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5° Une seconde Assemblée, formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fonda mental et des libertés publiques.

Ce système, créé par le Premier Consul au commencement du siècle, a déjà donné à la France le repos et la prospérité; il les lui garantirait encore.

Telle est ma conviction profonde. Si vous la partagez, déclarez-le par vos suffrages. Si, au contraire, vous préférez un gouvernement sans force, monarchique ou républicain, emprunté à je ne sais quel passé ou à quel avenir chimérique, répondez négativement.

Ainsi donc, pour la première fois depuis 1804, vous voterez en connaissance de cause, en sachant bien pour qui et pour quoi.

Si je n'obtiens pas la majorité de vos suffrages, alors je provoquerai la réunion d'une nouvelle Assemblée, et je lui remettrai le mandat que j'ai reçu de vous.

Mais si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c'est-à-dire la France régénérée par la Révolution de 89 et organisée par l'Empereur, est toujours la vôtre, proclamezle en consacrant les pouvoirs que je vous demande.

Alors, la France et l'Europe seront préservées de l'anarchie, les obstacles s'aplaniront, les rivalités auront disparu, car tous respecteront, dans l'arrêt du peuple, le décret de la Providence.

Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTÉ.

XXIV.

Quoi de plus simple, de plus naturel, de plus universellement désiré qu'un pouvoir un peu durable, afin qu'il ait le temps de rasseoir la société, ébranlée par tant et de si profondes secousses ?

Quoi de plus stérile, de plus irritant, de plus révolutionnaire en soi que ce régime parlementaire, sous lequel les assemblées délibérantes entravaient toutes les affaires, agitaient sans cesse les passions des partis, entraient perpétuellement en lutte avec le gouvernement, le déconsidéraient et l'affaiblissaient dans l'opinion publique?

Qui n'applaudira au contraire à des assemblées calmes, laborieuses, contrôlant, éclairant, aidant le chef de l'Etat, au lieu de le miner et de le combattre? Et qui ne sent que le suffrage universel, exercé à la commune, entre gens qui se connaissent et qui s'estiment, loin de l'influence des comités directeurs, arrachera la France des mains des vieux partis, et enverra aux assemblées des hommes dévoués aux intérêts publics, et non aux brigues, aux coteries, et aux conspirations?

Les grandes mesures prises par le Président, la loyauté avec laquelle il faisait, sous la protection de l'armée, un appel. au bon sens, au patriotisme, à la volonté libre de tous les citoyens, devaient donc frapper et frappèrent en effet tout le monde d'étonnement et d'admiration.

Une seule de ces mesures fut mal comprise.

Se reportant à l'exemple donné par d'autres grandes époques de notre histoire politique, le Président avait d'abord voulu que tous les citoyens votassent à l'aide dé registres déposés dans les mairies, en inscrivant leur nom à côté de leur suffrage, affirmatif ou négatif. C'était un hommage rendu à la fierté et au courage des Français.

Informé des racines profondes que le scrutin secret avait poussées dans nos mœurs politiques, et du vœu général qui était fait pour son maintien, le Président n'a pas hésité un seul instant à le maintenir, voulant, avant tout, que l'opinion de chacun fût complétement et absolument libreb

TXV.

Il eût été insensé d'espérer que les vieux partis politiques et le socialisme se laisseraient désarmer sans combattre.

Dès dix heures du matin, le gouvernement était informé, d'un côté, que les membres de la coalition parlementaire cherchaient à se réunir, de l'autre, que les chefs des sociétés secrètes se mettaient en permanence.

Le plus déplorable aveuglement donnait ainsi pour auxiliaires au terrorisme et au socialisme, qui? des légitimistes, des orléanistes, des républicains modérés; et le Président avait à défendre à la fois la société, contre les faubourgs, qu'on tentait d'insurger, et contre de grands propriétaires, d'anciens ministres, des hommes considérables, qui mettaient l'élu de six millions d'hommes hors la loi.

Heureusement, il y a des folies qui cessent d'être dangereuses par leur immensité même; et le gouvernement ne redoutait ni les socialistes, qu'il savait condamnés par tous les ouvriers intelligents et honnêtes; ni les parlementaires, qu'il savait désunis, impuissants, sans doctrine et sans but commun. D'ailleurs les soldats étaient là, calmes, résolus, admirablement commandés, et les douze brigades réunies alors à Paris auraient eu raison d'ennemis dix fois plus nombreux et plus redoutables.

XXVI.

A 10 heures du matin eut lieu, rue des Petits-Augustins, n° 1, une réunion de députés montagnards, sous la présidence de M. Crémieux. L'autorité informée fit immédiatement partir des forces; la réunion fut cernée et les députés enlevés.

A la même heure se préparait, à la mairie du 10° arrondissement, la réunion des députés de l'ancienne coalition, qui n'eut lieu que de midi à une heure. Nous avons déjà dit que l'organisation du gouvernement nouveau, saisie dans les papiers de M. Baze, a fait connaître que l'Assemblée fondait de grandes espérances sur le concours de la 10° légion. Dès dix heures du matin, les gardes nationaux furent en effet convoqués à domicile, ainsi que les députés.

Environ deux cents députés, appartenant pour la plupart au parti légitimiste et au parti orléaniste, se réunirent à la mairie, y prononcèrent force discours, et y votèrent, au nom d'une Assemblée dont ils ne formaient pas le tiers, la déchéance du Président. Les prétentions à la réquisition directe des troupes furent naturellement maintenues; M. le général Oudinot fut nommé au commandement de l'armée parlementaire, et M. de Lauriston au commandement de la garde nationale. M. Tamisier, député montagnard, fut le chef d'étatmajor donné à M. le général Oudinot.

Les harangues n'avaient pas manqué, comme bien on le pense, à la mairie du 10° arrondissement; harangues au dedans, harangues au dehors, harangues aux fenêtres, harangues dans la cour, harangues sur des tables, harangues sur des chaises. Les gardes nationaux accourus n'étaient pas fort nombreux, mais la masse du public était considérable. Il se montrait fort curieux, mais médiocrement passionné.

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Informé de cette réunion, M. de Morny ordonna de la dissoudre, et de l'enlever, en cas de résistance.

Un premier détachement de chasseurs à pied, envoyé par

le général Forey, quatre commissaires de police et de nombreux agents, commencèrent à changer la face des choses. Les chasseurs firent retirer les représentants qui haranguaient, et firent fermer les fenêtres. Les commissaires pénétrèrent dans la réunion. Le président affecta de les recevoir, comme s'ils venaient prendre ses ordres. Les commissaires répondirent immédiatement qu'ils venaient, non pour se mettre aux ordres des ex-représentants, mais pour les arrêter, s'ils refusaient de se disperser à l'instant même.

L'engorgement des rues qui environnent la mairie du 10° arrondissement, et le nombre considérable de personnes à arrêter avaient nécessité de nouvelles forces; le général Forey conduisit lui-même les renforts, et les représentants ayant déclaré qu'ils ne céderaient qu'à la force, un commissaire de police saisit M. Benoit d'Azy, et l'entraîna. Toute résistance cessa à l'instant même; les représentants furent placés au centre de quatre files profondes de soldats, et conduits sans obstacle à la caserne du quai d'Orsay.

Quelques tentatives du général Oudinot, pour détourner les soldats de l'accomplissement de leurs devoirs, ne soulevèrent dans les rangs que des murmures. Reconnaissant un sergent qui avait assisté au siége de Rome, il lui dit : « Comment, c'est toi, Martin, qui me conduis en prison? - Pardon. général, répondit le sergent, mais je n'ai pas assez de pouvoir pour vous relever de cette punition-là. »

XXVII.

Les représentants arrêtés dans la journée s'élevaient à deux cent dix-sept. Ils furent, à l'entrée de la nuit, transférés à la prison Mazas, au Mont-Valérien et à Vincennes.

Pendant que s'accomplissait cette importante opération de la mairie du 10 arrondissement, M. l'archevêque de Paris était prié, avec déférence, de permettre que des agents armés fussent placés dans les tours ou clochers de toutes les églises de Paris, pour empêcher les rouges d'exécuter leur projet de faire sonner le tocsin.

Enfin, à la même heure encore, la haute Cour de justice s'était spontanément réunie au Palais. Elle avait déjà rédigé l'arrêt en vertu duquel elle se déclarait saisie de la connaissance des événements, lorsque deux commissaires, appuyés

d'un bataillon de garde municipale, entrèrent dans la salle, et exhibèrent l'ordre d'arrêter les membres de la Cour, si elle ne se séparait immédiatement. Aucune résistance ne fut opposée; la Cour se leva et se sépara à l'instant même, sans emporter les papiers placés devant le président, parmi lesquels le plus important était l'arrêt déjà rédigé, mais sans signature.

Ici, finissent toutes les tentatives de résistance de la journée, tentatives partielles, sans résolution, sans écho, fondées sur l'absence complète et évidente de tout danger sérieux pour leurs auteurs; car, le 24 février, les deux Assemblées législatives, le conseil d'Etat, la cour des Comptes s'étaient laissé dissoudre sans résistance; les orateurs politiques, qui avaient de belles occasions de faire des harangues, n'en avaient prononcé aucune; pas une seule légion de la garde nationale ne s'était réunie pour protester. Et cependant, le 24 février, il ne s'agissait pas d'un appel loyal fait au pays, sous la protection de l'armée et de l'administration tout entière; le 24 février, tout s'écroulait, gouvernement, lois, finances, sécurité publique et privée; et tous les foudres d'éloquence et de guerre qui venaient de s'insurger, devant Louis - Napoléon Bonaparte maintenant l'ordre et sauvant la société, s'étaient tus et s'étaient enfuis, devant la démagogie s'imposant à la France et menaçant l'Europe.

XXVIII.

L'armée de Paris était de nature à écarter toute crainte; son effectif, sa bravoure, sa discipline, son dévouement à l'ordre, ne permettaient pas de douter que la France ne pût, sous son égide, librement disposer de ses destinées, sans craindre ni les coteries des partis rivaux, ni la tyrannie brutale des socialistes et des démagogues.

Cette armée comprend onze brigades, savoir :

La brigade de Cotte;

La brigade de Bourgon ;

La brigade Canrobert;

La brigade Dulac ;

La brigade de cavalerie Reybell;

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