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CHAPITRE X X V I I.

Veftiges du Magnétisme chez les divers Peuples.

ES

Les idées naiffent, s'oublient & fe renouvellent; les erreurs & les vérités fe fuccèdent & reparoiffent tour à tour. Jamais une fcience, de quelque utilité qu'elle foit, n'a été inaltérable; jamais fa clarté n'a pu échapper au voile dont les fiècles l'ont obfcurcie. Toutes, créées peu à peu, se font perdues, & ont été retrouvées enfuite. Les connoiffances humaines tournent au tour de la vérité, comme la terre autour de l'aftre qui l'éclaire; & l'ignorance règne après les lumières, comme les ténèbres après le jour. Ainfi, plufieurs peuples qui peuvent avoir connu la théorie du magnétisme, n'en ont confervé que quelques procédés, & les ont employés même fans en connoître le pouvoir.

Manéthon, cité par Plutarque, nous apprend que les Egyptiens croyoient que les os d'Horus, c'est-à-dire, de la terre cultivée, étoient d'aimant, & que ceux de Typhon

RUFIN,

Lib.

.

étoient de fer; ce qui annonceroit qu'ils pouvoient avoir reconnu dans les particules magnétiques, le principe de la fertilité. On fait qu'ils connoiffoient la faculté at6, Cap. 22. tractive de l'aimant, & qu'ils avoient fufpendu par fon moyen des ftatues du Soleil & de Sérapis. Dans un temps plus moderne, Profper Alpin, qui voyagca long-temps en Egypte, & qui en rapporta un traité cftimé fur les plantes de ce pays fertile, dit que les femmes y guériffoient les maux par de certains fignes, & fur-tout la dyffenterie, par l'application de la main fur le nombril des malades. Elles croyoient s'empêcher de maigrir elles-mêmes, en employant de douces frictions.

De Plant. Egypt.

Les Babyloniens avoient placé dans le célèbre temple de Bélus à Babylone, la ftatue du foleil, qui, foutenue en l'air par deux pierres d'aimant, paroiffoit fans aucun HEROD. in fupport. Ils n'avoient point de Médecins,

Clio, &c.

Lib. 3, 16.

& ils ne connoiffoient d'autre régime que de porter les malades au milieu des places publiques, pour les foumettre à l'action de l'air, & de leur tourner le vifage au nord. Strabon rapporte la même chofe des anciens Lufitaniens, peuple qui habitoit

les bords de la mer, & les côtes du Portugal.

La pierre d'aimant étoit connue des

Hébreux fous le nom de Schabol : ils s'en ABARBANEL, THOfervoient dans leurs remèdes; & ils la trou- rah. voient dans les contrées occupées par les tribus de Gad, d'Afer, & d'Ifachar.

L'Inde, créatrice de nos inftitutions & de nos arts, qui a vu toutes les nations. tributaires de fes opinions & de fes idées, paroît le berceau de ces mystères favans & facrés, imités à Memphis, à Héliopolis, à Eleufis, & dans l'ifle de Samothrace. On ne pouvoit y admettre que les hommes célèbres par leurs lumières, les Médecins renommés, les Mucifiens & les Poëtes fameux, doués, pour l'ordinaire, d'une fenfibilité extrême. La Franc-Maçonnerie moderne a confervé de ces myftères, & le fecret, & les épreuves, & quelques-uns des fignes mêmes. Ne feroit-ce point un veftige des anciennes connoiffances magnétiques, qui, dans un certain grade, fait promener le pouce ou l'index fur les tempes, & fur la poitrine des initiés, qui établit une chaîne entr'eux, en fe tenant par la main, & en preffant le pouce à diverfes reprises entre

le pouce & l'index de fes voifins? La chofe s'eft perdue; les fignes font reftés. Cette pierre, que Zoroastre employoit pour la guérifon des Indiens, & dont la tradition conferve encore les prodiges, peut-elle être autre chofe que l'aimant? Maintenant, LECOMTE. les Chinois l'adorent encore, & lui offrent, comme aux Dieux, des facrifices & des V.RAYNAL, parfums. Dans les Indes de nos jours, le deux Ind. plus grand plaifir des hommes riches &

Hift. des

voluptueux, c'eft de fe faire preffer, & pétrir, pour ainfi dire, par des hommes doués d'une grande dextérité, & habitués à cet exercice. Il facilite la circulation des fluides, toujours prêts à s'épaiffir, dans un climat brûlant; & les courans magnétiques qui s'établiffent fous des mains agiles, procurent une douce volupté, une langueur agréable, & des effets utiles. C'eft par le contact du fluide magnétique, dirigé par la main, que la plupart des Médecins Japonois & Chinois, tels que les Disciples de DURALDE. Lao-Kium à Kiangri, guériffent la plupart des maux.

TIRAQUEL. Nobil. 31.

Chez les Grecs, qui paroiffent avoir emprunté des Indiens un grand nombre de leurs inftitutions, Hypocrate ne touchoit

pas le pouls aux malades: il avoit confervé l'ancien ufage des Médecins des temps héroïques, d'appliquer fa main au creux de l'eftomac, aux côtés ou aux tempes de ceux dont ils vouloient connoître les infirmités & les maladies internes.

Les Pfylles, qui habitoient la Cyrénaïque, contrée de l'Afrique, marchoient fans crainte au milieu des ferpens & des reptiles les plus dangereux. On voyoit, dit Pline, Lib.7, C. 2. >> ces ennemis de l'homme tomber à leur » vue dans un affoupiffement profond. Les

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Pfylles guériffoient leurs morfures par >> des attouchemens particuliers ».

Les Marfes, qui occupoient en Italie le pays appelé encore aujourd'hui le duché di Marfo, avoient, fuivant les Historiens anciens, le même fecret, le même pou

voir.

Tavernier rapporte que les Tartares Circaffiens, pour recouvrer la fanté, appellent des femmes qui chaffent, par des fignes, le malin efprit ou le mal, & le font fortir par les pores.

Les Tay-bou-to-ni, Médecins du Tunquin, ainfi que ceux trouvés dans l'Acadie, nommés Autmoins, raffemblent leurs ma

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