cour, en lui présentant la clémence comme le meilleur moyen de rallier tous les Français en préparant l'oubli de nos dissensions civiles. Enfin, j'aurais montré notre chère patrie, non comme une terre sèche, altérée du sang français; mais comme une mère tendre, affligée sans doute des torts de ses enfans, mais fière encore de les porter sur son sein; prête à oublier leurs fautes, en compensation de leurs

services, et souriant malgré elle au souvenir de ce qu'ils ont fait de grand. »

Comité secret, commencé à six heures (1).

:

Avant de poser la question, plusieurs pairs ont soutenu qu'ils étaient jurés politiques, et qu'ils avaient évidemment par-là le droit d'appliquer la peine qu'ils jugeraient convenable, ou de la modifier au besoin d'abord par des considérations d'intérêt public; ensuite parce qu'on a interdit à l'accusé la faculté de prononcer la dernière partie de sa défense; parce qu'il était reconnu au procès qu'il n'y avait pas eu de la part du maréchal préméditation; parce qu'il avait rendu d'éminens services à la patrie; parce qu'enfin le code pénal actuel n'est pas approprié aux circonstances.

D'autres pairs ont soutenu, au contraire, qu'il y aurait anarchie à se considérer comme jurés politiques.

La cour consultée a arrêté qu'il y aurait trois questions sur le fait et une sur la peine, et que sur toutes les questions chaque pair voterait librement, selon sa conscience, sans être astreint à aucune formule.

(1) La chambre avait antérieurement décidé que pour la condamnation il faudrait cinq voix sur huit.

La première question fut ainsi posée par M. le président :

« Le maréchal Ney a-t-il reçu des émissaires » dans la nuit du 13 au 14 mars? >>

L'appel nominal terminé, le président a annoncé que,

Sur 161 votans, 111 pairs ont été pour l'affirmative, et 47 pour la négative.

Trois pairs, MM. Lanjuiuais, d'Aligre et de Nicolaï, ont protesté, alléguant qu'ils ne pouvaient juger en couscience, attendu le refus qu'on avait fait à l'accusé d'entendre la fin de sa défense sur la convention du 3 juillet.

La cour a passé à la deuxième question :

<< Le maréchal Ney a-t-il lu, le 14 mars, une >> proclamation sur la place publique de Lons-le» Saulnier, et a-t-il invité les troupes à la rébel» lion et à la défection? »

L'appel nominal fait sur les 161 votans, 158 pairs ont été pour l'affirmative; les trois pairs ont persisté dans leurs protestations, Troisième question :

« Le maréchal a-t-il commis un attentat à la » sûreté de l'état ? »

Nouvel appel nominal.

157 voix sur les 161 ont été pour l'affirmative, une seule voix, celle de M. le duc de Broglie,

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