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sages

crétionnaire: voilà pourquoi il attache une si haute importance à son déclinatoire motivé sur sa qualité de pair de nomination royale du 14 mars. Quoi! le maréchal Ney se trouverait, en réclamant la faveur signalée que lui accorde la Charte, avoir échangé l'inflexible pouvoir militaire contre une sorte de pouvoir prevôtal? A quel point son attente serait déçue, et surtout celle de tous les hommes qui savent se décider de par déterminations? Vous avez principalement à vous défendre, Messieurs, de créer un tribunal d'exception pour juger des crimes d'état en général, du premier comme des subséquens, il faut créer un tribunal d'état. Ce tribunal, tel que j'en conçois la sublime institution, il existe dans les articles. 33 et 34 de la Charte. Le pouvoir législatif doit organiser ce pouvoir auguste, et en régulariser l'exercice,

» Messieurs, je saisis désormais les termes précis de la discussion. Par qui l'exercice de votre compétence constitutionnelle pourrait-il être valablement organisé ? Dans l'état actuel de l'instruction, on répond qu'elle est réglée par les deux ordonnances qui sont présentées à la chambre des pairs. Avec le respect dû aux actes du gouverneil me semble que je les écarte par une seule objection. Les ordonnances données au nom de

ment,

S. M. ne sont l'ouvrage que de l'un des trois pouvoirs créés par l'article 5 de la Charte. La puissance législative s'exerce collectivement par les trois pouvoirs. L'un de ces pouvoirs, tout respectable qu'il est, perd quelque chose de son caractère imposant quand il devient partie intéressée. Que porte la Charte ? L'article 24 décide positivement que la chambre des pairs est partie essentielle de la puissance législative. Il résulte donc de ce texte si simple, que la chambre des pairs doit concourir à sa propre organisation. Quelle idée faut-il se faire de cette organisation? Veuillez bien vous pénétrer de la distinction que j'établis. La chambre n'est pas seulement juge de ses membres. Si la Charte se bornait à ces termes, alors s'éleverait la question de savoir si elle serait libre de faire ses propres lois comme le règlement intérieur de ses séances. La chambre des pairs, surtout par la dernière décision des ministres, doit se considérer comme juge de tous les prévenus de haute trahison; et alors elle est constituée cour d'état, et elle ne peut recevoir son organisation que d'une loi organique. Je soutiens que, surtout en matière criminelle, cette loi est nécessaire ; et c'est l'objet principal de l'exception préjudicielle. La liberté individuelle de tous les Français est garantie par la Charte. Ils ne peuvent

être poursuivis, aux termes de l'article 4, que dans
les cas de la loi et dans les formes qu'elle prescrit..
Le mode de la poursuite doit donc être prescrit par
une loi. En effet, une loi spéciale devient nécessaire
toutes les fois qu'il s'agit d'en interpréter une, ou
d'apporter des modifications à des lois préexistantes.
» Parcourons les différens articles de la Charte,
ils nous fourniront différens moyens de solution.
» L'article 59 dit que les cours et tribunaux se-
ront main tenus, et qu'il n'y sera rien changé que
par une loi. L'article 65 dit que l'institution des
jurés est conservée, et que les changemens qu'une
plus longue expérience pourra rendre nécessaires,
ne pourront être faits que par une loi.

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Ainsi, il est impossible de faire aucun changement à l'ordre judiciaire sans qu'une loi l'ait ordonné. A plus forte raison, quand il s'agit d'une dérogation formelle; d'appliquer à une autorité qui n'était pas créée, les dispositions relatives à une autorité existante: c'est déroger à l'ordre éta bli. La Charte dit que quand il s'agit de dérogation', il ne peut y être statué que par une loi. Ainsi, aux termes de l'article 66, le code civil reste en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit dérogé. Ce principe a été consacré dans l'ordonnance concernant les colléges électoraux. Je demande une loi organique; elle a été annoncée et promise par une dis

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JUS

position spéciale, que je trouve dans l'article 33 de la Charte.

>> Il est donc évident qu'il faut un pouvoir qui règle les rapports entre l'accusateur et l'accusé. 11 faut au premier un titre ; au second, une sauvegarde.

>> Je vais me prêter à une hypothèse que les accusateurs me pardonneront. Je suppose que l'un des ministres, contre toute probabilité, vienne à éprouver le malheur d'une accusation, d'une recherche pour cause de responsabilité ; il aurait un intérêt éminent à ce qu'on ne procédât pas contre lui arbitrairement, à ce qu'on n'empruntât pas par analogie des formes si dangereuses.

L'accusation, fut-elle fondée, suppose toujours une loi qui en détermine le mode de poursuite. La chambre des députés prétendrait-elle organiser seule cette poursuite ? Alors les ministres ne manqueraient pas de recourir à l'article 56 de la Charte, qui veut expressément que cette poursuite soit organisée par une loi.

>> Les avocats défenseurs des ministres accusés tiendraient à la barre de la chambre le langage que j'ai tenu, que la chambre des députés ne pourrait seule créer un mode de poursuite.

>> Permettez-moi encore de vous offrir quelques considérations qui ne me paraissent pas indignes de votre attention : j'examine d'abord le haut degré

d'utilité des formes sur lesquelles il est disposé arbitrairement les ordonnances des 11 et 12 de par ce mois. Elles ont dû tout embrasser, tout expliquer, et elles laissent des points capitaux sans éclaircissemens.

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Après l'instruction écrite, même d'après les formes des cours spéciales, le crime doit être précisé avant la réunion du tribunal. Ce n'est pas le ministre qui doit le préciser, c'est le tribunal'; ainsi, on a omis l'un des actes les plus importans de la procédure criminelle, l'acte d'accusation, dont le défaut vicie toute la procédure. Il paraît qu'on a conçu l'idée de convertir les deux ordonnances en jugement de mise en accusation, >>

(Ici le défenseur a rapporté le texte du discours de l'orateur du conseil d'état sur la mise en accusation, et a établi la nécessité de la rédaction de son acte en termes positifs.)

« Il faut ensuite, dit-il, avoir la faculté de présenter des moyens d'exception sur la marche des débats, sur l'ordre de la défense, sur le défaut d'officiers ministériels qui puissent faire ce que ne peuvent faire les défenseurs du maréchal Ney c'est-à-dire, prendre des conclusions qui lient la partie même absente; tout cela est à créer. Ce qui est nécessaire, Messieurs, c'est de fixer le mode de vos délibérations comme juges. A cet égard, com- .

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