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vité que par le passé, mais qu'aussi les Agens du Gouvernement François soient instruits à porter à cette exécution, cette justice et cette impartialité qui doivent présider à des opérations de ce genre.

Toutefois le Roi, qui voit dans la prospérité de la France un des moyens qui doivent assurer la tranquillité Européenne, est bien loin de vouloir imposer à cette Puissance un fardeau qui seroit audessus de ses forces. Sa Majesté est disposer à lui accorder tel soulagement que sa situation pourroit exiger, pourvûque la nécessité en fût constatée et qu'il ne tombât pas à la charge des Sujets des Puissances Alliées, Créanciers de la France. Mais pour que cette nécessité soit reconnue, il est urgent qu'on ait sur le montant de la Dette à liquider des notions plus justes que celles qu'on a acquises jusqu'à présent, et qu'on ait une base plus exacte que celle qu'offre la masse des sommes présentées par les divers Commissaires. Ce n'est que muni de ces données, que le Gouvernement François pourra examiner lui-même, si ses forces suffisent à la fois pour payer une dette sacrée et irrémissible, et pour satisfaire aux autres obligations qu'il a contractées. Connoissant d'un coté ses charges, et de l'autre ses ressources, il pourra établir la balance entre les unes et les autres, et faire aux Puissances Alliées les propositions que la situation de ses Finances semblera exiger.

Il est donc indispensable, qu'avant tous les travaux de la liquidation, suspendus par les incidens qu'on a fait naître, soient repris et activés, afin qu'on puisse espérer d'en voir le résultat avant l'époque où le Gouvernement François croira devoir demander aux Puissances Alliées un soulagement quelconque dans l'exécution des conditions des divers Traités et Arrangemens convenus. Ces Puissances ne pourront néanmoins regarder comme satisfaisant un simple Ordre, donné par le Gouvernement François à ses Agens, de recommencer et d'activer la liquidation. Une funeste expérience a démontré qu'une pareille injonction seroit illusoire, aussi long-temps que ces Agens trouveront moyen de l'éluder, en suscitant une foule de difficultés et en donnant aux termes des Traités un sens que l'esprit de conciliation et la bonne foi qui ont présidé aux Négociations de 1815, réprouvent. Ces entraves doivent être écartées; cette manière d'interpréter la Convention doit être interdite aux Personnes qui ont été appelées pour l'exécuter. Si jusqu'à présent le Gouvernement François a crû trouver quelque avantage à trainer la liquidation en longueur, aujourd'hui son intérêt, d'accord avec la justice, lui commande de l'accélérer pour arriver promptement au point où il pourra, avec quelque espoir de succès, demander le soulagement auquel la masse connue de ses charges pourroit engager les Puissances à consentir.

Après avoir fait connoître au Gouvernement François les disposi tions bienveillantes du Roi, dont la présente Instruction renferme une nouvelle preuve, et qui, sans doute, seront partagées par les Cours d'Autriche, de Grande Bretagne et de Russie, auxquelles ces Instructions vout

être communiquées, vous vous réunirez, M. le Comte, à vos Collégues, les Ministres de ces Cours près Sa Majesté Très Chrétienne, pour demander au Gouvernement François :

1. Qu'il renonce pour le présent à toute tentative de modifier, ou faire modifier, les Stipulations de la Convention du 20 Novembre, 1815, ayant pour objet les Prétentions Particulières :

2. Que pour les Réclamations liquidées et portées sur les derniers Bordereaux, il exécute l'Article XVIII de la Convention, de la manière dont il a été entendu et exécuté jusqu'au mois de Mai dernier, sauf à convenir pour l'avenir d'un soulagement en faveur de la France, dans le cas où celle-ci feroit achever le travail de la liquidation dans un délai déterminé :

3. Que le Gouvernement François reconnoisse les 20 points détaillés dans le Mémoire joint à ces Instructions, fondés dans les Traités, comme ils le sont en effet, et enjoigne à ces Agens de s'y conformer:

4. Qu'il prenne l'engagement de donner à ses Commissaires Liquidateurs des instructions et une organisation telles que tout le travail de la Liquidation puisse être terminé dans l'espace de 6 mois, afin que, connoissant à cette époque avec exactitude le montant des Liquidations vérifiées, on puisse délibérer sur la nécessité et la nature d'un soulagement à lui accorder :

5. Que, pour donner une preuve de son respect pour les Traités, il fasse verser entre les mains des Commissaires Dépositaires un nouveau fonds de garantie en inscriptions sur le Grand Livre de la Dette Publique, lequel néanmoins ne sera pas immédiatement employé au payement des Réclamations liquidées, mais sera provisoirement administré parles dits Commissaires au profit des Créanciers, conformément à ce qui est dit à l'Article XX de la Convention, pour la répartition qui doit être faite à l'époque où toute la Liquidation sera terminée.

Telles sont, Monsieur le Comte, les seules Modifications qui le Roi, notre Maître, regarde comme compatibles avec les Garanties solemnelles que les Traités du 20 Novembre, 1815, accordent, tant à ses Sujets qu'à ceux des autres Puissances qui ont participé à ces Traités, ou qui y ont accédé. Je me flatte que le Gouvernement François y verra une preuve du désir de Sa Majesté de concilier ce qu'Elle doit à ses Peuples avec les égards qu'exige la situation de la France dont la prospérité, si nécessaire au maintien du systême politique de l'Europe, est le pre. mier voeu que forme Sa Majesté après celui du bien-être de ses Sujets. M. le Comte de Goltz. JORDAN.

(Annexe.)-MEMOIRE pour accompagner les Instructions pour M. le Comte de Goltz.

DEPUIS l'origine de la liquidation il a été élevé, de la part des Commissaires Liquidateurs de la France, des difficultés fondées sur une

interprétation fausse et arbitraire de la Convention du 20 Novembre, 1815, et par le moyen desquelles ces Agens s'efforcèrent d'annuller les Stipulations de ce Traité, et de soustraire leur Gouvernement aux engagemens qu'il avoit reconnus ou contractés. L'Assemblée des Commissaires Liquidateurs des Puissances Alliées ayant vainement tenté de faire rentrer ceux de la France dans la voie de la justice, finit par réclamer l'appui des Ministres des 4 Cours signataires de la Paix de Paris, comme étant chargés par leurs Gouvernemens de veiller à l'exécution des Traités. Tous les griefs de cette Assemblée furent alors réduits à 6 principaux chefs, qui devinrent l'objet d'une Correspondance entre ces Ministres et M. le Duc de Richelieu. Enfin, toutes ces questions paroissant suffisamment éclaircies, les Ministres chargèrent l'un d'eux, M. le Ministre de Prusse, d'en conférer verbalement avec M. le Duc de Richelieu. Cette Conférence, qui se tint le 3 Octobre, 1816, en présence du Commissaire Liquidateur de la France, eut le résultat qu'on avoit attendu de la justice et de la droiture qui caractérisent le Président du Conseil des Ministres du Roi de France. Les 6 chefs de griefs furent reconnus fondés; M. le Duc de Richelieu promit de donner des ordres pour les écarter, et enjoignit au Commissaire de son Gouvernement de se conformer à cette décision. M. le Ministre de Prusse s'empressa de mettre par écrit, en forme de Mémorandum, les Points convenus, et après en avoir fait reconnoître l'exactitude par M. le Duc de Richelieu, il communiqua cette Pièce à Messieurs ses Collégues, et ceux-ci la portèrent à la connoissance des Commissaires Liquidateurs des Puissances Alliées.

On se flattoit alors que la Liquidation prendroit une marche assurée; mais les Agens du Gouvernement François trouvèrent moyen d'éluder les décisions de M. le Duc de Richelieu; ils mirent même plus d'une fois en question les Points qu'il avoit résolus. Il est donc nécessaire, avant tout, que le Gouvernement François prenne l'engagement de faire observer et exécuter tout ce qui a été arrêté dans la Conférence du 3 Octobre, 1816, avec cette bonne foi sans laquelle les Traités seroient illusoires. On va récapituler les Points convenus.

I. Afin d'accélérer le travail des Bureaux Ministériels et d'obvier aux plaintes qui s'étoient élevées à l'égard de la non-transmission des Pièces qui exigent une vérification préliminaire dans ces Bureaux, M. le Duc de Richelieu promit d'adresser à tous les Ministres une Circulaire, par laquelle il leur recommanderoit la prompte expédition des travaux préparatoires, et leur ordonneroit de lui transmettre de 15 jours en 15 jours le Tableau de toutes les Pièces relatives à la liquidation qui leur auroient été adressées, et celui des vérifications qui auroient été faites et renvoyées aux Commissaires François.

Cette promesse de M. le Duc de Richelieu n'eut aucun résultat. Les dossiers restèrent enfouis dans les Bureaux, surtout dans ceux

du Ministre de la Guerre; le nombre de ceux qui sont accumulés dans ce dernier Ministère se monte à plusieurs milliers; il y en a qui y reposent depuis 16 mois. Les sollicitations les plus pressantes, tant des Ministres que des Commissaires, n'ont jamais pû arracher au Ministre de la Guerre que des réponses vagues et des promesses qui sont restées sans effet. Il est indispensable de mettre un terme à cette négligence, et de demander au Gouvernement François un ordre positif, pour que toutes les vérifications provisoires dans les Bureaux Ministériels soient terminées dans l'espace de 2 mois, et que dorénavant aucune Pièce envoyée à un Bureau n'y reste au-delà d'un mois.

II. Le §. 2 de l'Article X de la Convention ne soumet à une reddition de Comptes devant la Commission Mixte, que ceux des anciens Comptables François qui étoient tenus de fair appurer leur gestion par la Cour des Comptes. Malgré cette disposition précise, les Commissaires Français prétendoient étendre l'obligation de cette reddition de Comptes à d'autres Fonctionnaires, que le Traité a voulu mettre à l'abri de toute répétition de la part du Gouvernement François. Les Commissaires de la France s'étoient proposés, au contraire, de rendre ces derniers Comptables responsable de la situation où leurs caisses s'étoient trouvées au moment de l'entrée des Troupes Alliées, et d'éluder ainsi la disposition expresse du §. 3 du même Article X, qui interdit à la France toute espèce de répétition de solde de caisse, excepté dans le cas d'une malversation évidente, qui, ne pouvant être supposée, doit être prouvée par le Gouvernement François.

Quoique M. le Duc de Richelieu eût ordonné l'exécution littérale du §. 2 de l'Article X, néanmoins les Commissaires François n'ont cessé de reproduire, sous d'autres formes, leurs tentatives pour attribuer à leur Gouvernement les soldes de caisse des Titulaires de cautionnemens qui ne dépendoient pas de la Cour des Comptes, et de donner aux mots,-malversation évidente,-un sens, d'après lequel toute négligence de la part d'un Comptable auroit été regardée comme un délit. est donc nécessaire que le Gouvernement François renonce enfin sans détour à toute répétition de solde de caisse, et qu'il soit reconnu, que les seuls Comptables qui se sont appropriée les fonds confiés à leur gestion, pourront être argüés de malversation.

II.

III. Le §. 1 de l'Article X de la Convention impose aux Receveurs Communaux qui demandent la restitution de leur cautionnement, l'obligation de produire des Certificats des Autorités supérieures des Pays auxquels ils appartiennent, portant qu'après vérification de leurs Comptes, on a reconnu qu'ils ne doivent rien au Gouvernement François pour la légère portion de leur recette qui lui revenoit. Les Commissaires Liquidateurs des Puissances Alliées, s'attachant aux termes de cet Article, exigèrent des Receveurs Communaux la production de Certificats conçus dans la forme prescrite, tandis que ceux de la

France, pour astreindre ces Receveurs à une reddition de Compte envers la France, dont l'Article les dispense, demandoient une forme de Certificat qui auroit équivalu à une véritable comptabilité. M. le Duc de Richelieu reconnut que les Certificats doivent être conçus dans les termes mêmes de l'Article du Traité.

IV. Comme il avoit été fréquemment formé des oppositions, soit par des François, soit par des Etrangers, contre le payement des sommes dues par le Gouvernement François à des Etrangers qui se trouvoient débiteurs des Opposans, on se servit de ce prétexte pour éluder entièrement les payemens. Les Commissaires des Puissances Alliées, respectant les droits de ces Créanciers, mais voulant que leurs oppositions fussent promptement ventilées, proposèrent à ceux de la France un mode propre à assurer les premiers sans arrêter la liquidation. Les Commissaires François reçurent par M. le Duc de Richelieu l'ordre de s'expliquer sur cette Proposition, et de s'entendre avec les Commissaires Alliés, afin que cette question ne devînt pas l'objet d'un recours aux Gouvernemens. Les Commissaires François n'ont pas donné suite à cet ordre; la question est restée indécise, et plusieurs Commissaires se sont même vus cités par des Opposans devant les Tribunaux François.

V. Les Commissaires François ayant voulu appliquer à plusieurs Réclamations les Actes du Gouvernement François qui prononcent des déchéances, les Commissaires des Puissances Alliées s'opposèrent à l'admissibilité de ces Actes aux créances garanties par la Convention du 20 Novembre, 1815. Ils fondèrent cette résistance, 1°. sur la nullité de ces Actes, rendus sans que les formes prescrites par la Constitution qui régissoit alors la France eussent été observées, et exécutés sans avoir été publiés; nullité tellement radicale que tous les François auroient droit de réclamer contre, si une Loi rendue par les Chambres depuis le retour du Roi, ne les y avoit soumis; 2°. sur l'intime liaison entre les Articles XVIII et XIX du Traité de Paris du 30 Mai, 1814, dont le premier décharge la France de tout ce que les Puissances Alliées avoient à réclamer contre elle depuis 1792, tandis que, par le second, cette Puissance reconnoit l'obligation de payer tout ce qu'elle doit d'ailleurs dans les pays hors de son Territoire; S. sur la circonstance, que certaines dispositions des Lois et Actes du Gouvernement François sur les déchéances sont, par la Convention du 20 Novembre, 1815, déclarées applicables aux Etrangers (voy. p. e. Art. 7. §. 2.), d'où il s'ensuit que ces Lois et Actes ne le sont pas dans leur généralité.

Il fut convenu dans la Conférence du 3 Octobre, 1816, que la question de l'admissibilité des Actes de déchéances seroit traitée diplomatiquement. Il est nécessaire qu'il soit donné suite à cette Négociation, et que provisoirement on procède à la Liquidation des Réclama. tions frappées par ces Actes, sauf à en former des Bordereaux particu

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