Page images
PDF
EPUB

M. le président lit le paragraphe 14, portant que l'on espère que, par suite de l'évacuation, bien que tardive, des Etats Romains par les Autrichiens, les fers des captifs seront brisés, et des améliorations seront données aux sujets du Pape. M. le ministre des cultes, après quelques mots sur le reproche de retard, et sur le droit que s'est cru l'Autriche d'envoyer des troupes en Italie, aborde la question de la puissance temporelle du Pape. Il fait sentir la nécessité pour l'Europe catholique de lui conserver ce pouvoir, et la perturbation qui résulteroit de son expulsion, à laquelle sembloient tendre les menées révolutionnaires. Est-ce au moment qu'on veut porter secours à la Belgique et à la Pologne, dans l'insurrection desquelles les opinions religieuses ont pu être pour quelque chose, qu'on devroit souffrir le renversement du trône pontifical? et si le Pape étoit obligé de s'enfuir de ses Etats, ce n'est pas à Paris, comme le vouloit Buonaparte, qu'il iroit établir sa résidence, mais dans quelque autre capitale de l'Europe catholique, à l'exclusion de la nôtre.

Pour rétablir quelques faits, M. Laffitte fait observer qu'avant qu'il quittât le ministère, il s'étoit occupé de l'évacuation des Etats Romains et de l'intervention pour la Pologne. M. C. Périer répond que, sans vouloir accuser le préopinant, Modène étoit déjà envahie par les troupes autrichiennes à son entrée au cabinet. M. Laffitte réplique par quelques détails sur la ligne politique qu'il suivoit.

M. Lafayette présente un amendement pour faire entendre que l'occupation, tant de la Romagne, que de Parme et Modène par l'Autriche, étoit un acte d'invasion attentatoire à l'indépendance de ces pays, et à nos principes déclarés de non-intervention. M. La Fayette, après s'être félicité de l'impulsion que notre révolution a donnée à toute l'Europe, s'attache à montrer que le principe de nonintervention s'est fort affoibli. D'un côté, cinq ambassadeurs ont disposé des intérêts de la Belgique; de l'autre, on ne s'est plus occupé de solliciter la mise en liberté d'Andryane, détenu en Autriche, et pour lequel l'ambassadeur de Charles X intercédoit cependant. L'orateur s'étonne qu'on ne se soit pas opposé à main armée à l'invasion des Autrichiens, et qu'on n'ait pas secondé l'élan des insurgés italiens. Il demande enfin, dans le cas où ces derniers voudroient reprendre leurs droits, si l'on souffriroit encore que la maréchaussée européenne les fit rentrer sous le joug.

M. le ministre des affaires étrangères examine les faits qui se sont passés en Italie, et montre la difficulté qu'il y auroit eu à agir autrement. Il rappelle tout ce que le gouvernement a fait dans l'intérêt libéral des Italiens; on a obtenu la grâce des révoltés, on a fait donner aux habitans des institutions municipales et provinciales, on a enfin sécularisé, autant que possible, l'administration du gouvernement pontifical. On ne pouvoit pas ensuite, malgré l'Europe, consacrer l'indépendance des Etats Italiens. Quant à ce qu'on feroit en cas d'une nouvelle invasion, on ne peut le projeter sans connoître les circonstances. M. Sébastiani termine en rappelant que le même jour que le gouvernement a appris l'invasion de la Belgique, une armée a marché à son secours, parce que l'on savoit que cette mesure ne seroit pas désapprouvée par les autres puissances.

M. Lafayette réplique. M. le ministre se borne à déclarer que la France agira toujours selon son honneur et ses intérêts.

M. Cabet reproduit avec chaleur les opinions de M. La Fayette sur l'Italie, et prétend que l'abandon de ce pays sera désastreux pour la France. M. Lamarque soutient que l'évacuation des Autrichiens n'est pas complète, puisqu'ils occupent Ferrare et Plaisance. Il pense qu'aucun traité ne leur en donne le droit. M. Sébastiani explique le contraire. M. Mauguin croit que le ministre se trompe. L'amendement de M. Lafayette est enfin mis aux voix, et rejeté à une majorité douteuse, forniée des deux centres. On écarte également un sous-amendement de M. Lamarque, exprimant que la retraite des armées autrichiennes est encore incomplète. Le paragraphe passe, ainsi que ceux relatifs à Lisbonne et à la Belgique.

On arrive au 17, concernant la Pologne. Un amendement trop énergique de M. Perrin n'est pas admis. M. Lafayette en présente un qui a pour objet de faire accréditer à Paris la légation polonaise, afin de reconnoître officiellement l'indépendance de fait et de droit de la Pologne. L'orateur prétend que cette reconnoissance n'entraînera aucun inconvénient. Il croit d'ailleurs qu'on auroit pu secourir ce pays, en envoyant une flotte dans la Baltique et par d'autres diversions. M. le ministre du commerce soutient que tout ce qu'on peut faire pour ce pays est de négocier en sa faveur et d'encourager les dons des particuliers; autrement on manqueroit à la neutralité et l'on entraîneroit une guerre générale. M. Lafayette réplique. M. Dupin appuie la rédaction de l'adresse, qui ne doit exprimer qu'une forte sympathie. Il énumère les dangers de faire davantage pour la Pologne, et rappelle le résultat de la reconnoissance des Etats-Unis. M. Salverte dit qu'on a reconnu la Grèce, sans faire pour cela la guerre au Sultan. M. le ministre des affaires étrangères réfute les observations de l'opposition sur la question de la Pologne. On oublie, dit-il, que la Prusse et l'Autriche seroient blessées dans la reconnoissance qu'on sollicite, puisqu'elles possèdent une partie de ce pays. Le vœu que l'on manifesteroit seroit d'ailleurs une sorte de contrainte pour le gouvernement. L'amendement est rejeté, malgré de nouveaux efforts de M. Lamarque.

M. Bignon propose de mettre que la chambre trouve dans le discours du trône la certitude que la nationalité de la Pologne ne périra pas. Il appuie avec force cet amendement. M. le garde-des-sceaux réplique, et demande qu'on admette seulement dans l'adrese le mot espérance, proposé par M. Bodin, au lieu de certitude. Il s'engage la plus vive discussion sur la priorité de la mise aux voix. M. le président du conseil demande la parole. L'extrême gauche s'y oppose, en disant que la discussion est fermée. MM. Dupin et Guizot représentent que c'est sur la position de la question que le ministre veut parler, et invoquent en sa faveur le règlement. Plusieurs membres se présentent à la tribune. M. le président déclare qu'il ne laissera la parole qu'à M. C. Périer. Ce ministre veut parler, mais on l'interrompt violemment. Des interpellations et des exclamations partent de tous côtés. L'agitation devient extrême, et M. Girod (de l'Ain) ne peut plus obtenir le silence. M. le président du conseil essaie encore de présenter ses observations; le tumulte redouble. M. le garde-des-sceaux et quelques députés s'écrient en vain que l'on viole la Charte, le règlement et la dignité de la cham

[merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors]

bre. L'émeute a passé dans la chambre, dit M. Dupin. Enfin M. Girod (de l'Ain) ne pouvant rétablir le calme, se couvre et déclare la séance suspendue. Un grand nombre de députés se retirent alors dans les bureaux, au milieu d'une confusion inexprimable. Au bout d'une demiheure, on veut reprendre la séance. M. le président rappelle qu'il a épuisé tous les moyens pour rappeler l'ordre, qu'on l'a obligé d'user de la derniète ressource que le règlement lui offroit. Il conjure les députés de ne plus renouveler cette scène, qui rendroit impossible le gouvernement représentatif. Il est sept heures; la délibération est remise.

Le 16, M. de Rambuteau demande la parole sur le procès-verbal. Après quelques réflexions sur ce qui s'est passé la veille, il demande que l'on y exprime plus clairement, qu'après la clôture de la discussion, M. le président du conseil a réclamé la parole, en déclarant bien que c'étoit comme député et sur la position de la question, ainsi qu'il en avoit le droit. M. Royer-Collard appuie ce principe, et rappelle que jamais on n'a refusé d'entendre les ministres, quelque impatience que cela ait parfois produite. M. Casimir Périer déclare qu'il ne vouloit, en effet, qu'insister sur la nécessité de mettre d'abord aux voix, suivant les règles établies, le sous-amendement de M. Bodin. Il montre, malgré quelques interruptions de la gauche, qu'il étoit dans son droit et qu'il devoit le soutenir, et fait sentir le besoin d'apporter plus d'harmonie dans les délibérations. M. Jollivet conteste le droit en question. MM. Royer-Collard et Lempereur répliquent.

M. Odilon-Barrot prétend que l'opposition qui s'est manifestée lorsque M. le président du conseil a voulu parler, n'a d'autre cause que la crainte que l'on avoit qu'il ne rouvrit la discussion. Il prétend que l'on doune trop d'étendue à l'art. 46 de la Charte, et croit que la ques tion est trop élevée pour chercher à la résoudre aujourd'hui. M. le garde-des-sceaux combat l'opinion du préopinant, et rappelle que la gauche a laissé parler M. Demarçay, lors de l'incident de la veille. MM. Teste et de Tracy réclament l'ordre du jour. M. Casimir Périer s'oppose à ce qu'on le prononce sur l'interprétation de l'article 46. M. Guizot montre que cette question ne peut être résolue que par les deux chambres. MM. Mauguin et Casimir Périer répliquent successivement. Enfin le bureau, déclarant que l'on n'a pas entendu hier ce ministre dire que c'étoit sur la position de la question qu'il venoit parler, la réclamation de M. de Rambuteau est rejetée.

La chambre admet plusieurs députés ajournés, entre autres M. Laugier de Chartrouse, l'un des anciens 181 de la droite.

On reprend la délibération sur l'adresse, et d'abord le sous-amendement de M. Bodin, tendant à substituer au mot certitude, relativement à la Pologne, l'expression (qu'il a modifiée) de ferme espérance. M. le président du conseil, malgré ce changement, insiste pour son adopLion, en faisant sentir l'impossibilité de l'expression de M. Bignon, qui sembleroit exiger la guerre. M. Salverte se prononce contre la priorité. M. Levrault appuie le sous-amendement. M. Bignon propose alors de remplacer le mot certitude par assurance. M. le ministre des affaires étrangères déclare que le gouvernement adopte cette expression, qui rentre dans les termes du discours de la couronne. M. Bodin, malgré la réclamation de MM. de Tracy et Salverte, qui ne trouvent

( 128 )

as cela assez énergiqué, fait mettre une assurance, pour rendre la phrase plus française. L'amendement de M. Bignon, ainsi modifié, passe une grande majorité.

au

[ocr errors]

M. Bernard (de Rennes) propose d'ajouter que la chambre attend, sujet de ces difficiles négociations, la communication de tous les documens diplomatiques. M. de Vatimesnil représente que toutes les explications que les ministres ont données à la commission et à la tribune doivent suffire. MM. de Tracy et Collin appuient vivement la demande faite par l'amendement. M. Pelet ne partage pas cet avis. M. le ministre des affaires étrangères rappelle que tout est épuisé sur la politique étrangère; qu'au reste, if fera en temps utile toutes les communications qu'on désirera. Quant au Portugal, sur lequel on est M. Sébastiani dit que l'on ne s'est pas laissé influencer par l'Angleterre, qu'il n'est pas vrai qu'elle nous ait à l'avance demandé compte de la force de l'expédition, et qu'elle a déclaré, au contraire, la France étoit seule juge des offenses qu'elle parations qu'elle doit demander. L'amendement de M. Bernard est rejeté, et les paragraphes suivans passent sans discussion.

revenu,

que

a reçues et des ré

L'adresse est votée au scrutin, à la majorité de 282 contre 73, et la séance se termine par le tirage au sort de la députation qui doit la porter au Palais-Royal.

Nous donnerons dans le prochain numéro le texte de cette adresse.

ar

Un cruel incendie vient de désoler la paroisse de Chichilianne, rondissement et diocèse de Grenoble. Le lundi 1er août, la foudre frappa une maison du village; le feu se communiqua rapidement, et en peu d'instans l'église, le presbytère et les cinquante-huit maisons du village ont été réduits en cendres. L'activité du feu étoit telle qu'on n'a pu sauver que très-peu de choses; neuf personnes ont été ensevelies dans les décombres. Des hommes courageux se sont exposés pour arracher des malheureux à la mort : l'un, M. Large, a sauvé cinq enfans; un employé des ponts-et-chaussées, M. Barbe, est accouru avec vingt-cinq ouvriers, et les a conduits partout où il a été nécessaire ; d'autres ont bravé les plus grands dangers. Les habitans sont saus ressources; ils ont perdu leurs récoltes, déjà ramassées en grande partie : ne peuvent-ils pas espérer que leur affreuse situation touchera les cœurs compatissans? Une souscription a été ouverte pour eux : qui voudroient s'y joindre sont priées d'adresser leur offrande au bules reau du journal, ou sur les lieux à M. l'évêque de Grenoble, qui les personnes transmettroit à la commission de bienfaisance créée à cet effet, et dont M. Morin, curé de Chichilianne, fait partie. Ce respectable pasteur nous invite à faire connoître les personnes et les communes qui auroient souscrit pour cette bonne œuvre.

Le Gérant, Adrien fe Clere.

COURS DES EFFETS PUBLICS.-Bourse du 17 août 1831.

Trois pour 100, jouissance du 22 juin, ouvert à 58 fr. go c., et fermé à 58 fr. 50 c.
Cinq pour 100, jouissance du 22 mars, ouvert à 89 fr. go c., et fermé à 89 fr. 60 e.

Cours d'histoire moderne, par M. Guizot. (IVa Article.)

Nous avons déjà prouvé combien M. Guizot étoit un guida PROY

sûr, quand il s'agissoit de juger d'après les monumens historiques les droits et la constitution de l'Eglise. Il nous semble trèsimportant de continuer l'examen de ses titres comme savant et comme critique, et d'engager son jeune auditoire à soumettre à une nouvelle discussion des théories qui souvent ne sont appuyées d'aucun fait, et où, lorsque les faits sont produits, ils se trouvent disposés d'après un système déjà formé, auquel on les plie, bon gré, malgré. En attendant que les jeunes gens qui suivent son cours puissent s'assurer, au moyen de quelques recherches, si les monumeus les mieux avérés n'ont pas été négligés comme trop embarrassans, nous croyons devoir leur présenter quelques réflexions sur des matières avec lesquelles la plupart d'entre eux ne sout pas familiarisés.

M. Guizot donne comme incontestable l'existence d'un double despotisme qui déshonora l'Eglise du 6o au 8e siècle. Le premier étoit exercé par le clergé à l'égard des laïques, et le second par Jes évêques à l'égard du clergé lui-même.

Commençons par le premier. Quel étoit ce despotisme? On ne le dit pas. Consistoit-il en ce que le clergé exerçoit un pouvoir, celui d'enseigner, de porter des réglemens de discipline, de prononcer des décisions, de donner une sanction spirituelle à des lois spirituelles? Un tel pouvoir est nécessaire pour qu'il existe une véritable société religieuse, une société proprement dite; nous l'avons prouvé ailleurs. L'auteur voudroit-il parler de l'abus que l'on fit des censures, de l'excommunication en particulier? Nous ne le contestons pas, quoiqu'il s'agisse d'un fait beaucoup plus fréquent depuis le 8e siècle, que pendant le 6o et le 7o; mais l'accusation aiusi réduite, il ne s'ensuit pas que le clergé cût usurpé un droit, mais qu'il en avoit trop prodigué l'exercice; encore ne seroit-il pas si difficile de l'excuser, par l'impuissance où l'on étoit alors de défendre l'ordre matériel de la société par des armes plus régulières et plus en harmonie avec la nature des délits qu'il falloit réprimer. On pourroit aller plus loin, et donner comme une chose certaine, que ce furent les violences des seigneurs, dans lesquelles notre professeur trouve ailleurs une garantie de liberté contre l'oppression du clergé, qui, au lieu d'arrêter le despotisme épiscopal (si on qualifie ainsi l'abus de certaines excommunications), ne firent au contraire que le provoquer.

Tome LXIX. L'Ami de la Religion.

I

« PreviousContinue »