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prêtre qui se prévaut d'une telle mission sont assurément bien digues l'un de l'autre. Le nouveau curé élu et Châtel vont alternativement à Clichy, qui va devenir pour eux comme une place d'armes. Ils ont osé y célébrer la fête de saint Vincent de Paul, dont toute la vie est la condamnation de leur schisme, comme sa doctrine est la condamnation de leur profession de foi. On dit qu'un nommé Méot s'est offert à Châtel, qui ne sauroit le refuser; car Méot est un prêtre qui s'est marié, et qui prétend encore après cela exercer le ministère. On parle aussi du fameux abbé Marcet, qui seroit sans doute parfaitement à sa place dans une telle société.

M. l'évêque de Belley, dans une circulaire adressée à son clergé, en date du 18 juillet, traçoit la conduite à suivre relativement au au service de la fin de juillet. Le prélat n'avoit pu recevoir encore la lettre du Roi aux évêques, qui est de la même date. Nous n'avons pu insérer cette circulaire plus tôt; nous croyons utile néanmoins de la faire connoître; elle contient des réflexions et des conseils qui sont encore applicables aux circonstances :

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«Il ne me paroît pas vraisemblable que le gouvernement demande aucune prière, et surtout aucune prière pour les morts à cette époque, à raison de la liberté des cultes proclamée par la Charte. Parmi les cuttes pratiqués en France, il y en a plusieurs qui ne reconnoissent pas l'existence des peines du purgatoire et l'efficacité des prières pour les morts; ce seroit donc exiger un changement dans leur liturgie et même dans leur croyance, si on leur demandoit des prières de ce genre, et ce seroit mettre une différence entre les cultes et s'écarter de l'ordre légal, que de demander aux uns ce qu'on ne demanderoit pas aux autres. Aussi, dans les Etats-Unis de l'Amérique, où l'on entend la liberté mieux que partout ailleurs, on ne demande jamais rien à aucun culte, on les protége tous; on met en quelque sorte tous les citoyens dans la nécessité d'en choisir un, en interdisant, de la manière la plus sévère, toute espèce de travail et de commercè le dimanche, en interdisant même le jeu, la musique, la danse, etc.; mais du reste, si on est tranquille chez soi, sans rien faire qui trouble l'ordre public et qui puisse déranger on scandaliser ceux qui croient en Dien et se font un devoir de l'honorer par des pratiques religieuses, on est à l'abri de toute recherche.....

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» Cependant, comme il seroit possible que, par des motifs que nous devons supposer bons, on vous priât dans certaines paroisses de faire un service funèbre, mon avis est que vous pouvez le faire, en vous rappelant néanmoins ce beau mot prononcé le lendemain d'une bataille par un des chefs de l'armée; on lui demandoit comment il falloit traiter les blessés ennemis Comme les nôtres, répondit-il, ils ne sont plus nos ennemis. Réponse sublime qui fut répétée avec enthousiasme, et qui sera toujours lonec et admirée par les ames élevées. On sait que l'immortel Fénelon, dont les amis de l'humanité et de la liberté aiment à répéter Je nom, prodigua les mêmes soins aux blessés des deux armées qui combattirent près de Cambrai; or, si la philosophie nous fait un devoir de pareils sentimens à l'égard des vivans, la religion nous l'impose plus

formellement encore envers les morts, qui, dégagés de toutes les illu sions de la vie présente, n'ont devant Dieu ni les qualités de vainqueurs, ni celles de vaincus, mais ne portent à son tribunal redoutable que leurs vices ou leurs vertus, et ne trouveront de défenseurs que dans le témoignage de leurs consciences et dans la pureté des motifs qui les ont fait agir. Si vous faites donc des prières pour les morts, vous les ferez pour tous ceux qui moururent à cette époque; ils étoient tous nos frères, comme chrétiens et comme Français.....

» Je ne vous recommande plus d'être absolument étrangers à la politique dans vos instructions à l'église, parce que j'ai la consolation de voir qu'on m'a compris sur cela, et qu'on est généralement exact à suivre mes conseils. Mais je dois vous prévenir d'un piége qui pourroit vous être tendu. Vous serez souvent accosté par des personnes qu'Horace désiguoit par ces mots : Laudator temporis acti. În établira devant vous des comparaisons entre le temps présent et les années précédentes. Je vous engage et vous recommande instamment de ne prendre aucune part à ces sortes de conversations, et même de les interrompre, pour ne pas vous exposer à des interprétations fausses et perfides, qui compromettroient notre ministère. Laissons les hommes de la terre discuter les intérêts de la terre; pour nous, qui sommes destinés à montrer le chemin du ciel, ne nous occupons que des moyens d'y aller et d'y conduire les autres. Dans le moment présent, on déclame moins contre les ecclésiastiques, même dans les journaux; il n'est plus question de renverser les croix, de dévaster les églises, de nous accuser d'avoir des armes, de faire l'exercice, de correspondre avec les ennemis de l'Etat ; la foi n'est point attaquée légalement, on nous laisse la liberté d'exércer notre ministère, on respecte mème et on fait respecter les ecclésiasti-. ques dont la conduite sage, mesurée et toute religieuse, est concentrée dans l'accomplissement de leurs devoirs; faisous en sorte qu'on n'aperçoive parmi nous qu'un seul esprit, l'amour de la paix, le dégage ment des choses de la terre, et le désir constant et si raisonnable des biens éternels. >>

Le tribunal de Gex avoit condamné Louis Clément à un mois de prison et 100 fr. d'amende, pour avoir, le 24 mars de cette année, abattu une croix placée sur un chemin public au milieu du village d'Ecorans. Le tribunal s'étoit fondé sur ces motifs, que la religion catholique a été reconnue par le Concordat la religion de la majorité des Français; que son culte a été rétabli; que ce culte ne consiste pas seulement dans les cérémonies de l'intérieur des églises, mais encore dans des signes extérieurs, tels que la plantation des croix, qui ont dû, dès-lors, être considérées comme objet destiné à l'utilité publique; que, par l'effet du Concordat, la loi de l'an iv a été abrogée, et qu'on trouve une nouvelle preuve de l'abrogation de cette loi dans la proclamation des consuls du 27 germinal an x. Clément appela de ce jugement, et l'affaire a été portée au tribunal correctionnel de Bourg. L'avocat de Clément n'a pas manqué de rappeler l'enlèvement des croix fait à Paris, sous les yeux et quelquefois d'après les ordres de l'autorité; c'est cet exemple qui excita Clément. Il crut pouvoir faire à Eco

rans ce qu'on faisoit publiquement à Paris L'avocat a dit encore que l'article 257 du Code pénal n'étoit pas applicable ici, la croix arrachée par Clément ayant été plantée par un particulier sans autorisation publique. Mais le ministère public a renversé ce système. M. Belloc, substitut, qui a conclu à la confirmation du jugement, a rappelé comme principe la nécessité d'une religion dans l'Etat. Ce principe fut proclamé par le gouvernement consulaire, qui autorisa la publicité du culte catholique. Or, autoriser la publicité d'un culte, c'est autoriser les signes extérieurs qui le représentent. Aussi la croix d'Ecorans étoit déjà ancienne; elle date de l'époque même du Concordat. Si elle ne fut pas rétablie alors par l'autorité municipale, elle le fut du moins avec son autorisation, et on ne sauroit en douter, puisque cette croix subsistoit depuis trente ans sous les yeux de l'autorité et sur la voie publique. Malgré ces motifs, le tribunal de Bourg a infirmé, le 15 juillet, le jugement du tribunal de Gex, en se fondant sur ce que la croix abattue avoit été érigée par un simple particulier sans le concours de l'autorité publique; d'où le tribunal a conclu que le fait de Clément, quoique très-blâmable en lui-même, n'étoit puni par aucune disposition législative.

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Une modeste chapelle a été inaugurée, le 14 juillet, en l'honǹeur de la sainte Vierge, sous le titre de Notre-Dame de Bon-Secours, dans le désert des Hautes-Fanges, à l'extrême frontière de la Belgique et de la Prusse, près du chemin qui va de Néau à Malmédy. Un sentiment de religion et de charité vraiment chrétienne a porté M. le chevalier Fischbach, de Malmédy, à venir au secours des voyageurs en élevant une chapelle dans cet endroit isolé, où il leur arrive souvent de s'égarer, vu la difficulté des chemins. On n'y trouve qu'une petite maison, qui a sauvé la vie à beaucoup personnes, ramenées dans leur chemin au moyen d'une cloche. qu'on sonne très-souvent, et qui est due encore à la charité prévoyante du fondateur de la chapelle. Le même a fait placer dans la tour de cette chapelle un luminaire, qui servira à guider les voyageurs pendant l'obscurité des nuits. A la cérémonie de l'inauguration, on voyoit réunis beaucoup d'ecclésiastiques et de fonctionnaires, et un nombreux concours de fidèles de tous les environs. Un jeune prêtre de Malmédy est monté dans une chaire élevée en plein air, et a prononcé un discours analogue à la circonstance. On s'est réuni ensuite sous une tente où un dîner avoit été préparé; le bourgmestre de Maimédy y a prononcé un discours, et au nom des autorités belges et prussiennes, a adressé des remercîmens à la respectable famille Fischbach, qui n'épargne, depuis plusieurs années, ni soins ni dépenses pour le soulagement des voyageurs qui traversent ce pays désert.

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Il paroît à Modène un nouveau journal, sous le titre de : La Voix de la Vérité, ou Gazette de l'Italie centrale; on eu publie

deux numéros par semaine, le mardi et le vendredi. Ce journal est rédigé dans un bon esprit, et on y répond aux déclamations de nos feuilles révolutionnaires contre le duc de Modène et sur les affaires d'Italie. Ainsi le Courrier français du 6 juillet annonçoit que, les prisons de l'Etat de Modène ne suffisant plus, le duc avoit chargé les Jésuites d'être ses geoliers. Or, dit le journal italien, les Jésuites n'ont jamais été des geoliers; il n'y a pas un seul prisonnier chez eux, et il n'y a eu de renfermé dans des monasteres que la comtesse Testi, mise à Reggio chez les religieuses dites Mantellate. Ce sont certainement des ennemis du Courrier qui lui transmettent de telles nouvelles, pour lui faire perdre tout crédit en Italie.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Voici des plaintes qui s'élèvent au sujet des prières que l'Eglise a faites en mémoire des victimes de la glorieuse révolution. Les patriotes de juillet craignent que tout n'ait pas été pour eux, et qu'on ne leur ait fait, tort de quelques De Profundis. Ils tiennent tant à ce qui intéresse le salut des ames de leurs frères, que l'idée de la moindre petite fraude là-dessus les fait trembler. Ils ont donc remarqué avec peine que plusieurs évêques, dans leurs instructions adressées à leurs curés, ont prescrit des prières pour tous ceux qui sont morts dans les trois journées, sans distinguer les combattans qui ont péri pour la bonne cause, de ceux qui sont morts de l'autre côté. Ils affectent de craindre que quelque chose n'ait été détourné par là de la personne de leurs amis, au profit des Suisses et des gardes royaux. Vous diriez que cela leur cause des inquiétudes nortelles pour le repos des ames auxquelles ils s'intéresser. Sanscontredit, c'est la querelle la plus bizarre qui ait jamais été faite par l'hypocrisie révolutionnaire. On pense bien que nous n'y attachons pas d'autre importance que celle de faire remarquer combien la haine des patriotes de juillet est vivace, puisqu'elle poursuit jusque dans l'autre monde les gens qu'ils ont tués dans celui-ci. Ah! les belles ames!

Au moment où le Roi Philippe parcouroit les rues de Paris, entouré d'une nombreuse escorte, deux hommes bien vètus et de bonne apparence se mirent à crier : A bas le Roi! De prime abord, et sans que personne ait eu le temps de se consulter, vous entendez dire à tous ceux qui se trouvent témoins du fait: Ce sont des républicains. Cependant, il nous semble que dans l'ordre des préventions, que les journaux du gouvernement eux-mêmes paroissent être chargés d'accréditer, la première pensée qui devroit venir à la multitude, seroit de dire: Ce sont des prétres, ce sont des carlistes. Mais non; l'instinct de la vérité est le plus fort, et cette voix qu'on est convenu de nommer vox Dei, ne s'y trompe pas; elle va droit au fait, et signale tout d'abord les enfaus gâtés de la révolution de juillet. Cela étant, il vous paroîtroit naturel, sans doute, que, si la loi des suspects devoit être remise eu vigueur, elle commençât par atteindre les classes d'individus que lo soupçon public sait si bien démêler. Eh bieu non; ce n'est point à

ceux-là qu'en ven! le télégraphie, c'est aux prêtres et aux carlistes. St Vous apprenez que des visites domiciliaires et des battues aient été or– données quelque part; que des violences révolutionnaires aient été exercées de jour et de nuit envers les personnes ou les propriétés ; que des lettres aient été décachetées et saisies sans rime ni raison; que la gendarmerie ait tiré sur des individus à travers champs, ou que la police de M. Vidocq ait fait tomber quelques pauvres gens dans ses filets, yous pouvez être sûrs de n'entendre jamais dire dans tous ces cas-là ; Ce sont des républicains. Le régime des suspects ne les regarde point: toutes les mesures acerbes du gouvernement des barricades sont réservées aux prêtres et aux carlistes; nous ne sortons pas de là,

- Il s'est formé, dit le Temps, une nouvelle fraction de la chainbre, qui tient ses séances rue de Rivoli. Cette réunion a pour but de soutenir les opinions représentées par la section des députés qui siégent entre l'extrême gauche et le centre gauche. Ces députés veulent défendre la nouvelle Charte, et les conséquences de la révolution de juillet, sans opposition systématique violente, mais aussi sans complaisance pour le ministère. Les anciens députés qui ont signé l'association sont au nombre de 63, parmi lesquels sont: MM. Bérenger, Caumartin, Cormenin, Etienne, Girod de l'Ain, Hély d'Oyssel, Jay, Koechlin, Delaborde, Las Cases fils, de Sade, Thiers, Viennet, etc. Les nouveaux députés qui se sont joints à cette réunion sont jusqu'ici au nombre de 37; les plus connus sout: MM. Félix Bodin, Duvergier de Hauraune fils, Defermon, Havin, Mahul, Pourrat, etc. On a nommé 5 commissaires, qui sont : MM. Dumneylet, Viennet, Girod de l'Ain, Ganneron et Bérenger. M. Duvergier de Hauraune a été nommé secrétaire. Nous parlerons dans le prochain Buméro de la réunion Lointier.

-Depuis près de quarante ans, la guillotine avoit perdu son Anecréon dans M. Bertrand Barrère: elle l'a retrouvé dans la personne de M. Barthélemy, qui la chante en beaux vers, et la rappelle de tous ses eux. Nous ignorons si c'est pour lui donner un nouvel attrait qu'il lui a donné un nouveau nom; mais il a cru d. voir s'en faire le second parrain, et elle s'appelle maintenant le triangle d'acier; ce qu'il a trouvé apparemment plus engageant. Nous avons connu un brave homme auquel il auroit fait bien plaisir d'introduire cet heureux changement de son vivant; c'étoit le docteur Guillotin. Il ne jouoit pas, lui, avec l'idée de l'instrument de supplice dont le nom dérivoit du sien : quand il arrivoit à quelqu'un de prononcer le mot de guillotine devant lui, par inadvertance, on le mettoit au désespoir. Il disoit souvent à ses ainis que c'étoit un poids de célébrité qui l'écrasoit, et qu'il donneroit sa vie pour en soulager sa mémoire. M. Barthélemy u'est pas si fier, et il est probable que, si le docteur Guillotin l'avoit connu, ils se seroient facilement arrangés pour faire prévaloir le triangie d'acier. Une chose, du reste, qui est à remarquer, c'est que le recueil de poésie où sont déposés les beaux vers de M. Barthélemy en l'honneur de la guillotine et de la terreur, a été saisi par ordre du ministère public, et que cette Saisie est fondée sur une contravention à la loi des finances. Si les versen question étoient timbrés, tout servit dit.

Le vendredi 29, Louis-Philippe a passé la revue de la garde nationale de Paris et de la banlieue et des troupes de ligne. Les bataillons

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