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ment tomba à terre, de dessous sa blouse, une baïonnette ramassai.

que je

D. Avait-il les cheveux plus longs qu'il ne les a maintenant? R. Oui, Monsieur, un peu plus longs.

Jean Douillez, lieutenant de la garde municipale, reconnaît Grégoire. Celui-ci avait les lèvres noires au moment de son arrestation.

HuzÉ (Jean-Baptiste), fabricant de chaussons, rend bon compte de la conduite de Pierné, qui travaillait chez lui.

FOUGÈRE (Jean-Baptiste-Antoine), fabricant de plaqué, rue JeanRobert, 21, officier de la 6a légion. Je faisais partie d'un détachement, lorsqu'arrivé au coin de la rue du Temple je (vis l'accusé Grégoire se sauvant, un fusil à la main. En ce moment la garde nationale fit feu sur lui. Je le vis tomber, alors je courus sur lui et m'emparai de son fusil qui était à côté de lui. Avait-il les lèvres noires?

M. LE PRESIDENT.

sieur.

GRÉGOIRE. Elles ne pouvaient être noires vu que je chique.

R. Oui, Mon

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Vioujas (Henri) et Reniau (Jean), gardes municipaux aux Minimes, déposent du même fait. Ils reconnaissent Grégoire; ils déclarent que lorsqu'on arriva près de cet accusé, il essayait de se faire passer sous la porte cochère près de laquelle il était. Il avait les lèvres toutes noires.

FOURNIERES, Concierge, rue des Quatre-Fils, 10. Le lundi 13 mai, j'ai entendu des coups de fusil, et puis on a frappé à la porte, en disant : « Ouvrez, au nom de la loi. » M'étant assuré que c'était de la garde nationale, j'ai ouvert, et ils ont déposé dans la cour un blessé. Je ne voulais pas ouvrir; mais cet homme, pendant qu'on le transportait, disait : « Achevez-moi, car je suis maintenant hors d'état de gagner ma vie. »

M. LE PRESIDENT. -Qu'on fasse lever Grégoire. (Au témoin.) Le reconnaissez-vous?

LE TEMOIN.

-Je sais qu'il a la barbe rousse, mais je ne sais pas si je pourrais le reconnaître.

M. LE PRESIDENT.-Mais regardez-le, approchez-vous.

LE TEMOIN.-Ah oui, c'est celui-ci, le voilà, c'est bien lui. M. DESCHAMPS, docteur en médecine, a soigné Grégoire lorsque celui-ci fut blessé ; il ajoute : L'accusé a prétendu qu'il ne faisait point partie des insurgés; qu'il allait chez un fabricant de tapis ou de paillassons, rue Notre-Dame-de-Nazareth. (Le témoin re

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connaît Grégoire). Je dois ajouter que j'ai interrogé le blessé sur la noirceur de ses lèvres, et qu'il m'a répondu que cela venait de ce qu'il chiquait.

M. SANDEMY, négociant. -Lundi, vers une ou deux heures, on fit entrer dans ma cour un homme blessé, et l'on me dit que j'en répondais sur ma tête.

« Je pansai sa blessure; il avait les mains sales et calleuses comme celles d'un homme qui travaille. Je demandai à cet homme pourquoi il avait tiré sur la garde nationale; il me répondit qu'il n'était pas un insurgé, que c'est en se sauvant avec tout le monde qu'il avait été blessé. « Comment voulez-vous, ajouta-t-il, que j'aie tiré sur la garde nationale; c'est-il Dieu possible? je suis décoré de juillet, et il n'y a pas plus de trois semaines que j'ai reçu 30 fr. du roi. »

-

Me LAFARGUE, défenseur de Grégoire. Le témoin a dit dans l'instruction que Grégoire avait les lèvres noires. Il a ajouté une circonstance.

LE TÉMOIN.—Je remarquai que le cercle noir n'existait que sur la partie gauche de la bouche. J'en tirai cette conclusion que si cet homme, ancien militaire, avait déchiré la cartouche, il l'aurait déchirée non à gauche, mais à droite.

La femme TINAU, logeuse, rue de la Calandre. Depuis quatre ans que Marescal demeure chez nous, il s'est conduit en honnête homme. J'ai su que Marescal avait obtenu plusieurs fois des secours de la famille royale. J'affirme qu'il a passé à la campagne la journée du dimanche.

M. BRUGEARD, commis droguiste, rue des Lombards, appelé aussi pour Longuet.

Le témoin a connu Longuet à Saint-Quentin; il était associé avec son frère. « Le lundi 13, dit-il, il y avait très-longtemps que M. Longuet était à la maison; il n'avait pas du tout l'air disposé à aller à l'émeute. Il ne serait pas sorti, bien certainement, si on ne fût venu le chercher. »

Un témoin, camarade de Longuet, dépose que celui-ci devait, le lendemain, prendre la diligence pour un voyage qu'il avait à faire, en sa qualité de commis-voyageur.

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M. JOLY, graveur-imprimeur. Dans la journée du lundi 13, Longuet est resté avec moi de onze heures à midi.

LONGUET. Le témoin ne m'engagea-t-il pas à ne pas m'exposer? Que lui ai-je répondu ?

M. JOLY.-Je lui donnai en effet ce conseil, et Longuet me dit :

་་

Soyez tranquille, je n'irai pas me fourrer par là. Il faut que je parte ce soir, et avant de partir j'ai des échantillons à aller chercher. »

M. MORISSOT.-Je revenais le lundi, 13 mai, de Melun, lorsque j'entendis qu'on battait le rappel. Je demandai où il fallait se réunir, et on me répondit: A la inairie. En m'y rendant, je rencontrai une troupe d'insurgés à moitié de la rue Michel-le-Comte. Je me rangeai sur la partie droite de la rue pour les laisser passer; mais on me cerna le passage; les insurgés m'entourèrent, et l'un d'eux me demanda de lui faire remise de mes armes. Je répondis qu'il ne les aurait pas ; et voulant me mettre en défense, je croisai la baïonnette. En ce moment Martin saisit mon fusil et voulut le faire basculer; pendant que je luttais avec lui, un autre insurgé s'empara de mon sabre et voulut m'en porter un' coup. Quelques habitants vinrent à mon secours et m'enmenèrent dans une maison voisine.

Lorsque je fus devant le juge d'instruction, confronté avec Martin, celui-ci me rappela une circonstance. Voici ce fait; il est exact: tandis que je me défendais contre ceux qui voulaient me désarmer, un insurgé dit : « Il faut lui passer son sabre dans le ventre. » Martin répondit : « Non, il ne faut pas. » Il le dit avec assez de force pour être obéi. Il est bien positif que c'est Martin qui s'est opposé à ce qu'on me passât mon sabre à travers le corps.

M. SOUFFLOT, âgé de cinquante-huit ans, garde national, appelé en vertu du pouvoir discrétionnaire. J'ai marché le 13 mai avec un détachement de la garde municipale. Nous avons enlevé une barricade sans résistance. Nous avons trouvé l'accusé Grégoire blessé à côté d'un homme mort.

M. SALIGNAC.-Je connais aussi Martin, qui a travaillé chez moi d'abord comme apprenti, ensuite comme ouvrier.

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Me BARBIER. Martin n'était-il pas sujet à des affections fébriles que l'on attribuait à une maladie de jeunesse. R. Oui, Monsieur.

La dame DESTRACES, cartonnière. Je connais l'accusé Martin, qui s'est comporté loyalement chez moi. Je l'ai renvoyé parce qu'il se livrait à des enfantillages: je n'avais pas le moyen de le payer pour ne rien faire.

La dame CIBRON, marchande des quatre saisons.-Quelque temps avant les événements de la soirée du dimanche, Martin songeait si peu à mal faire qu'il était à la queue du théâtre des Folies-Dramatiques.

L'audience est levée à six heures moins cinq minutes et renvoyée à demain midi. Il ne reste plus à entendre que quelques témoins à décharge. M. le procureur-général prendra ensuite la parole.

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10 AUDIENCE. .5 JUILLET.

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Déclaration de BARBES et de MARTIN BERNARD. Requisitoire de M. le Procureur-général et des Avocats-généraux.

A midi un quart, la Cour entre en séance.

M. le comte de Rambuteau ne répond pas à l'appel.

-

M. LE PRESIDENT. L'interrogatoire des accusés étant terminé, M. le procureur-général a la parole.

Me BLOT-LEQUESNE, défenseur de Mialon. J'ai encore appris hier soir que plusieurs personnes qui ont été témoins des faits n'ont pas été assignées. Elles doivent se présenter spontanément à l'audience d'aujourd'hui. Si elles se présentaient, je prierais M. le chancelier de vouloir bien les faire entendre, et si elles ne se présentaient pas, je prierais encore M. le président de vouloir bien les faire assigner.

-

BARBES. J'ai protesté contre l'accusation qu'on veut faire peser sur moi d'avoir tué le lieutenant Drouineau, non pas pour défendre ma vie, puisque déjà je vous en ai fait l'abandon; mais parce que cette accusation s'adresse à mon honneur et à mon caractère qu'elle tendrait à ternir. Je suis heureux que mes défenseurs aient trouvé dans le dossier une pièce qui prouve matériellement que ce n'est pas celui que vous appelez le chef des insurgds qui peut avoir tué le lientenant Drouineau. Si c'eût été le chef, il l'aurait frappé, ou de face pendant le colloque qu'il avait avec lui, ou de droite à gauche. Or, voici le procès-verbal du docteur Roy, qui constate que toutes les blessures ont été faites au

trement.

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Le sixième cadavre est un officier du 21o de ligne, atteint de deux coups de feu.

« Une balle a pénétré sous l'épaule gauche, traversé latéralement la poitrine, et est sortie par l'aisselle droite, un peu au-dessous de la clavicule.

« Une autre balle a pénétré la partie inférieure et antérieure

gauche de la poitrine, et est sortie au milieu du dos près de la colonne vertébrale. »

C'est une preuve qui démontre matériellement, suivant moi, que le lieutenant Drouineau ne peut pas avoir été tué par le chef des insurgés, qui a été représenté comme parlant avec lui. Par conséquent, ce chef ne peut pas s'être trouvé dans la position de faire feu de gauche à droite sur le lieutenant.

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MARTIN BERNARD. Lorsque j'ai été interrogé par M. le président, j'ai jugé à propos de ne pas répondre, me réservant de contester les témoignages qui me seraient contraires, s'il y en avait. Or, plus de deux cents témoins sont venus dans cette enceinte, et il n'en est pas un seul qui ait déclaré m'avoir vu, qui ait dit : Il me semble avoir vu cet homme.

M. LE PRESIDENT. - La parole est à M. le procureur-général.

Réquisitoire de M. le Procureur-Général

CONTRE LES ACCUSÉS BONNET, Barbès, martin bernard et nouGUÈS.

Messieurs les pairs, s'il est un sentiment qui à l'époque où nous vivons soit cominun à tous les cœurs honnêtes; s'il est une pensée qui domine avec une force égale tous les esprits éclairés, on peut affirmer que c'est le respect de la légalité et la réprobation de tous les actes par lesquels elle est ouvertement violée ; c'est dans la volonté ferme et constante de maintenir, à l'égard de tous, l'empire absolu de la loi, que l'instinct public cherche une sorte de contrepoids à la divergence des opinions et à la mobilité des idées. Au sein même des partis qui se montraient le plus hostiles au gouvernement établi, il n'est pas d'homme ayant quelque valeur politique qui n'ait compris qu'en essayant de briser le joug des lois on n'affrontait pas seulement les châtiments qu'elles prononcent, mais qu'on se dévouait encore à subir dans l'opinion publique une condamnation inévitable; et si l'habileté de quelques-uns s'exerce à ruiner des institutions libérales par l'abus des droits qu'elles assurent et qu'elles protégent, elle affecte du moins d'en respecter les extrêmes limites. A cette condition, seulement, parti, quel qu'il soit, peut conserver en France quelque mouvement et quelque vie: il n'en est pas qui ne s'anéantît de lui-même, au moment où il cesserait de se présenter sous l'apparence d'une opinion soutenue et défendue par les voies légales.

un

D'où vient donc, Messieurs, qu'en dépit de cette disposition générale des esprits dans laquelle se résument à-la-fois la pensée du progrès et la volonté de l'ordre, le sentiment de la liberté et le besoin d'une règle, nous puissions être réduits à voir la paix publique soudainement troublée par les attaques sanglantes qui attestent l'insolent espoir de faire fléchir l'autorité des lois sous

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