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de nouveau les engagements consignés dans les traités et la totalité des droits qui en dérivent, accepte pour sa part la proposition en question.

« Dans l'opinion du cabinet impérial, toute la difficulté réside dans le système politique que la Sardaigne a adopté dans ses relations extérieures. Mettre fin à cet état de choses qui alarme l'Europe et empêcher qu'il ne se reproduise, telle paraît être la tâche réservée aux puissances appelées au premier rang à maintenir l'ordre social.

Si toutefois, en dehors de cette question, que le soussigné considère comme Ja seule qui importe essentiellement à la pacification morale de l'Italie, il était dans les intentions des puissances de soulever d'autres sujets de discussion, il serait nécessaire de les faire exactement connaître d'avance, et en tant qu'ils affecteraient le régime intérieur d'autres Etats souverains, le soussigné ne peut se dispenser d'insister par-dessus tout pour que le mode de procédé soit dans ce cas conforme aux règles formulées par le protocole d'Aix-la-Chapelle en date du 15 novembre 1848.

En concluant, le soussigné croit devoir appuyer sur une dernière considération. Vouloir ouvrir des délibérations pacifiques en présence du cliquetis des armes et de préparatifs guerriers serait non-seulement matériellement dange reux, mais encore moralement impossible. Il est donc indispensable, de l'avis du cabinet impérial, avis qui sans nul doute sera partagé par les autres puissances, que préalablement à toute conférence la Sardaigne désarme.

Vienne, 23 mars 1859.

Signé: Buol.

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28 mars 1859.

Explications échangées au sein de la Chambre des lords au sujet de
la prochaine réunion du congrès.

Chambre des Lords.

Séance du 28 mars.

LE COMTE DE CLARENDON.

Milords, j'ai prévenu mon noble ami que je me proposais de lui demander, si son devoir lui permet de me répondre, qu'il veuille bien donner à cette Chambre, et par l'organe de la Chambre au pays, quelques éclaircissements sur l'état actuel des affaires de l'Europe, et faire connaître quels résultats a produits la mission de lord Cowley à Vienne. Je n'ai rien inscrit sur l'ordre du jour quant à mes intentions, parce que je ne voulais imposer à mon noble ami aucune limite sur ce grave sujet. Il n'a pas, j'en suis certain, besoin que je lui assure qu'en cherchant des informations je ne suis point mû par des raisons de pure curiosité, et que je ne désire nullement qu'il communique quoi que ce soit qui puisse nuire à la cause de la paix qui nous est si chère à tous. Mais mon noble ami sait bien qu'il existe là-dessus, en Angleterre, une vive inquiétude qui, je puis le dire, s'accroît considérablement par les bruits contradictoires que nous entendons de temps en temps. Mon noble ami n'ignore pas

que dans l'espace des trois derniers mois il a été subi d'énormes pertes, que les opérations dans les affaires ont été interrompues, que la confiance a été entièrement détruite, et qu'il est des gens qui préféreraient presque la certitude de ce qu'il y a de pis à l'état actuel d'incertitude. Dans le commerce, on ne peut rien entreprendre, parce qu'on n'est point assuré que la paix sera maintenue, et pourtant personne ne saurait croire à la possibilité d'une guerre sans une cause suffisante. Il serait puéril de supposer que la guerre n'a pas été sérieusement en question, et plus ridicule encore d'imaginer que la guerre, une fois commencée, se restreindrait à quelque pays en particulier, ou se renfermerait dans des limites précises, ou bien que les nations voisines resteraient spectatrices indifférentes et passives des événements. Contre une semblable guerre, je devrais plutôt dire contre un pareil bouleversement général et non provoqué, l'opinion publique de l'Europe s'est prononcée avec une unanimité dont il n'y a aucun exemple, et j'espère qu'elle ne se sera pas manifestée en vain.

« Comme puissance neutre, ayant une politique éminemment pacifique, étroitement unie avec la France et l'Autriche par une franche et cordiale alliance, et désirant sincèrement que tous les remèdes possibles soient appliqués aux maux divers qui peuvent exister, l'Angleterre est en position de rendre, dans cette crise, un important service à toutes les parties, et je suis tout disposé à croire que le gouvernement de Sa Majesté a, dans l'intérêt de la paix, profité des occasions favorables qui se sont offertes à lui. Je suis porté à bien inaugurer de la mission de lord Cowley à Vienne, parce que le gouvernement de Sa Majesté, j'en suis sûr, n'aurait pas voulu l'en charger et que mon noble ami l'eût refusée, s'il n'avait pas eu quelque espérance raisonnable de succès. Je suis certain que tout ce que peuvent faire le tact, le talent et la sagacité, lord Cowley est capable de l'accomplir. Je ne prétends pas être mieux informé qu'aucun de vous, milords; mais, comme d'autres, je lis les journaux anglais, et j'en ai recueilli tout ce que j'ai pu apprendre à cet égard. De tous les points du monde où les événements intéressants transpirent, où il se fait des affaires, des hommes habiles et intelligents correspondent avec les journaux anglais; ils recueillent les nouvelles avec un zèle infatigable, ils montrent une grande habileté à se procurer des faits, et ils les rapportent avec une remarquable exactitude. J'apprends par eux que lorsque lord Cowley est allé à Vienne, il n'était point muni de pleins-pouvoirs, qu'il n'avait aucune mission, et qu'à Vienne, comme à Paris, sa tâche était de reconnaître quels étaient les différends qui existaient entre la France et l'Autriche, et de s'efforcer de les arranger, autant qu'il était possible. Si c'est avec raison que je fais cette conjecture, je suis prêt à admettre que les instructions données à lord Cowley étaient judicieuses, et que le gouvernement de Sa Majesté a fait sagement en ne hasardant pas des propositions distinctes, et en ne prenant pas une position où il lui serait impossible d'être utile à aucune des deux parties.

« Mais je parle des instructions de lord Cowley d'autant plus volontiers que le noble lord se rappellera que le public ne sait rien ni de ces instructions ni de cette mission, si ce n'est qu'on a appris par la réponse du chancelier de l'Échiquier à lord Palmerston, il y a quelques semaines, que lord Cowley était en route pour Vienne. J'espère que mon noble ami se trouve maintenant dans une position où il n'est plus nécessaire de garder cette réserve. Je sais que la nature amicale de la mission de lord Cowley a été parfaitement appréciée à Vienne, l'on croit qu'il rapporte de Vienne des assurances de paix. L'empereur d'Autriche a, je pense, exprimé un vif et sincère désir de s'entendre à l'amiable

et

avec la France sur tous les points en litige entre eux; il s'est montré disposé à retirer l'armée autrichienne des États du pape en même temps que l'armée française les quitterait, et à ne pas les y renvoyer. Il a déclaré qu'il n'avait pas et n'avait jamais eu l'intention d'envahir le Piémont, et qu'il était prêt, de concert non-seulement avec la France, mais encore avec les puissances européennes en général, à faire à Rome des représentations tendant à améliorer le gouvernement des États romains. Eh bien! si lord Cowley a pu obtenir ces concessions, il importe, ce me semble, que mon noble ami confirme les faits, car il est de toute impossibilité qu'à Paris il n'ait pas été répondu dans un même esprit à ces assurances amicales.

« La raison, l'humanité de l'Empereur des Français, sa déférence pour l'opinion hautement manifestée et les vœux unanimes de la nation française, ne permettent point une autre interprétation. Si l'Autriche a donné son adhésion à la conférence, et qu'elle soit disposée à faire des concessions à l'opinion publique de l'Europe, l'autorité que lui donne sa position actuelle, ses immenses préparatifs de guerre, et l'appui qu'elle trouve, ainsi qu'il lui est permis de s'en flatter, dans l'esprit public de l'Allemagne, lui permettent de le faire sans que son honneur et sa dignité en souffrent le moins du monde. Je crois donc que la paix du monde ne sera pas troublée, parce qu'il ne subsistera pas le plus léger prétexte pour qu'elle le soit. Je n'en dirai pas davantage en ce moment, et je m'abstiens à dessein de traiter les questions qui pourront être évoquées devant le congrès. J'évite de parler de la cessation des préparatifs de guerre et de la possibilité des désarmements, mesures qui doivent précéder les négociations. Je ne veux même adresser à mon noble ami aucune question catégorique, parce que je ne doute pas qu'avec le désir de calmer l'inquiétude qui règne, il ne donne au pays les informations que lui permettront d'offrir les devoirs de sa position officielle.

LE COMTE DE MALMESBURY.

<< Milords, j'ai à remercier mon noble ami de la discrétion qu'il a montrée dans le discours qne nous venons d'entendre, et de la manière dont il a demandé les éclaircissements que Vos Seigneuries souhaitent naturellement d'obtenir et que je suis parfaitement disposé à donner, autant que je puis le faire, sans empiéter sur des questions qu'il vaut mieux éviter quant à présent, ou qui ne sont peut-être pas mûres pour la discussion. Vos Seigneuries se rappelleront qu'à la fin du mois dernier lord Cowley se rendit à Vienne. Avant son départ de Paris, il obtint la complète adhésion du gouvernement français à sa mission et son entière approbation. Il partit de Paris avec une parfaite connaissance des idées et des vues de ce gouvernement sur la question italienne et les complications qui en ont surgi. Il vint à Londres; mais il ne reçut du gouvernement de Sa Majesté aucune instruction ayant un caractère officiel. Il alla ensuite savoir du gouvernement autrichien si, dans les négociations, il n'y avait peut-être pas quelques points qu'il envisageait de la même manière que le gouvernement français, et comment il pourrait, par les bons offices de l'Angleterre, concourir à rétablir entre la France et l'Autriche les relations qui, malheureusement alors, étaient compromises. Il se rendit à Vienne, et là il déploya tout ce tact, toute cette sagacité dont mon noble ami lui a si justement fait honneur, et dont il a constamment fait preuve dans tous les postes où il a servi le pays. Il reçut du gouvernement autrichien l'accueil le plus franc et le plus cordial, et cette cordialité a présidé à toutes les communications que le comte Buol a eues avec lui.

<< Lord Cowley sut alors qu'il y avait des points sur lesquels, par le concours de l'Angleterre, les deux cours pouvaient s'entendre; mais, sur d'autres points, le comte Buol déclara franchement dans ses communications qu'il était disposé à conférer avec le gouvernement de Sa Majesté et celui de la France, afin de conjurer les dangers d'une guerre italienne et de rendre la paix à l'Europe. Après avoir accompli ce que je regarde comme une mission utile et de nature à faire concevoir des espérances, lord Cowley revint à Paris.

« A son arrivée dans cette capitale, le 16 de ce mois, il trouva que la France et le gouvernement russe étaient entrés en communication sur ce sujet, et qu'avec l'approbation de la France, la Russie se proposait de recommander que les cinq grandes puissances de l'Europe tinssent un congrès pour arranger cette question. Le 18 de ce mois, le gouvernement de Sa Majesté a reçu un avis non officiel annonçant que telle était l'intention du gouvernement russe, et nous avons répondu le jour suivant, par une communication adressée à notre représentant à Saint-Pétersbourg, que nous voulions bien, si l'offre était faite, l'accepter à certaines conditions. Ces conditions ont été communiquées au gouvernement russe avant qu'aucune proposition officielle eût été transmise de sa part. Le 23 de ce mois, le baron Brunow vint chez moi et m'annonça officiellement, non-seulement la proposition à nous faite par le gouvernement russe comme à l'une des cinq grandes puissances, mais encore l'acceptation par le gouvernement russe des conditions qu'avait offertes le gouvernement de Sa Majesté.

<< Depuis lors, chacune des cinq grandes puissances a donné son adhésion au congrès; mais si elles sont entièrement d'accord sur ce fait, à savoir qu'il doit y avoir un congrès pour discuter les affaires d'Italie et opérer la solution des graves complications actuelles, elles ne se sont point encore accordées sur les détails de la question à discuter sur la composition du congrès, quoique, à l'heure qu'il est, je ne doute point qu'on ne vienne bientôt à un parfait accord sur ce sujet. Je n'hésite pas à dire que, considérant que les questions qui vont être discutées dans ce congrès se lient intimement au bonheur politique et social du peuple italien, le gouvernement de Sa Majesté est d'avis que tous les Etats de l'Italie aient l'occasion d'exprimer, d'une manière ou d'une autre, leur opinion sur le sujet qui y sera discuté. Notre but sera naturellement, non pas d'imposer des conditions aux Etats italiens à l'égard des réformes ou de tout autre point, mais de leur recommander ce qui, selon nous, est de leur propre intérêt et importe à la sûreté de l'Europe. Ce sera pour Vos Seigneuries un sujet de satisfaction que de savoir que l'Autriche et le Piémont ont formellement déclaré qu'ils ne s'attaqueront point l'un et l'autre et qu'ils s'abstiendront de toute hostilité, quoique le désarmement, que je voudrais de tout mon cœur voir s'opérer à l'instant comme une mesure préliminaire à l'ouverture du congrès, n'ait point encore été décidé. Si donc il ne survient aucun incident fàcheux et presque impossible, il nous est permis d'espérer que la paix ne sera pas troublée, et que le congrès, qui aura probablement lieu à la fin du mois prochain, aura les résultats que désirent Vos Seigneuries et toute l'Europe.

(Morning-Herald, du 29 mars.)

31 mars 1859.

Note adressée, le 31 mars 1859, par le comte de Buol à lord Loftus, ambassadeur d'Angleterre à Vienne, au sujet du programme arrêté par le cabinet de Londres pour les délibérations du congrès.

Le soussigné s'empresse d'accuser réception de la Note que lord A. Loftus lui a fait l'honneur de lui adresser en date du 28 de ce mois, et qui contient les conditions auxquelles le gouvernement de Sa Majesté britannique est prêt à accepter la proposition d'un congrès des grandes puissances qui prendrait en considération les complications qui ont surgi en Italie.

Le gouvernement britannique ayant en outre exprimé le désir de voir le gouvernement impérial acquiescer à ces propositions, le soussigné a pris sur ce point les ordres de l'empereur, son auguste maître.

Il se trouve aujourd'hui autorisé à informer lord A. Loftus que le gouvernement impérial, appréciant hautement les motifs qui guident le cabinet anglais et les sentiments de franche amitié qui l'animent à l'égard de l'Autriche, accepte dans la mesure indiquée dans l'annexe ci-incluse les bases de discussions proposées par la Note de S. S.

Un cinquième point de délibération qu'il a jugé à propos d'ajouter, celui d'une entente sur un désarmement simultané des grandes puissances, sera sans aucun doute accepté par toutes les puissances comme une nouvelle preuve des intentions pacifiques de l'Autriche.

Il résulte aussi d'une Note de lord A. Loftus que si le gouvernement impérial accepte aux conditions ci-dessus mentionnées la proposition d'un congrès, le gouvernement britannique invitera celui de la France d'une manière pressante à insister avec lui pour que la Sardaigne désarme immédiatement, et à lui donner une garantie collective de l'accomplissement de l'engagement pris envers lui. Cette démarche, que le cabinet britannique propose de faire, de concert avec le gouvernement français, est d'autant plus conforme aux intérêts généraux, qu'il serait moralement impossible, ainsi que le gouvernement impérial l'a démontré par sa Note adressée à M. de Balabine, en date du 23, de se livrer à des délibérations pacifiques au milieu du bruit des armes.

Le soussigné doit d'autant plus ardemment désirer que ces efforts produisent un résultat plein et entier, que l'Autriche ne pourrait se présenter au congrès tant que la Sardaigne n'aura pas complété son désarmement et n'aura pas procédé au licenciement de ses corps francs. Une fois ces conditions remplies et exécutées, le gouvernement impérial se déclare prêt à donner l'assurance la plus formelle que l'Autriche n'attaquera pas la Sardaigne pendant les délibérations du congrès, tant que cette dernière respectera le territoire impérial et celui de ses alliés.

En priant lord A. Loftus de porter le contenu de cette Note à la connaissance de son gouvernement, le soussigné, etc.

Voici la pièce dont il est question dans le document précédent :

Propositions anglaises.

I. Moyens d'assurer le maintien de la paix entre l'Autriche et la Sardaigne.

Observations du cabinet de Vienne. Le congrès examinera les moyens de ramener la Sardaigne à l'accomplissement de ses obligations internationales,

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