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dont les parenchymes sont le point de départ, c'est-à-dire des tumeurs, nécessairement mixtes, à la fois épithéliales et mésodermiques, comme les tissus normaux, dont elles sont une provenance (p. 142 et 144, 145).

La multiplication accidentelle d'éléments anatomiques, altérés eux-mêmes ou non, individuellement, jusqu'à production d'une masse dite tumeur, au sein d'un tissu normal, est un fait pathologique plus fréquent dans les parenchymes que dans toutes les autres espèces de tissu. Il tient principalement à l'état mixte de leur constitution, par des épithéliums d'abord, par du tissu cellulaire vasculaire ensuite, et en troisième lieu par la présence d'un ou de plusieurs conduits excréteurs complétant la composition de plusieurs d'entre eux. Chacune de ces parties constituantes elle-même devient à sa manière le point de départ de modifications pathologiques diverses, de plusieurs espèces de tumeurs distinctes, en un mot, pour chacune. L'étude de ces provenances pathologiques, faite avant celle du tissu normal dont elles dérivent, a conduit aux confusions les plus grandes qu'on puisse concevoir à l'égard des premières; confusions de fait, autant que de dénominations, ainsi qu'il arrive toujours lorsqu'on veut faire l'anatomie pathologique avant l'anatomie normale, comme cela se voit encore si souvent.

Comme dans les autres tissus en général la cause première de la production des tumeurs dans les parenchymes n'est pas connue, mais elle reconnaît pour cause seconde essentielle ce fait que les unités anatomiques y conservent leur individualité végétative (nutritive, évolutive et reproductrice surtout), individualité qui fait que tel ou tel des éléments constitutifs venant à y multiplier outre mesure, avec ou sans hypertrophie, change l'état du tissu en devenant prédominant sur les autres, élément fondamental en un point où il n'était qu'accessoire normalement; il représente ainsi un véritable tissu nouveau par rapport à celui dont il provient et à l'organe où il siége, bien qu'homologue à quelque espèce normale des tissus.

Il importe de noter ici de suite ce fait général que toutes les fois qu'une altération, hypertrophie, hypergenèse, etc., a pour point de départ l'épithélium d'un parenchyme tant glandulaire que non glandulaire, l'acte spécial qu'il accomplit, sécrétion, spermatogenèse, excrémentition urinaire, etc., loin d'augmenter sous un rapport quelconque, cesse au contraire complétement dans le point affecté et souvent dans l'organe entier dont il s'agit (voy. p. 151).

Les tumeurs provenant des parenchymes qu'il faut citer en premier lieu sont les kystes ou tumeurs kysteuses tirant leur origine des vésicules closes, ou consécutives à l'oblitération des culs-de-sac ou des tubes sécréteurs et excréteurs des parenchymes, tant glandulaires que non glandulaires. Le point de départ de la formation du liquide distendant une cavité, primitivement microscopique. en général et la rendant kysteuse, est bien réellement son épithélium même ; mais ici la production morbide ne se développerait pas, si dès le début il n'y avait association à l'épithélium du tissu cellulaire vasculeux ambiant, formant la paroi du kyste. Épithélium et paroi de tissus vasculaires sont les deux parties constituantes évolutivement solidaires, dans lesquelles la couche épithéliale est généralement de beaucoup la plus mince, sauf dans quelques kystes sébacés, mais tout aussi importante que la paroi vasculaire mésodermique, au point de vue de la sécrétion même du liquide distensif.

L'oblitération du conduit parenchymateux d'une part, constituant ce dernier en cavité close, la sécrétion par l'épithélium de celle-ci continuant, mais plus ou moins différente de ce quelle est normalemement: telles sont les deux conditions

essentielles de la production des kystes. Les causes mêmes de l'oblitération quand les kystes n'ont pas pour point de départ des follicules clos, les causes amenant les troubles sécrétoires, restent inconnues dans la plupart des cas. Mais la sécrétion qui continue détermine à la fois l'agrandissement de la cavité et l'épaississement de la paroi vasculaire; épaississement suivi ou non à la longue d'un amincissement jusqu'à rupture en quelque point (voy. FIBREUX, p. 37 et suiv.). Nous avons spécifié quel est le mécanisme propre de la genèse et de la multiplication des cellules épithéliales tant à la surface des téguments internes et externes qu'à la surface libre des tubes des parenchymes; comment, de plus, se produisent et augmentent de nombre les tubes et les vésicules de ces derniers (voy. CELLULE, p. 598 et 691), en répétant ce qu'on observe sur l'embryon, quant à la formation des culs-de-sac par introrsion épithéliale, et même quant à leurs dispositions morphologiques fondamentales.

Ce fait est en premier lieu l'une des causes essentielles de l'hypergenèse des cellules épithéliales, et en particulier des hypertrophies glandulaires proprement dites (adénomes, tumeurs adénoïdes, etc.) dues à la multiplication en nombre plus ou moins considérable des culs-de-sac épithéliaux et de leur gaine propre. Dans la mamelle et plus rarement ailleurs, les formes et les dimensions des conduits ainsi que des cellules individuellement deviennent ce qu'elles sont normalement. Parfois pourtant les cellules et leur noyau peuvent devenir plus gros, plus ou moins granuleux, plus ou moins différents, en un mot, de ce qu'ils sont dans les conditions normales.

Restent à préciser au point de vue génétique : 1o les cas dans lesquels une portion ou la totalité de la glande sont atteintes; ceux dans lesquels il y à ou non enkystement de la portion de génération nouvelle; 2o la liaison qui existe en ces cas les plus simples et les plus directs d'hypergenèse et ceux dans lesquels des masses morbides de tissu glandulaire, voisines d'une glande normale, offrant des analogies de structure avec elle, se trouvent être pourtant sans continuité de tissu avec celie-ci; ce dont les tumeurs de la région parotidienne offrent de fréquents exemples.

Ici on ne sait rien de précis sur la question de savoir si ce tissu glandulaire accidentel est dérivé d'extrorsions de la glande normale et s'en est ensuite séparé, comme normalement le thymus, la thyréoïde, etc., le font à l'égard de l'ectoderme trachéen (voy. SYSTÈME), ou s'il y aurait au contraire genèse proprement dite, épithéliale, etc., comme il y a, en cas analogues, genèse de cartilage, d'os, etc. Les questions indiquées ici se posent encore, sans se résoudre d'une manière plus nette, à propos des tumeurs hétéradéniques. Ce sont des tumeurs pouvant atteindre jusqu'au volume des deux poings et plus, qu'on trouve dans des régions normalement dépourvues de glandes et qui cependant ont la composition élémentaire, la texture et les caractères extérieurs de couleur, consistance, etc., propres aux parenchymes glandulaires. Toutefois, bien que composées de tubes ou de cylindres pleins, épithéliaux, plus ou moins longs, simples ou ramifiés, terminés en culs-de-sac, avec ou sans paroi propre glandulaire, plongés dans une trame de tissu cellulaire plus ou moins vasculaire, on ne peut les rattacher homologiquement ni à la mamelle, ni aux glandes salivaires, pancréatiques et autres. Dans leurs conduits on voit souvent des corps hyalins homogènes ou grenus sphéroïdaux, ovoïdes, etc., avec ou sans noyau central, dus peut-être à l'hypertrophie de quelque cellule épithéliale, jouant là le rôle de concrétion, de corps étranger en nombre et sous des volumes variables, distendant plus ou moins les tubes ou

conduits caractéristiques du tissu accidentel. La marche de l'évolution de ces tumeurs est la même au fond que celle des hypertrophies glandulaires proprement dites, et les troubles quelles causent d'autre part dépendent de leur siége.

Le peu de netteté des descriptions sur la structure des tumeurs ne permet pas de dire si les productions morbides décrites par Henle (1845) sous les noms de siphonomes et autres correspondent réellement à celles que je viens de signaler d'après les descriptions et les dessins que j'en ai publiés (voy.. Ch. Robin, dans Lebert. Anatomie pathologique générale. Paris, 1860, in-fol., t. II, et pl., et Robin et Laboulbène. Compt. rend. et Mém. de la Soc. de biol. Paris, 1853, in-8°, et pl., et CELLULE, p. 692. Ch. Robin, Sur le tissu hétéradénique. Gazette hebdomadaire, 1853, t. III, p. 35).

Signalons en troisième lieu des tumeurs glandulaires qui se rencontrent surtout dans la marnelle, remarquables en ce que, en même temps que les culs-desac glandulaires augmentent de nombre et de masse, la trame mésodermique s'atrophie au contraire. Les culs-de-sac augmentent aussi de volume, leurs cellules et le noyau de chacune d'elles s'hypertrophient; ces cellules ne limitent plus un conduit; elles forment par leur ensemble un cylindre compacte, en général dépourvu de paroi propre et dont la surface touche directement la trame ambiante dans laquelle s'avancent ces cylindres à mesure qu'ils se multiplient. Cette trame devient dure, comme fibreuse, moins vasculaire et moins abondante qu'à l'état normal. Les éléments des conduits galactophores, moins l'épithélium et la trame élastique, s'atrophient aussi. De ces particularités résultent à la fois une diminution de volume de la glande et l'induration de son tissu, avec rétraction du mamelon pour les galactophores qui se raccourcissent, lorsqu'il s'agit de la mamelle. De là les noms de squirrhe, d'hypertrophie glandulaire condensante et autres, donnés à cette variété de tumeurs.

Notons en quatrième lieu les tumeurs glandulaires colloïdes ou tumeurs colloïdes à trame glandulaire, dans lesquelles les conduits excréteurs sont plus ou moins atrophiés (mamelle, intestin, glandes salivaires, etc.); les culs-de-sac sécréteurs sont séparés des conduits et réduits à des amas sphériques ou cylindroïdes, etc., plus gros qu'à l'état normal.

Tumeurs d'origine parenchymateuse tant glandulaires que non glandulaires (rénale, testiculaire, épididimaire, ovarique pulmonaire, etc.), dites encéphaloides ou carcinomateuses. Ce groupe de produits morbides, qui a pour point de départ l'hypergenèse des cellules épithéliales des organes précédents, qu'ils soient d'origine endodermique ou ectodermique (voy. MAMELLE et SÉBACÉ, p. 404), est des plus importants à étudier sous tous les rapports. Ces tissus morbides comptent parmi les plus dangereux par leurs caractères de transmission héréditaire et de généralisation; ce sont les tumeurs empiriquement dites cancéreuses ou carcinomateuses. Ce groupe comprend toutes les tumeurs résultant d'une hypergenèse directe des épithéliums des parenchymes soit glandulaires, soit non glandulaires, d'origine tant ectodermique qu'endodermique, quelles que soient du reste les variétés de configuration et de situation de ces glandes dans les tissus mésodermiques (voy. p. 146, 149, et SYSTÈME).

Il résulte de ce qui précède que les états morbides dits cancéreux, etc., sont autant d'expressions pathologiques, désignant des états d'altérations, des maladies du système épithelial en général, des épithéliums profonds ou des parenchymes en particulier.

Se développant dans la profondeur des organes, ces tumeurs d'origine paren

chymateuse ont déjà par ce fait un caractère de gravité spécial; sans parler des caractères tenant à leur nature épithéliale, cette augmentation de volume et de quantité des cellules séparées de la trame vasculaire interglandulaire est une source de troubles nutritifs et sécréteurs dont la nature est facile à comprendre. Les variétés en lesquelles on peut subdiviser les productions morbides de ce groupe selon leurs différences secondaires de couleur (voy. MÉLANOSE), de vascularité, de consistance, etc., dans chaque cas nouveau qui se rencontre, sont des plus nombreuses. Elles ne sauraient encore être toujours définies et nommées avec précision, sans parler des cas dans lesquels, au lieu d'une disposition en masse sous forme de tumeurs, il y a simple épaississement des couches atteintes avec ou sans ulcération et ramollissement, lorsque ce sont celles des follicules de l'estomac et de l'intestin (voy. Moricourt. Thèse de Paris, 1866, in-4o).

C'est dans les productions morbides de cet ordre et en général sous forme de tumeurs d'une faible consistance que rentrent, d'après leur structure, les productions morbides que la rapidité de leur accroissement et des accidents qu'elles causent, dans le tube digestif surtout, ont fait appeler cancers aigus. Cette rapidité survenant le plus souvent sans cause reconnaissable résulte de la prompte multiplication des cellules de tubes glandulaires affectés, alors qu'habituellement elle marche lentement durant des années. Elle s'accompagne également d'une multiplication et d'une dilatation peu communes des petits vaisseaux. Les cellules, comme les tubes des parenchymes affectés, reproduisent dans leurs dimensions, leur structure, leurs formes, même développées outre mesure, les caractères qu'on observe sur les mêmes parties de l'organe primitivement malade. Lors de leur apparition dans ces conditions morbides, ces éléments se rapprochent beaucoup de ceux qu'on trouvait dans l'organe sain, ou même leur sont identiques; mais leur développement rapide les conduit en peu de temps à s'éloigner de cet état et à prendre les dispositions qu'on observe dans les noyaux ou les cellules correspondants de la mamelle, de l'épididyme, etc., dont l'état accidentel a suscité leur genèse.

Ce sont surtout les éléments arrivés à ce degré d'évolution pathologique qui ont reçu les noms d'éléments du cancer, noyaux ou cellules cancéreuses, · carcinomateuses, squirrheuses, etc., d'après ceux du tissu où on les trouve, et qui ont aussi été appelés hétéromorphes ou hétérologues. Le mot hétéromorphe paraît avoir été introduit dans le langage médical par Alibert (Monographie des dermatoses. Paris, 1832, in-4°, p. 761), pour désigner les affections cutanées qui ne pouvaient être rangées dans aucun groupe dit naturel. Si l'on trouvait dans l'économie des espèces d'éléments distincts de celles qu'on rencontre ordinairement, au lieu d'altérations diverses de leur état normal, il y aurait aussi une génération hétéromorphe, ou mode de naissance différent de ceux que nous avons déjà étudiés. Mais il n'y a pas plus de génération hétéromorphe ou hetéroplasie (Lobstein) que de substances, d'éléments ou de tissus hétéromorphes ou hétéroplastiques (hétéroplasmes de Burdach, Physiologie. Paris, 1837, in-8°, t. VII, p. 374). On en a supposé l'existence, faute de connaître les faits précédents relatifs à la génération des éléments, etc.; faute de savoir jusqu'à quel degré peuvent s'étendre leurs aberrations structurales et morphologiques, comparativement aux phases normales de leur développement; faute enfin de pouvoir rattacher les divers états morbides aux états normaux dont ils dérivent. Ainsi ces mots et ceux de cancer, de cellules cancéreuses, squirrheuses, ou jeurs analogues, ne représentent par conséquent qu'un état, une phase

d'évolution accidentelle ou morbide de diverses variétés d'épithéliums le plus souvent, et quelquefois des myéloplaxes et des noyaux du tissu cellulaire. Mais ils ne désignent pas une espèce déterminée et distincte tant d'éléments que de tissus ne pouvant être rattachée aux tissus naturels par sa structure, son évolution et ses autres propriétés.

Seulement l'analyse anatomique et l'embryogénie ont montré que les tumeurs qui ont le mieux les caractères de consistance, de couleur et de vascularisation qui les font dire encéphaloïdes à l'état cru ou ramolli, tirent ces caractères de leur provenance et de leur constitution anatomiques; elles les tirent aussi de ce qu'elles dérivent de l'épithélium des parenchymes et secondairement des portions des tissus mésodermiques correspondant aux involutions endodermiques et ectodermiques originelles.

De telle sorte qu'on peut dire que leurs caractères de pleine évolution morbide ne sont qu'une expression exagérée de ceux des tissus normaux auxquels elles se relient par leur origine, par leur composition anatomique par suite, composition qui reste essentiellement épithéliale, tant endodermique qu'ectodermique, puis accessoirement elles ont une trame de tissu cellulaire plus ou moins vasculaire. De telle sorte enfin que par l'analyse anatomique on peut remonter nettement de la tumeur au parenchyme dont elle dérive.

Ces tumeurs n'ont de commun, d'un parenchyme à l'autre, que ce qu'offrent aussi de commun les parenchymes, c'est-à-dire leur constitution par des épithéliums groupés de telle ou telle manière entre eux et par rapport à la trame de tissu cellulaire vasculaire. Les caractères communs qui s'ajoutent à ceux-ci n'ont qu'une importance fort secondaire, bien qu'on leur ait souvent attribué une prééminence qu'ils n'ont pas. Ces caractères sont ceux qui résultent des modifications structurales et morphologiques des cellules rappelées plus haut (voy. p. 153). Il s'agit de ces changements graduels des cellules qui font que de l'état grisâtre, homogène, plus ou moins friable, plus ou moins demi-transparent, offert par les masses qu'elles composent et propre aux amas normaux d'épithélium, ces masses passent graduellement à un état mat, gris-jaunâtre ou blanchâtre, puis à un ton gris ou d'un blanc encephaloïde, avec une friabilité et une mollesse graduellement correspondantes, plus ou moins comparable à celle du cerveau à l'état cadavérique.

Comme nous l'avons dit, ces particularités sont dues non seulement à l'hypertrophie des cellules et des noyaux (p. 168), mais surtout à ce que d'un état homogène le corps cellulaire est rendu hétérogène par formation de granules et de gouttes graisseux réfléchissant surtout les lumières blanche ou jaunâtre, à peu près comme le fait la myéline des tubes nerveux. Puis, quand en même temps la substance du corps cellulaire se ramollit, la pression, surtout à l'état cadavérique, la fait suinter mêlée de ces gouttes et des noyaux, sous forme de suc plus ou moins crémeux.

Aussi voit-on parfois les hypertrophies glandulaires simples ou adénomes avec ou sans kystes arriver à prendre par places cet aspect encéphaloïde au lieu de leur état grisâtre, etc., par suite de modifications analogues aux précédentes. De plus enfin, ces complications structurales intimes, mais secondaires, surviennent même dans les tumeurs d'origine mésodermique des tissus cellulaires (voy. LAMINEUX, p. 262), de la moelle des os (voy. MOELLE DES os, p. 7, 13 et 58), etc.

La comparaison directe de l'état des épithéliums durant les phases successives des altérations précédentes prouve l'exactitude des données précédentes. Mais

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