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NIVERSI
18 FEB 85

MUSHUM
OXFOR

PARALYSIE GÉNÉRALE (Suite). FORMES ET VARIÉTÉS. Dans la description qui précède, nous nous sommes appliqués à retracer l'histoire de la paralysie générale telle qu'elle a été décrite par Bayle: c'est celle qui, suivant nous, constitue le type même de la maladie. Il s'en faut cependant que les symptômes évoluent chez tous les malades de la même façon; on observe, au contraire, soit dans la marche, soit dans la prédominance de tels ou tels symptômes, des variations considérables, et tous les auteurs ont été amenés à décrire un plus ou moins grand nombre de formes qu'ils ont cherché à différencier les unes des autres.

Ainsi Baillarger, dans ses leçons publiées en 1846 (Gazette des hôpitaux), divisait les malades en deux catégories: 1° ceux qui ne présentent qu'une démence progressive, sans qu'il y ait aucun délire bien caractérisé; 2o ceux qui offrent des signes de monomanie, de mélancolie, de manie, etc. Plus tard, en 1854, revenant sur la même question, il conservait la distinction entre paralysies générales avec intégrité de l'intelligence et en paralysies générales accompagnées de lésions graves des facultés intellectuelles. Ces dernières comprendraient d'ailleurs deux classes de faits: 1° les paralysies générales avec folie (monomanie ambitieuse de Bayle; folie paralytique de Parchappe, J. Falret, etc); 2° les paralysies générales avec affaiblissement progressif de l'intelligence sans folie proprement dite (paralysie généralisée, hydrocéphalie chronique des adultes, paralysie générale des vieillards, etc.). (Ann. méd. psych., 2e série, 1854, 1. VI, p. 612).

Baillarger admet donc deux formes principales de la maladie : la forme simplement démente et la forme délirante. Cette dernière présente différentes variétés, suivant le caractère du délire, qui est tantôt maniaque, ou mélancolique, ou monomaniaque, ou alternativement l'un et l'autre.

Les bases de cette classification ont été généralement admises par les auteurs qui sont venus depuis et qui ne l'ont guère modifiée que dans les détails.

DICT. ENC. 2 s. XXI.

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J. Falret, dans une communication faite à la Société médico-psychologique, dans laquelle il résume l'état actuel de la science, établit que, à côté de la paralysie générale type, trouvent place la paralysie générale simple ou sans délire, la forme médullaire, la variété épileptique, la forme melancolique, etc. (Ann. med. psych., 1877, t. XVIII, p. 428).

Aug. Voisin, reprochant aux classifications de ses prédécesseurs d'être artificielles, se propose d'établir une classification naturelle, basée à la fois sur l'étiologie, l'observation des symptômes et l'anatomie pathologique. Il propose donc d'admettre les cinq grandes catégories suivantes : 1° la paralysie générale aiguë à marche rapide; 2o la paralysie générale commune avec délire expansif, ambitieux; 3o la paralysie générale à forme sénile; 4o la paralysie générale présentant surtout les caractères de la démence; 5o la paralysie générale à forme spinale. Mais Voisin ne manque pas d'ajouter que, si chacune de ces variétés possède à la vérité une physionomie propre; on observe cependant de nombreux cas mixtes qui établissent entre elles des transitions insensibles (loc. cit., p. 175).

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Luys admet trois classes de formes les formes expansives, les formes dépressives, et les formes expansives et dépressives alternantes (loc. cit., p. 592). Un auteur allemand, Schüle, a essayé d'établir les variétés en se basant sur l'anatomie pathologique; mais, comine il était aisé de le prévoir, cette tentative, dans l'état actuel de la science, était prématurée. Ainsi il admet que la paralysie générale type consiste en un processus dégénératif avec irritation dans les régions psychiques et psycho-motrices du cerveau, et qui existe également dans la moelle épinière. Il distingue ensuite une méningo-périencéphalite chronique et une autre subaiguë (qui paraît être la paralysie générale galopante de certains auteurs); celle qui est compliquée de pachyméningite, etc.

Enfin, Mendel décrit les formes suivantes : la forme type, la forme dépressive, la forme maniaque, la forme démente, la forme circulaire, la forme galopante et la forme ascendante (paralysie générale consécutive à une lésion de la moelle).

Quel que soit le point de vue auquel on se place, il nous semble que ces divisions en un plus ou moins grand nombre de variétés n'ont qu'une importance secondaire; elles n'ont d'utilité réelle que pour la commodité de la description. Il est certain que la paralysie générale, pas plus qu'aucune autre maladie, ne se présente à l'observateur en revêtant exactement le type idéal que nous avons décrit. Mais, de ce que chez chaque malade il existe quelque chose d'individuel dans le groupement des symptômes, s'ensuit-il qu'il faille multiplier à l'infini les formes et les variétés? Nous ne le pensons pas; nous croyons cependant que, dans la paralysie générale, il y a à distinguer la forme aiguë et la forme chronique, et que cette dernière présente un certain nombre de variétés, indiquées dans le tableau suivant :

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A. Forme aiguë. Paralysie générale suraiguë (forme galopante de Trélat). En 1852, Beau publia dans les Archives générales de médecine un

mémoire sur « une affection cérébrale qu'on peut appeler paralysie générale aiguë», et dont les symptômes principaux sont les soubresauts de tendons, dégénérant bientôt en tremblements, le bégayement et le délire; en outre, il y a de la fièvre, et la maladie se termine constamment par la mort dans l'espace de trois à six jours. Les observations de Beau ne nous paraissent pas faites pour entraîner la conviction; elles se rapportent pour la plupart à des jeunes gens âgés de moins de trente ans et quelques-unes à des hommes âgés de cinquante à soixante ans. L'un d'eux était en traitement pour une affection saturnine; un autre était un alcoolique. Les caractères propres de la paralysie générale manquent donc, et les faits décrits par Beau nous paraissent devoir être interprétés différemment. C'était d'ailleurs l'avis de Marcé (loc. cit., p. 447).

En 1855, Trélat, sans mentionner les observations de Beau, décrivit, lui, de véritables paralytiques chez lesquels la maladie marchait avec une rapidité extrême; il proposa le nom de paralysie galopante par analogie avec la phthisie galopante (Ann. med. psych., 1855, t. I, p. 248).

Depuis cette époque, on a publié un assez grand nombre de cas de ce genre; il est à remarquer cependant que les auteurs ne les ont pas tous envisagés de la même façon, et nous pensons qu'il faut comprendre ici beaucoup d'observations qu'on a décrites sous le nom de délire aigu.

Quoi qu'il en soit, la paralysie générale suraiguë ou galopante est caractérisée par une agitation extrême, un délire violent, de l'embarras de la parole; le malade ne pousse que des cris inarticulés; le sommeil est difficile, sinon impossible; les muscles de la face sont animés de tressaillements presque continuels, ceux des membres de soubresauts incessants. Il y a de la fièvre; le pouls est fréquent 110 à 130 pulsations et même au delà; la température peut s'élever à 40 degrés et même au-dessus. Le visage est rouge, vultueux, les traits sont profondément altérés, la bouche est sèche, la langue rouge et couverte de fuliginosités; le malade refuse obstinément les aliments et même les boissons; il crache tout ce qu'on veut lui faire avaler. A ces accidents aigus succède bientôt un profond coma, et la mort arrive généralement après un temps très-court. On a prétendu cependant (Linas, Marcé) que ces symptômes si graves peuvent s'amender et la maladie passer à la forme chronique.

Dans le tableau qui précède, on retrouve tous les éléments du délire aigu ou de la méningite suraiguë: il est donc permis de se demander si dans les faits de ce genre il s'agit véritablement de paralysie générale, ou si l'on n'a pas plutôt affaire à une poussée méningitique d'une extrême intensité, survenant dans les circonstances les plus diverses et même dans le cours de la paralysie générale.

B. Formes chroniques. 1° Variété maniaque. C'est celle que nous avons décrite, elle est de beaucoup la plus fréquente.

2 Variété mélancolique. Même dans la variété maniaque, il n'est pas rare d'observer des périodes plus ou moins longues de délire mélancolique; mais dans celle qui nous occupe cette forme de délire se montre dès le début et persiste pendant toute la durée de l'affection. Il peut se présenter avec les caractères de l'hypochondrie, telle que nous l'avons décrite, ou bien avec des idées de ruine, de persécution, etc. Il s'accompagne souvent d'un état plus ou moins prononcé de stupeur, ce qui rend le diagnostic parfois difficile.

Dans cette variété, les malades ont généralement des idées délirantes qui les

poussent à refuser les aliments, et l'on peut être obligé de les nourrir à la sonde pendant un temps plus ou moins prolongé.

Suivant J. Falret, on constate chez ces malades une augmentation excessive de l'urine, qui porte sur la quantité et sur la qualité ainsi il y a surabondance de sécrétion urinaire comme chez les polyuriques, mais il y a en outre excès d'urée et pas de sucre.

On comprend que ces troubles amènent rapidement un état cachectique profond et la production d'eschares. Mais, fait curieux, cet état, qui peut durer plusieurs mois, ne se termine pas toujours par la mort, car souvent une amélioration assez rapide peut se produire et on voit survenir même des rémissions.

3o Variété alternante (Paralysie générale à double forme). Il peut arriver que les symptômes psychiques de la paralysie générale revêtent le caractère de la folie à double forme, c'est-à-dire qu'à une période d'agitation maniaque avec délire ambitieux succède une période de dépression mélancolique avec idées hypochondriaques.

On trouve des exemples de cette variété dans les ouvrages de Bayle et de Calmeil, mais l'attention ne s'y est réellement portée que depuis les travaux de Falret et de Baillarger sur la folie à double forme. C'est dans la discussion qui eut lieu à la Société médico-psychologique, sur la paralysie générale, que l'on s'occupa pour la première fois du type circulaire que peuvent présenter les symptômes psychiques de cette affection. Baillarger, Brierre de Boismont, Pinel neveu, firent tour à tour ressortir l'importance de cette alternance de l'excitation et de la dépression dans la paralysie générale, et en citèrent de nombreux exemples. Brierre de Boismont en indiqua même la fréquence; d'après lui, sur 100 cas, la double forme se serait montrée 12 fois. Depuis lors, de nombreux cas ont été publiés par Geoffroy (thèse de Paris, 1861), Fabre (Folie paralytique circulaire [Ann. méd. psych., mai, 1874]), Espiau de Lamaëstre (De la paralysie générale à double forme [Compte rendu du Congrès de méd. ment., 1878), etc.

Dans la plupart des cas de paralysie générale à double forme, les deux périodes sont nettement tranchées: celle d'excitation présente toujours les caractères du délire expansif de la folie paralytique : idées de richesses et de grandeurs, agitation, activité sans but, etc.; celle de dépression est caractérisée surtout par la prédominance des idées hypochondriaques.

De même que dans la folie à double forme idiopathique, le passage d'une période à l'autre peut se faire brusquement, ou bien s'effectuer par transitions lentes et insensibles. La durée des périodes, et par conséquent des accès, est très-variable.

Certains auteurs prétendent que cette variété a une durée plus longue que les autres, que les rémissions y sont plus fréquentes; mais de nouvelles observations sont nécessaires pour arriver à une conclusion définitive (voy. Ant. Ritti, Traité de la folie à double forme, p. 305).

40 Variété démente. Dans cette variété, les symptômes délirants proprement dits sont si peu accentués, qu'ils passent souvent même inaperçus. Cependant, en examinant ces malades avec attention, on retrouve chez eux d'une façon indéniable les signes du délire caractéristique réduits à leur minimum d'intensité. Le malade ne présente pas de ces conceptions extravagantes que nous avons signalées dans la variété maniaque ou mélancolique, mais il est d'un optimisme à toute épreuve, il dit invariablement qu'il va très-bien, qu'il est très-content,

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