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VII

Ange Politien.

Ange Politien a été un des plus beaux efprits d'Italie. Il s'appelloit Angelo •Basso.Il avoit été précepteur de Leon X. & avoit eu pour précepteur Andronic de Theffalonique. Dans ce fiecle heureux la nature fembla faire un effort pour le rétabliffement des Lettres, en donnant la naiffance à tant de grands hommes, qui concoururent à diffiper les nuages épais de cette profonde barbarie, qui couvroit l'Europe depuis tant de fiecles. L'Italie profita de l'invafion de la Gréce, occupée par les Turcs. Les plus Savans de ces contrées fe refugiérent en Italie. La Maifon de Medicis reconnut leur méri te, & les protégea; & ils eurent pour difciples les plus excellens genies d'Italie, qui furpafférent en nombre & en élévation tout ce qui eft venu depuis. Le Pape Leon X. y auroit tenu fon rang, quand il feroit demeuré dans une condi. tion privée. Il favorifa les Lettres de tout fon pouvoir, & fa Cour étoit une Academie. Pour revenir à Politien, il fe

fignala principalement dans les belles

Lettres. Son ftile en profe & en vers, eft plein d'élégance & d'agrément. Je ne fçais comment on a oublié dans le Re. cueil de fes Poëfies, une Ode qu'il fit pour honorer la nouvelle édition d'Horace, que publia fon ami Landin. Cette Ode eft un chef-d'œuvre, & j'ofe l'égaler aux plus belles d'Horace. Le tour, le nombre, les ornemens, l'élégance, tout cela eft digne de la plus noble antiquité. Cet heureux genie étoit logé dans un très-vilain corps. Il étoit louche, il avoit un nez démesurément grand, & Paul Jove s'eft plaifamment & heureusement exprimé quand il a dit qu'il étoit, facie nequaquam ingenua & liberali, ab enormi præfertim nafo, sui blufcoque oculo perabfurda. Je ne dis rien de fes mœurs, & de fa religion. II a eu fur cela une réputation fort équivoque, & ce défaut qui eft capital, a obfcurci toutes les autres vertus ; d'au tant plus que fon caractére de Prêtre, & fon emploi de Chanoine, requeroient une vie reglée, & des mœurs exemplai

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VIII.

Savans du xv. fiécle, & du commence➡ ment du xvI. préférables à ceux

de notre tems.

Ce grand nombre de Savans qui fleu rirent vers la fin du quinziéme fiecle & au commencement du feizième, me paroiffent bien plus eftimables que ceux de notre tems. Nous avons tant de fecours pour devenir favans, & nous fommes dans une fi grande fumiere des Lettres, qu'il femble qu'il ne faille que vou foir être favans pour y réuffir. Tant de Grammaires, tant de Dictionnaires,tant d'Indices,tant d'Abrégez, tant d'ouvrages méthodiques dans toutes les fciences, qui fe font infiniment multipliez à la faveur de l'Imprimerie, font autant de chemins abregez & applanis pour parvenir

promtement au fommet de la vraie érudition. Mais dans ces premiers tems d'obfcurité & de ténébres, ces grandesames n'étoient aidées que de la force de feur efprit, & de l'affiduité de leur tra vail. Les livres n'étoient que manuf crits, & par confequent rares, chers, & en petit nombre. On trouvoit peu de

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perfonnes de qui on pût prendre confeil, moins encore que l'on pût imiter. Il falloit trouver tous fes befoins dans fon propre fonds, & n'attendre rien du dehors. Je trouve enfin la même diffé.. rence entre un Savant d'alors, & un Savant d'aujourd'hui, qu'entre Criftofle Colomb découvrant le nouveau monde, & le maître d'un Paquebot, qui paffe journellement de Calais à Douvre,

I X.

François de Beaucaire de Puiguillon,
Evêque de Mets.

J'ai lû depuis peu l'Hiftoire de Fran çois de Beaucaire de Puiguillon, Evê, que de Mets. Cet homme n'a pas prís beaucoup de foin à cacher fa paffion & fa partialité. Il étoit né vaffal & domeftique du Conneftable de Bourbon, & il avoit reçû avec la naiffance une eftime fi aveugle pour ce Prince, qu'il l'a portée jufqu'à excufer fa défection fcélérate, que le Chevalier Bayard lui re procha fi noblement & fi courageufe ment en mourant. Il décrie au contraire avec importunité & avec acharnement la conduite de François I.Il blâme

avec une médifance noire celle de Louïfe de Savoye mere du Roi. Quels traits perçans ne lâche-t-il point contre le Chancelier du Prat? Il s'attacha enfuite aux Princes de la Maifon de Guife,& cet attachement a attiré de fa part au Connestable de Montmorency de fi fanglans & de fi continuels reproches, qu'il ne le nomme jamais qu'avec l'accompagnement de quelque atroce calomnie. Pouvoit-il noircir avec une plus grande indignité la mémoire du Pape Jule III. Au furplus, fi vous purgez cette hiftoire de fa malignité, vous n'y trouverez rien de fort fin. Le ftile en eft ennuyeux,diffus, obfcur, & embarrassé. L'ouvrage plein d'ignorances puériles. Comme quand il fait venir le mot d'Amiral, du mot grec des qui fignifie Salé,à caufe que l'eau de la mer, dont l'Amiral a le gouvernement, eft falée. Comme quand il prétend que le pays de Forez eft ainfi nommé, à caufe de la quantité de forêts qui s'y trouvent. Comme quand il dérive le mot de Boulevard, ἀπὸ τῶν βελῶν, des traits qu'on lance du Boulevard. Comme quand il s'imagine que le pays de Liege a pris fon nom des Legions Romaines qui y prenoient leurs

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