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tomber en telles appréhensions de la perte des biens. par le moyen de cesdites plantes de tabac.

Il y a trois ans que de semblables esmotions populaires arrivèrent pour le mesme subjet en ladite ville, et encore bien plus furieuses que celles-cy; car arrivant dans la mesme saison que près d'un mois il ne cessa de pleuvoir incessamment jour et nuict, de telle sorte les biens de la terre furent presque perdus et noyez que par les torrens des eaux qui estoient sur icelles, cela anima pour la première fois les habitans de plus de trente villages circonvoisins de s'assembler, et firent un corps de plus de qua re à cinq mille personnes, qui par faute de tambours prenoient des chaudrons, et vindrent (sur de semblables et imaginaires pensées que les plantes de tabac avoient les propriétez d'arrester les nuées, et les faire descharger sur la face de la terre circonvoisine desdites plantes) avec de grandes furies se jetter dans les jardins et autre héritage des bourgeois de la ville de Metz, qui sont tant ès environs de la porte de Sainct-Thibaut que de celle appellée des Allemands, là où ils rompirent et dissipèrent tout par où ils rencontroient la moindre plante de tabac.

Ce que voyant ceux qui ont commandement dans ladite ville (mesme par ceux à qui appartenoient lesdits héritages), firent sortir deux compagnies et quelques soldats de la garnison de la citadelle avec les carabins et compagnie de gens d'arme de monseigneur le duc de La Vallette, gouverneur pour le Roy de ladite ville, citadelle et pais Messin, qui par la prudence accoustumée feit cesser par le bon ordre qu'il y apporta toutes les frivolles humeurs populaires; mais ce ne fut sans qu'il en demeurast sur la place de part et d'autre, et ceste rumeur populaire a apporté préjudice à des noII SERIE, T. III.

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tables marchands de ladite ville de plus 40,000 livres chacun, pour autant qu'ils avoient quantité de terres qui avec grands frais estoient pleines desdites plantes de tabac, desquelles ils espéroient de très grands profits par le moyen du trafic qu'ils ont tant avec les Allemands que Flamands et Hollandois, dont ils furent frustrez par le moyen de cesdites frivoles croyances et rumeurs populaires.

FIN DU TROISIÈME VOLUME DE LA 2 SÉRIE.

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