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Prusse enjoint à un régiment de milice d'entrer de vive force dans La Villette, que le comte de Woronzow menace un peu plus sur la gauche avec les 3 et 4 régiments de chasseurs russes. La division Curial ne pouvant résister à ces efforts combinés, est forcée d'abandonner les batteries qui défendaient la tête du village, et rejetée dans les rues ou derrière les flanqueurs qni se trouvaient entre les maisons et le canal.

Cependant le colonel Secrétant, quoique grièvement blessé, conservait une position en avant du hameau des Maisonnettes et moins de deux cents chasseurs vétérans défendaient à outrance le premier pont du canal, à droite du village.

Le duc de Trévise ayant chargé le général Christiani de reprendre La Villette, le chef d'État-Major Saint-Charles est détaché avec les cavaliers flanqueurs pour soutenir les chasseurs vétérans. Mais ils venaient d'être forcés d'abandonner le pont et de repasser le canal devant une colonne prussienne dont les tirailleurs, montés sur les digues, harcelaient leur retraite. Cette colonne, débouchant du pont, les grenadiers flanqueurs se précipitent sur elle et la rejettent de l'autre côté.

Rien ne résiste à leur élan, qui tient du désespoir; tout plie devant eux; pour un moment le pont est dégagé, et ils se portent même plus de cent pas en avant.

(Musée Carnavalet.)

Toutefois, leur faible nombre ne suffit point pour garder le terrain qu'ils venaient de conquérir, car tandis qu'ils poussent en tête une partie de la colonne, les Prussiens se forment et se massent derrière eux; bientôt ils sont forcés de s'arrêter et de faire face de toutes parts; on les enveloppe, on leur crie de se rendre : ils répondent en se frayant un passage sur les corps sanglants de leurs

ennemis.

Le gros de la division, élite des troupes réunies devant la capitale, ne combattait pas avec moins de valeur dans la grande rue de La Villette. Les soldats les plus vieux ne comptaient pas trente ans; mais, sortis victorieux de vingt batailles, la plupart citoyens de Paris par naissance ou par mariage, ils sentaient doubler leur courage, en combattant pour leurs foyers, sous les yeux de leurs parents et de leurs amis. D'abord ils arrêtent les colonnes qui s'avançaient dans la grande rue du village et leur reprennent quatre pièces de canon.

Ils allaient la nettoyer entièrement, malgré la mitraille qui pleuvait sur eux, lorsque la garde prussienne, après avoir forcé le pont du canal, se présente sur leurs derrières, vers le point où le village aboutit à Paris. Ce mouvement décida le duc de Trévise à les rappeler et à ordonner la retraite de ses troupes sur les barrières. Elle se fit en bon ordre, un bataillon tenant la grande

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rue et faisant feu de la chaussée; elle s'effectua de même dans La Chapelle, où la défense un peu moins vive fut aussi remarquable par la méthode et la fermeté. Les troupes stationnées entre La Villette et La Chapelle firent leur mouvement rétrograde par échiquier sous la protection de l'artillerie.

Cependant l'autorisation de capituler, envoyée du Château-Rouge par le roi Joseph, était parvenue aux deux maréchaux. M. de Quélen, aide de camp du général Compans, partit en parlementaire pour Bondy, afin de tenter une négociation auprès du czar et du roi de Prusse. Il fut favorablement accueilli.

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bientôt le comte de Paer, aide de camp de Schwarzemberg et le caritaine Peterson, délégué du commissaire anglais.

Marmont y vint à quatre heures, et il fut convenu verbalement qu'il y aurait un armistice pour laisser à l'armée française le temps d'évacuer Paris, que les troupes alliées entreraient à Paris à six heures du matin et ne pourraient recommencer les hostilités qu'après neuf heures. Des officiers, précédés de trompettes, parcoururent toutes les lignes et firent cesser le feu de part et d'autre.

Dans la nuit, Alexandre Ier et Frédéric-Guillaume III quittèrent le château de Bondy, gravirent la butte Chaumont, et comme étonnés de leur conquête, ils contemplèrent avec admiration la grande capitale que leur livraient la lassitude des uns, la défection des autres, et un de ces arrêts suprêmes qui, à un moment déterminé, semble marquer la fin des empires.

LA BEDOLLIÈRE, Le nouveau Paris.

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ENTRÉE DE LOUIS XVIII A PARIS PAR LA PORTE SAINT-DENIS (3 MAI 1814.)

D'après un tableau de l'époque. (Musée Carnavalet.)

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LE MARECHAL MONCEY A LA BARRIÈRE DE CLICHY (30 MARS 1814.)

D'après une gravure de l'époque. (Collection du prince Roland Bonaparte.)

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LA RENTRÉE DES BOURBONS A PARIS. - LE CORTEGE PASSE LE PONT-NEUF. D'après une gravure de l'epoque. (Musée Carnavalet.)

de la banlieue qui campaient le long des boutiques, au coin des bornes et sous l'auvent des portes cochères, avec leurs bestiaux, leur vaisselle et leurs outils de jardinage et de labour. Cette retraite n'avait pas eu licu sans un nouveau et singulier désastre: malgré les prières du maréchal Moncey et du commandant de la garde nationale, Tourton, les employés de l'octroi avaient exigé que ces malheureux payassent le droit d'entrée pour leurs vaches. Chacune de ces familles, dont la chaumière brûlait dans la plaine, gardait avec vigilance d'énormes pains noirs qui étaient toute leur fortune, qu'elles avaient cuits presque sous le canon, et qu'elles se partageaient avec une sombre économie aux regards des habitants de Paris.

On se racontait les choses les plus sinistres et les plus plaisantes: la gaieté française ne perd jamais ses droits. Les femmes épouvantées s'abordaient en disant Où avez-vous mis vos bijoux? Quelques-unes avaient enfoui des pendules, en oubliant, dans leur terreur panique, d'arrêter les aiguilles; l'heure sonnait tout à coup dans la cachette et, comme plusieurs horloges se trouvaient réunies dans un même trou, il résultait de leur musique effrayante que rien n'était moins caché. En dépit de la situation, les plus mauvais calembours circulaient avec faveur. On assurait que si Mâcon avait rendu les armes au 9 février, c'est que les assiégés ne possédaient que des pièces de vingt; on répétait même en souriant que les souverains entreraient par la barrière du Trône, que l'empereur Napoléon sortirait par la barrière d'Enfer, l'impératrice par celle des Vertus, les sénateurs par les Bonshommes, les conseillers d'État par Bicêtre, et le corps législatif par Pantin.

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Un bruit absurde ballotait encore cette multitude qui refluait des quartiers du midi vers les boulevards. Le grand-duc Constantin, murmurait-on, avait juré de chauffer ses troupes aux flammes de Paris.

Dès la veille au soir, le 30 mars, à la vue des obus que Blücher lançait de Montmartre, les maîtresses de pension avaient revêtu d'habits d'hommes leurs jeunes filles et emporté jusque dans le fond du Marais ces brebis déguisées. Des charrettes de blessés qu'on ramenait des buttes Saint-Chaumont et de Belleville traversaient par intervalle ces propos terribles, ces émigrations d'enfants, cette cohue de laitières, de blanchisseuses et de nourrices accroupies sur le pavé. Des partis de Cosaques avaient pénétré par les avenues extérieures; on les apercevait de distance en distance, avec leurs fouets de cordes et leurs lances démesurées, se mêlant aux gardes nationaux avec l'autorisation du préfet de police, en réglant la circulation des fiacres comme de bons gendarmes. Les boursiers, pleins d'anxiété, se tenaient debout sur le perron de Tortoni.

A neuf heures quelques royalistes se réunirent à cheval sur la place de la Concorde. Le lieu

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