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s'était portée vers les Tuileries. Les cours, les quais en étaient encombrés. Chacun attendait avec anxiété le premier coup de canon. Mais ce spectacle curieux n'avait pas seulement licu aux Tuileries et dans les quartiers avoisinants: à neuf heures et demic on voyait le peuple, dans les rues les plus éloignées du château, sur tous les points de Paris, s'arrèter, compter avec émotion les coups de canon. Le vingt-deuxième coup, qui proclamait la naissance d'un garçon, fut salué par des acclamations générales. Au silence de l'attente, qui avait suspendu comme par enchantement la marche de toutes les personnes répandues dans tous les quartiers de la ville, succéda un mouvement d'enthousiasme difficile à peindre. Dans ce vingt-deuxième coup de canon était toute une dynastie, tout un avenir. Les chapeaux volaient en l'air; on courait au-devant les uns des autres, on s'embrassait sans se connaître en criant Vice l'Empereur! De vieux soldats, versaient des larmes de joie, en pensant qu'ils avaient contribué de leurs sueurs et de leurs fatigues à préparer l'héritage du roi de Rome, et que leurs lauriers allaient ombrager le berceau d'une dynastic.

Napoléon, caché derrière un rideau, à une des croisées de l'Impératrice, jouissait du spectacle

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MÉDAILLE FRAPPÉE A L'OCCASION DE LA NAISSANCE DU
Gravure d'ANDRIEU. (Musée de la Monnaie.)

de la joie populaire et en paraissait profondé-
ment attendri. De grosses larmes roulaient dans
ses yeux; il vint dans cet état embrasser son fils.
Jamais la gloire ne lui avait fait verser une larme:
mais le bonheur d'ètre père avait amolli cette
âme que les plus éclatantes victoires et les témoi-
gnages les plus sincères de l'admiration publique
semblaient à peine effleurer. Et en effet, si Napo-
léon fut en droit de croire à sa fortune, ce fut
surtout le jour où une archiduchesse d'Autriche le

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ROI DE ROME.

rendit père d'un roi. lui qui avait commencé par être cadet d'une famille corse. Au bout de quelques heures, l'événement qu'attendaient avec une égale impatience la France et l'Europe était devenu la fête particulière de toutes les familles.

A dix heures et demie, Mme Blanchard partit en ballon de l'Ecole militaire, pour répandre là où elle devait passer la nouvelle de la naissance du roi de Rome.

Le télégraphe annonçait de toutes parts cet heureux événement, et à deux heures après midi on avait déjà reçu la réponse de Lyon, de Lille, de Bruxelles, d'Anvers, de Brest et de plusieurs autres grandes villes de l'empire. Cette réponse était, comme on pense, parfaitement d'accord avec les sentiments de la capitale.

Pour répondre à l'empressement de la foule qui se pressait continuellement aux portes du palais, afin d'avoir des nouvelles de l'Impératrice et de son auguste enfant, il avait été décidé qu'un des chambellans de service se tiendrait du matin jusqu'au soir dans le premier salon du grand appartement pour recevoir les personnes qui se présenteraient, et leur donner connaissance du bulletin que les médecins de Sa Majesté devaient remettre deux fois par jour. Au bout de quelques heures, des courriers extraordinaires étaient déjà sur toutes les routes, portant aux cours étrangères la nouvelle de l'accouchement de l'Impératrice; des pages de l'Empereur avaient été chargés de cette mission auprès du sénat d'Italie et des corps municipaux de Milan et de Rome. Des ordres furent donnés dans les villes de guerre et dans les ports pour qu'on y tirat les mêmes salves qu'à Paris et pour que les flottes fussent pavoisées. Une belle soirée favorisa les réjouissances particulières de la capitale. Les maisons avaient été spontanément illuminées. Ceux qui cherchent à deviner par les apparences extérieures quelle est la pensée d'un peuple dans des événements de ce

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genre remarquèrent que les derniers étages des maisons situées dans les faubourgs étaient aussi éclairés que les hôtels les plus somptueux et les plus belles maisons de la capitale. Les édifices publics qui, dans d'autres circonstances, se font remarquer, grâce à l'obscurité des maisons environnantes, l'étaient à peine, dans cette profusion de lumières que la reconnaissance publique avait allumées à toutes les fenêtres. Les bateliers donnèrent sur l'eau une fête impromptu qui dura une partie de la nuit et à laquelle une foule immense prit part du rivage, en témoignant la plus vive joie. Ce peuple, qui depuis trente ans avait passé par tant d'émotions et qui avait fêté tant de victoires, montrait un enthousiasme aussi vif que s'il se fût agi d'une première fète, ou d'un changement heureux dans sa destinée. Des vers furent chantés ou récités sur tous les théâtres, et il n'y eut forme poétique, depuis l'ode jusqu'à la fable, qui ne fût employée à célébrer l'événement du 20 mars 1811. Une somme de cent mille francs, prélevée sur les fonds particuliers de l'Empereur, fut répartie par M. Dequevauvilliers, secrétaire de la comptabilité de la Chambre, entre les auteurs des poésies. Enfin la mode, qui exploite les moindres événements, donna naissance aux étoffes appelées caca-roi-deRome, comme on avait dit sous l'ancien régime caca-Dauphin.

(Mémoires de CoNSTANT.)

Le baptême du Roi de Rome.

L

(9 juin.)

A cérémonie du baptême du roi de Rome et les fêtes dont elle a été accompagnée dans cette capitale ont été célébrées avec la pompe digne de leur objet; elles ont eu pour spectateurs la population de Paris tout entière, augmentée d'une foule prodigieuse d'étrangers de toutes les classes.

Leurs Majestés ont partout recueilli sur leur passage les plus éclatants témoignages de l'allégresse et de la reconnaissance publique. Aux cris de vive l'Empereur! vive l'Impératrice! se sont partout mêlés ceux de vive le roi de Rome! Sur le boulevard et dans les principales rues que le cortège devait parcourir, beaucoup de maisons particulières étaient ornées de festons, de draperies, de tapisseries.

Son Em. le cardinal Fesch, grand aumônier, accompagné de son clergé, est venu au-devant de Leurs Majestés à la porte de l'église métropolitaine, avec un dais pour l'Empereur et un dais pour l'Impératrice. Le chapitre et le clergé de la cathédrale sont restés dans le sanctuaire. Les personnes désignées pour porter les honneurs de l'enfant et ceux des parrain et marraine les ont reçus, à leur descente de voiture, des mains d'un

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