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Le Christianisme en action en face de ses peruteurs, ou Réflexions et Modèles à l'usage des chrétiens pour les temps de persécution, par A. de Mey (1).

L'auteur commence son Introduction en comparant notre époque à celle où le christianisme parut sur la terre. Alors le luxe et l'orgueil avoient perverti les esprits; les hommes étoient plongés dans les sens, et une vaine philosophie oublioit la vérité pour courir après des chimères.

« Le temps où nous vivons, dit M. de Mey, n'offre pas sans doute une si profonde dégradation; mais nous pouvons reconnoître autour de nons les principaux traits du tableau que nous venons de tracer. Les esprits qui ne sont que politiques cherchent bien loin la cause des maux qui tourmentent la société ; ils accusent tantôt les rois, tantôt les peuples; quelquefois les plus grandes révolutions ne sont à leurs yeux que l'effet de simples fautes d'administration. Il leur semble qu'une simple loi de finances ou d'élection, qu'un changement de ministère ou un coup d'Etat, peuvent changer la fortune d'un peuple, et précipiter le monde au travers des crises et des convulsions du désordre. Aussi voyez les remèdes qu'ils nous donnent comme infaillibles; ce sont des systèmes de gouvernement, ce sont des libertés et des garanties, ce sont des alliances avec la grande ou la petite propriété, on avec des puissances étrangères; ce sont des routes et des canaux, du commerce et de l'industrie. Et, au milieu de tout ce bruit de conseils et de critiques, le monde va toujours de douleur en douleur, de chute en chute, jusqu'à ce que Dieu l'ait assez frappé.

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M. de Mey trouve une cause bien plus réelle de nos malheurs dans ces passions qui nous tourmentent, dans cette avarice qui souille tout, dans cette volupté qui nous amoliit, dans cet intérêt qui nous isole, dans ces haines qu'on nous inspire; il auroit pu ajouter dans cet incurable orgueil qui nous domine. La religion seule peut apporter remède à de tels maux, et l'auteur espère que notre âge offrira encore de ces grandes

(1) 1 vol. in-8°, prix, 3 fr. 50 cent. et 4 fr. 75 cent. franc de port. A Paris, chez Bricon, et au bureau de ce journal.

Tome LXIX. L'Ami de la Religion.

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leçons qui ont autrefois converti le monde. Qui peut douter, dit-il, que le monde ne voie bientôt l'aurore d'une ère nouvelle, éclairée par l'unique flambeau de notre religion? C'est dans cette pensée qu'il a cru devoir rappeler les grands exemples de vertu qui ont illustré le berceau du christianisme. Il y mele des traits pris dans l'histoire des derniers temps, et se flatte que ces récits simples consoleront les uns, et affoibliront les préventions des autres.

Les faits, dans cet ouvrage, sont rangés sous différens titres; ainsi les premiers chapitres sont sur la foi, la persévérance, la charité, la résignation, ia fermeté, la pureté, la simplicité, la liberté, l'union, et l'auteur raconte dans chaque chapitre des traits de l'histoire de l'Eglise ou de la vie des saints qui ont rapport à ces vertus. Les exemples qu'il choisit et les réflexions dont il les accompagne attestent ses sentimens chrétiens. Dans le chapitre de la liberté, il distingue la liberté chrétienne de la liberté révolutionnaire, qui ne vit que de troubles et de séditions. La liberté chrétienne, dit-il, ne court pas les rues, elle ne crie pas la mort, elle ne lâche pas des bandes de scélérats contre la sûreté de l'Etat, des personnes et des propriétés; elle consiste à défendre, sans foiblesse et sans fureur, les droits de la conscience et l'intérêt public. Seulement j'aurois voulu que l'auteur expliquât encore que la liberté n'exclut point la soumission à l'autorité, que, sans donner même dans les excès des révolutionnaires, on peut exagérer les droits de la liberté, ou bien outrer les conséquences de ce principe. On abuse tant aujourd'hui de ce mot de liberté, qu'un bon esprit doit s'attacher à prévenir les fausses idées qu'on s'en fait. Ne nous a-t-on pas dit, il y a quelques jours, qu'il nous manquoit la liberté de la presse, quoique assurément nous ayons en ce genre plus à nous plaindre de l'excès que du manque?

Les derniers chapitres sont sur l'enseignement en temps de persécution, sur les modèles parmi les militaires chrétiens, sur les modèles parmi les femmes chrétiennes pendant la persécution, sur les honneurs à rendre à ceux qui souffrent pour la foi; le dernier chapitre est un résumé de l'ouvrage : l'auteur y réclame la liberté pour l'Eglise, et proteste contre les vexations et les insultes prodiguées depuis, un an à la religion et à ses ministres. Il revient à plusieurs reprises dans son livre sur ce triste sujet. Il avoit dit dans son Introduction :

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Certes nous ne voulons point nous hâter de crier à la persécution, nous ne faisons point un ouvrage de politique pour accuser le pouvoir ou les partis; mais on ne peut nier non plus la gravité des faits qui se passent sous nos yeux. Soit que les pouvoirs humains se trouvent frappés d'une stupeur et d'une paralysie mortelles, soit que l'esprit des nations, perverti et dissous, les pousse d'un instinct aveugle et fatal à étouffer les restes du christianisme, il est certain que les ames fidèles s'obscurcissent de présages bien lugubres. Nous avons pu voir une proclamation d'athéisme dans cette destruction des croix qui s'est faite en beaucoup de lieux sous l'œil d'une population muette et d'une autorité au moins indifférente. On peut, sans paroître trop soupçonneux, voir un système assez suivi d'attaques contre l'Eglise catholique dans ces invasions de séminaires, dans cette chaîne de calomnies qui enlace le sacerdoce, dans ces cris de mort poussés contre des prêtres inoffensifs, dans ces pillages d'églises. Quelle que soit la cause de tous ces désastres, on y trouve toujours l'indice d'un vice profond qui empoisonne la société, et dont il sortira peutêtre d'immenses agitations de peuples; car une cause de désordre aussi forte et aussi enracinée dans le vif ne s'arrache souvent que par de longs efforts et par des luttes violentes entre les hommes.

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Et dans sa conclusion, après un tableau rapide des violences et des outrages dont la religion et le clergé ont été l'objet, l'auteur ajoute :

Voilà comme les hommes qui nous gouvernent entendent aujourd'hui nous traiter! Voilà, si nous ne leur arrachons pas la liberté de nos consciences, ce que nous devons attendre d'eux! une religion nouvelle, faite par eux, exploitée par eux, l'oppression du vrai catholicisme, la honte et l'abjection de la plus ignominieuse servitude. Il est donc bien clair que nous n'avons rien à attendre du pouvoir, que nous devons travailler nous-mêmes à la défense de notre foi, et former une société vigoureuse et libre de tous les catholiques. La foi n'a pas besoin de l'appui de ceux qui la dédaignent; elle vivra sans eux et malgré eux. »

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Quelques personnes trouveront peut-être ce ton un peu vif et un peu vigoureux dans un livre où il y a un chapitre sur la résignation, et qui offre tant d'exemples de patience des premiers chrétiens. Ce n'est pas tout-à-fait ainsi qu'ils parloient des empereurs qui les envoyoient à la mort. Toutefois je suis persuadé que M. de Mey a des intentions très-droites, et son ouvrage témoigne un attachement sincère à la religion et est rempli de faits fort édifians.

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NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le 2 août, il y eut un grand concours de fidèles dans toutes les églises de l'ordre de Saint-François, pour gagner l'indulgence dite de la Portioncule. Le Pape se rendit avant midi à l'église des Capucius, voisine de son palais, et y fit sa prière. Le 4, qui étoit quatrième jour de l'octave de St-Pierre-aux-Liens, célébrée cette année avec des indulgences spéciales, le saint Père se rendit à l'église de ce nom, et fut reçu par le P. abbé Garofali, ancien général des chanoines réguliers, à la tête de sa communauté. S. S., après avoir fait sa prière devant le saint Sacrement, passa devant l'autel dit des Chaînes, où elle entendit une messe célébrée par un de ses chapelains, et vénéra les saintes reliques.

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PARIS. Le Moniteur de samedi a publié deux ordonnances royales; l'une, du 9 juillet, nomme à l'évêché de Dijon M. l'abbé Rey, grand-vicaire capitulaire d'Aix; l'autre, du 1er août, nomme l'archevêché d'Avignon M. l'abbé d'Humières, ancien grandvicaire de Valence. Le Moniteur donne sur la nomination du premier des explications qui manquent d'exactitude. M. Rey ne fut point nommé vicaire capitulaire à la mort de M. de Cicé en 1810; car il n'étoit pas même alors chanoine titulaire, il étoit secrétaire de l'archevêché. C'est à la mort de M. de Bausset, en 1829, qu'il fut nommé grand - vicaire capitulaire, et on se souvient encore Aix de tout ce qu'il fit et fit faire alors d'irrégulier. Voyez quelques observations à cet égard dans notre no 1516, tome LIX.

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- Le conseil général du département de la Seine a décidé qu'une somme de 150,000 fr. seroit consacrée aux réparations de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois. Nous applaudissons à cet acte de justice. Ainsi il paroît qu'on a renoncé au projet de la nouvelle rue, ou du moins qu'on a reconnu que l'exécution de ce projet pouvoit se concilier avec la conservation de l'église. Le Constitutionnel ne dissimule pas son chagrin de la décision du conseilgénéral, qui abandonne l'indispensable plan de Napoléon, pour l'alignement et l'assainissement des abords du Louvre. Nous concevons que ce journal porte un vif intérêt à ce plan, soit à cause du grand homme, soit par le plaisir de voir abattre une église; mais nous ne pouvons lui accorder que ce plan soit indispensable, ni que les abords du Louvre aient besoin d'assainissement.

Une ordonnance royale, en date du 13, autorise la démolition des bâtimens de l'archevêché, que leur état de ruine ne permet pas, dit-on, de réparer, et affecte au logement de M. l'archevêque un hôtel, rue de Lille. Ainsi le gouvernement consomme la destruction commencée par les fureurs populaires; loin de réparer une grande injustice, il la continue et la sanctionne. Il est dit dans l'ordonnance que l'état de ruines des bâtimens ne permettoit pas

de les restaurer; mais ce n'est là qu'un prétexte, puisque M. Parchevêque avoit offert de se charger lui-même de la dépense nécessaire pour réparer son palais. On dit que le prélat a protesté contre l'ordonnance, et s'est plaint qu'on dépouillât l'église de Paris d'un édifice nécessaire, bâti en grande partie par ses prédécesseurs, et qui étoit une propriété de son siége. Puisque cet édifice n'avoit pas été vendu, il revenoit de droit aux archevêques. Le logement qu'on leur assigne en remplacement ne leur convient nullement. Il est loin de Notre-Dame, il sépare M. l'archevêque de son église, de ses grands-vicaires, de son chapitre. La maison est d'ailleurs incommode et mal distribuée, elle n'a pas le plus petit coin de jardin. N'auroit-il pas été convenable de se concerter avec lui pour le choix d'un local, et n'est-il pas étonnant qu'on prenne une telle mesure sans lui en faire part, et qu'on abatte son logement sans l'entendre lui-même, sans examiner ses raisons? En vérité nos ministres ne se mettent pas avec lui en frais de procédés, de politesse et d'égards; et cette manière d'agir rappelle le procédé de M. Odilon-Barrot, qui, au mois de novembre dernier, étaut préfet de la Seine, écrivit à M. l'archevêque qu'on lui supprimoit trois mois de son traitement, à cause de son absence de son diocèse. Ainsi un prélat dont on avoit pillé la maison et dévasté tout le mobilier, qui avoit perdu ses livres, son argenterie, ses effets, tout en un mot, qui ne pouvoit notoirement résider à l'archevêché, on le dépouilloit encore d'une portion de son traitement, sous le prétexte le plus faux; car tout le monde savoit que, si M. l'archevêque avoit été obligé de se tenir à l'écart, il n'avoit point quitté son diocèse, ou tout au plus ne l'avoit quitté que pour aller passer quelques jours dans une campagne voisine. Il y avoit donc dans cette mesure odieuse un rafinement de barbaric et une recherche de brutalité qui peuvent faire juger du caractère humain et de l'esprit d'équité de M. l'ancien préfet de la Seine.

Dans le choix des évêques qui faut-il consulter? Sont-ce les vœux de ceux qui ne croient point à la religion, qui en dédaignent les pratiques, qui ne recourent jamais au ministère sacerdotal? ou bien sont-ce les voeux des catholiques intéressés à ce choix, qui ont des rapports nécessaires avec leur évêque, qui ont besoin d'avoir confiance en lui et de l'estimer, qui le regardent comme un supérieur à qui ils doivent obéir, et comme un modèle qu'ils doivent imiter? Faut-il pour un tel choix demander l'avis des ennemis de la religion, des indifférens, des esprits frivoles, ou bien celui du clergé, des fidèles, des ames pieuses? Un ecclésiastique à Paris ou en province a eu l'art de se mettre bien avec les libéraux, il fait sa cour aux autorités, il seconde toutes les vues du gouvernement, il prévient même ses désirs, et va au-devant du joug; cela suffit-il pour qu'il paroisse digne de l'épiscopat, et ne faut-il pas s'informer aussi s'il pourra faire le bien au milieu d'un trou

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