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D. Jusqu'à quelle heure a-t-il travaillé le dimanche ? - R. Il a travaillé toute la matinée; je suis sorti vers une heure et demie, il travaillait encore.

L'audience est levée à cinq heures et demie.

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WALCH, interrogatoire et dépositions. - LEBARZIC, interrogatoire et depositions. PHILIPPET, interrogatoire et dépositions.

A midi et demi l'audience est ouverte.

On remarque que Roudil n'est pas au nombre des accusés.

Interrogatoire de Walch, menuisier (27 ans).

M. le President. -Walch, levez-vous. Vous connaissez le sieur Romazotti, maréchal-des-logis de la garde municipale ? N'avezvous pas été recommandé à ce militaire par vos parents? WALCH.-Oui, Monsieur; c'est mon cousin.

D. Quelques jours après les événements des 12 et 13 mai, vous êtes allé voir Romazotti à sa caserne? Ne lui avez-vous pas dit que votre contre-maître vous avait offert 40 sous par jour si vous vouliez vous mêler à l'insurrection; que le 12 mai on vous avait donné des cartouches plein votre tablier, et que vous avez tiré trois coups de fusil sur la troupe; qu'ensuite vous aviez quitté votre arme et que vous vous étiez sauvé; mais il vous restait quelques cartouches que vous avez remises à Romazotti et à votre sœur ?

L'accusé répond que s'il a dit avoir tiré trois coups de fusil, c'était en plaisantant. S'il s'est trouvé au milieu des insurgés, c'est malgré lui.

D. On ne vous a pas donné alors un fusil?-R. Non, Monsieur. On m'a entraîné dans le faubourg Saint-Antoine. Nous sommes entrés chez un marchand de vin. Un jeune homme est arrivé avec un mouchoir rempli de cartouches. Ils m'ont forcé d'en accepter. Nous avons parcouru plusieurs rues, et nous sommes arrivés jusqu'à la place de Grève. Chemin faisant, on m'a donné un fusil. Je n'en voulais pas ; on m'a menacé. J'ai dit que je ne savais pas comment on tirait un coup de fusil. On m'a chargé mon fusil, mais je n'ai point tiré.

D. La dernière partie de votre déposition ne s'accorde en aucune façon avec la déclaration que vous avez faite devant le commissaire de police, devant le juge d'instruction et devant moi. Vous y avez déclaré formellement que vous aviez tiré trois coups de fusil.-R. J'ai rencontré Romazotti chez ma sœur le dimanche, qui a suivi les événements. Mon cousin m'a demandé si je n'avais pas tiré sur la troupe ; je lui ai répondu en plaisantant que j'avais tiré trois coups de fusil. Il paraît qu'il en a fait un rapport chez le commissaire de police, puisque le commissaire m'a demandé si j'avais tiré trois coups de fusil. J'ai répondu que non. Le commissaire m'a dit qu'il savait le contraire, et que je m'en étais vanté. J'ai répondu : « Vous êtes plus savant que moi; vous n'avez qu'à écrire ce que vous voudrez. » Voilà pourquoi le commissaire l'a écrit.

On opppose à l'accusé ses précédents interrogatoires; il prétend qu'on l'a mal compris, et persiste dans ses réponses.

Walch persiste à dire que Philippet l'a conduit rue Charenton, et que là il a délivré des armes dans un cabaret. Il a, dit-il, entendu dire que Philippet était le chef de la bande.

D. Philippet ne vous parlait-il pas quelquefois politique, république?-R. Il ne parlait pas de cela à moi seul, il en parlait aux autres ouvriers dans les ateliers; mais jamais à moi.

D. Vous connaissez Lebarzic?-R. Oui, Monsieur.

D. Ne faisait-il pas partie des insurgés qui accompagnaient Philippet auprès de la rue Ménilmontant?-R. J'ai vu Lebarzic seulement dans le faubourg Saint-Antoine.

D. Lui a-t-on donné un fusil ?-R. Non, Monsieur.

D. Lebarzic a-t-il été avec les insurgés partout où vous êtes allé?-R. Je l'ai vu au faubourg Saint-Antoine et dans un autre endroit que je ne connais pas.

D. Ne portait-il pas un paquet sous le bras?-R. Lebarzic portait quelque chose sous le bras. J'ai entendu dire que c'était le drapeau de la république ; mais je n'en suis pas sûr. (On rit.)

D. Vous avez dit que Philippet vous avait fait la proposition de vous donner 40 sous si vous vouliez vous mêler aux insurgés? R. C'est la vérité.

D. Connaissez-vous Dugas?-R. Non.

D. Avez-vous su si quelqu'un des ouvriers de M. Pihet a pris part à l'insurrection ?-R. Je n'en sais rien.

D. Avez-vous su que l'un d'eux avait été blessé et était mort des suites de sa blessure?-R. Je ne sais pas cela non plus.

Une légère discussion s'élève entre les défenseurs de Lebarzic et de Walch, au sujet des réponses que vient de faire cet accusé. M. le chancelier fait observer aux avocats que leurs explications trouveront place dans la plaidoirie.

Me ADRIEN BENOIT.-Je prie M. le président d'adresser à Walch la question suivante : Quelle heure était-il lorsque Walch a vu Lebarzic se joindre à la bande de cinq ou six hommes dont Walch faisait partie?

WALCH. Il était trois heures et demie à quatre heures.

Interrogatoire de Lebarzie, chauffeur dans la filature du sieur Lafleur (vingt-trois ans).

M. LE PRESIDENT. L'accusé Philippet était votre contre-mattre? R. Oui, Monsieur.

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D. Vous travailliez habituellement dans un lieu appelé la Pompe, où vous étiez seul?-R. Oui, Monsieur.

D. Vos autres camarades y venaient-ils quelquefois? — R. Ra

rement.

D. Philippet ne vous a-t-il pas parlé de la dissolution de la Chambre des députés ? — R. Oui, Monsieur.

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D. Que vous a-t-il dit à cette occasion? R. Il m'a dit que cela ne faisait pas de bien au commerce.

D. N'a-t-il pas parlé des élections qui allaient se faire? — R. Oui, Monsieur.

D. Que vous a-t-il dit à l'occasion des élections? R. Je lui de mandai ce que c'était; il me dit que c'étaient des bourgeois qui payaient 100 fr. d'imposition pour avoir le droit de voter pour des personnes. (On rit)

D. Ne portiez-vous, pas le 12 mai, un drapeau enveloppé dans du papier et que vous aurait remis Philippet? R. Oui, Mon

sieur.

D. Comment était-il? R. Il était rouge, bleu, blanc, et avait une écharpe noire.

D. M. Lafleur a dit que Philippet était venu le 12 à la fabrique, et qu'il vous avait vus causer ensemble vers quatre heures?— R. Il était de meilleure heure, car j'en suis sorti entre deux ou trois heures.

D. N'êtes-vous pas sorti avec lui?- R. Oui, Monsieur.

D. En sortant, Philippet ne vous a-t-il pas remis un paquet enveloppé d'un papier bleu ? Vous a-t-il dit ce qu'il contenait?R. Il ne l'a dit chemin faisant.

D. Plus tard, n'a-t-il pas été reconnu par plusieurs individus? -R. Oui. Il s'est approché de plusieurs individus qui lui ont fait un signe; nous montâmes ensemble le faubourg Saint-Antoine, et, arrivés à la rue Lenoir, je remis le paquet à un autre et je rentrai chez moi.

D. Avez-vous reconnu quelqu'un de ces individus ? — R. J'ai reconnu Dugas et Walch.

D. Dugas n'avait-il pas un collier de barbe?

R. Oui, Monsieur. D. N'aviez-vous pas vous-même une longue barbe et des moustaches?-R. J'avais des moustaches et une mouche comme on en a dans le régiment? je les fis couper parce que je craignais de me compromettre.

D. Où êtes-vous allé avec Philippet et les autres individus qui composaient la troupe? - R. Je suis allé jusqu'à la rue Saint-Ni. colas et de là à la rue Lenoir,.où je me suis débarrassé du paquet dont j'étais porteur.

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D. Comment vous êtes-vous débarrassé de cet objet? R. Je pris le prétexte d'un individu qui faisait un signe avec le bras; je remis le paquet entre les mains d'un individu revêtu d'une blouse, disant qu'on m'appelait. Je me suis retiré.

Sur les demandes de M. le président, Lebarzic déclare qu'il n'a pris aucune part à une distribution de cartouches et de fusils qui eut lieu dans une petite rue près la rue Saint-Denis, et qu'à cinq heures et demie du soir il alla reprendre sa femme pour aller avec elle voir sa mère à Saint-Mandé."

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M. LE PRÉSIDent. Vous avez fait preuve de bons sentiments dans le cours de l'instruction; vous êtes père de famille, les renseignements sur votre compte sont excellents. C'est une raison de plus pour que vous disiez toute la vérité.-R. Je ne peux pas de mensonge; je vous ai dit ce qui est à ma connaissance.

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D. Philippet vous a-t-il proposé de vous affilier à quelque société secrète ? vous a-t-il offert de l'argent pour vous engager à le suivre? R. Non.

Interrogatoire de Philippet.

Cet accusé répond constamment d'un ton grave et avec beaucoup de convenance.

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Vous avez servi, de 1830 à 1832, dans la

L'ACCUSE.-De 1830 à 1833.

D. Pour quel motif en êtes-vous sorti?-R. Pour me marier. D. N'avez-vous pas été cependant à-peu-près rayé des contrôles pour insubordination, et même pour indélicatesse?-R. Je n'ai jamais commis d'indélicatesse.

D. Depuis combien de temps êtes-vous employé comme contremaître chez M. Lafleur?-R. Depuis quatre ans.

D. M. Lafleur ne vous a-t-il pas représenté que vous lisiez trop les journaux, que vous perdiez trop de temps à vos repas?-R. Effectivement, j'ai l'habitude de lire les journaux à mes repas. Souvent je suis dérangé pendant mes repas par les ouvriers de l'atclier, qui me font appeler; il en résulte que je suis plus de temps à mes repas.

M. LE PRÉSIDENT.-Avant de continuer l'interrogatoire de Philippet, je vais lire à la Cour une lettre de Roudil, qui vient de m'être remise à l'instant.

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« M'étant trouvé assez gravement indisposé hier, je viens vous prier de me permettre de ne pas me présenter aujourd'hui, 3 juillet. Comme les interrogatoires concernant mes coaccusés sont tout-à-fait étrangers à ma cause, que ma présence n'est pas urgente, je vous prie de ne pas séparer mon affaire de la leur. Seriez-vous assez bon pour en prévenir mon avocat, qui accédera sans doute à la demande que j'ai l'honneur de lui faire.

ROUDIL.

M. LE PRÉSIDENT, reprenant l'interrogatoire.-Vous connaissiez Walch?

L'ACCUSE.-Oui; pas sous le nom de Walch, mais sous celui de

Joseph.

D. Connaissez-vous Lebarzic?-R. Oui, M. le président.

D. Rosalie et la femme Mai tin?—R. Oui, comme ouvrières tra-, vaillant à l'atelier.

D. Vous avez tenu des discours politiques devant ces quatre personnes?-R. Je ne me le rappelle pas.

Vous avez entendu la déclaration de Lebarzic, qui a dit que vous lui aviez parlé de la dissolution des Chambres, d'une révolution qui éclaterait bientôt; de la crise commerciale qui, si elle se prolongeait, réduirait les ouvriers à crever de faim; des élections dans lesquelles les bourgeois patentés votaient pour des personnes. – R. Oui, j'ai entendu _ces déclarations, mais elles ne sont pas vraies.

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