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faculté germinative, c'est-à-dire de leur vitalité. Or, il est digne de remarquer que la plante parasite qui, égarée sur un hôte étranger, n'atteint point toute la plénitude de son développement, forme parfois des conidies, corps reproducteurs de second ordre et dont la vitalité est courte, mais jamais d'oospores, corps reproducteurs fécondés et jouissant d'une longue vitalité; comme si la reproduction par sexualité était l'acte le plus considérable que peut accomplir l'être vivant.

Quoi qu'il en soit de cette observation, l'interprétation des faits relatifs à l'avortement des organes de la reproduction sexuelle chez les Cystopus et les Peronospora égarés hors de leur séjour naturel me paraît pouvoir jeter quelque lumière sur la question obscure de l'apparition singulière de certains parasites inconnus, de ces parasites qui, se propageant par épidémies, causent de grands désastres parmi les êtres qu'ils envahissent. C'est un sujet sur lequel j'aurai à revenir en parlant de la classification. Je me borne à faire remarquer ici que l'influence exercée sur le parasite par un hôte étranger n'est point une déviation dans la forme et la structure, mais un avortement plus ou moins complet, avortement dont le degré est en rapport, sans doute, avec la distance qui sépare l'hôte naturel de l'hôte accidentel.

VI. PARASITES SUR PARASITES; PARASITES NOUVEAUX. 1. Parasites sur parasites. Les animaux ou les végétaux qui vivent aux dépens des autres donnent parfois eux-mêmes asile à des parasites. Mais il est clair que ceux-ci doivent être encore plus dégradés que leurs hôtes et que, par conséquent, ils appartiennent généralement aux espèces les plus infimes du règne organique; c'est parmi les Psorospermies, les Grégarines ou les Infusoires, qu'il faut généralement les chercher; on en cite néanmoins quelques-uns de classes plus élevées. Pagenstecher a trouvé sur le Nicothoe du Homard des vers uématoïdes appartenant au genre Leptodera. Chez les Insectes, ce double parasitisme n'est point aussi rare, au moins dans la famille des Pupivores (Hyménoptères). Ainsi la larve de l'Ophion moderator se nourrit de celle d'un autre Ichneumon, la Pimpla strobilella Fabricius, elle-même parasite d'un autre insecte. Dans tous ces cas, le parasite du parasite n'est pas inférieur à son hôte (article OPHION de l'Encyclopédie méthodique, et G. Cuvier, Le règne animal, Insectes, texte, p. 148, édition Fortin, Masson et Cie).

Parmi les végétaux, j'emprunte les deux exemples suivants à de Candolle : « Le Gui a été observé, d'après Pollini, sur le Loranthus europæus, qui est luimême parasite..... Une espèce de Loranthus (L. tetrandrus) est désigné comme vivant au Pérou et au Chili sur le Loranthus buxifolius, qui est parasite. C'est le second exemple de ce double parasitisme » (A. P. de Candolle, Physiologie végétale, t. III, p. 1412 et 1414, 1832).

En dehors de ce double parasitisme évident, si l'on considère les insectes gallicoles ou tant d'autres qui mènent sur les plantes un genre de vie de tous. points semblable au parasitisme vrai, nous étendrons considérablement le champ de ce double parasitisme, car une foule d'insectes qui vivent de cette manière sur des plantes sont attaqués par d'autres qui, à l'état de larve, s'en repaissent et finissent par les détruire.

J'ai décrit des corps particuliers, voisins des Psorospermies, vivant en parasites chez l'Anguillule de la nielle (Mémoires de la Société de biologie, 2a série. t. III, pl. 3, fig. 12, 1856).

De même, un grand nombre de Champignons qui peuvent être considérés comme des parasites sont atteints par d'autres Champignons qui se nourrissent à leurs dépens (Cooke et Berkeley, les Champignons, in-8, p. 223, Paris, 1878). Je dois mentionner ici, au point de vue historique, l'opinion relative au rôle des Sporocystes et des Cercaires qu'ils renferment, avant que l'on connût la succession des phases diverses de la génération des Trématodes. Les premiers helminthologistes qui les observèrent, ayant reconnu dans les Sporocystes les caractères de l'animalité, regardèrent, avec raison apparente, ces larves comme des parasites. Or, comme l'on constatait dans les Sporocystes l'existence constante des Cercaires, cette singularité attira l'attention des savants, qui considèrent le ver intérieur comme un parasite nécessaire. Mais, chose bien inexplicable, chez le Monostomum mutabile, par exemple, l'embryon encore renfermé dans l'œuf contient déjà son parasite nécessaire. Nous savons aujourd'hui, grâce aux travaux de Steenstrup, que ces divers parasites sont des larves qui représentent les phases successives du développement des Trématodes.

Je mentionnerai encore, relativement à la question qui nous occupe, l'inclusion des individus d'un sexe dans ceux de l'autre sexe, inclusion qui a été regardée, par quelques helminthologistes, comme un fait de parasitisme. Ainsi, chez le Trichosomum crassicauda, un ou plusieurs mâles se rencontrent dans l'utérus de la femelle (Leuckart, Butschl).

Enfin, si l'on considère, suivant la théorie de Schwendener, dite aussi théorie algo-lichénique, les Lichens comme des parasites des plantes qui les portent, on pourrait voir encore là un nouvel exemple d'un double parasitisme '.

22. Parasites nouveaux. L'apparition de parasites inconnus jusqu'alors, qui envahissent en grand nombre les animaux ou les plantes, et qui causent des ravages parfois désastreux, a été signalée plusieurs fois depuis moins d'un siècle. Ce n'est pas à dire que de semblables apparitions n'aient point été observées antérieurement, mais celles qui ont pu précéder notre époque, n'ayant point été étudiées avec des connaissances suffisantes, sont restées à peu près ignorées.

C'est comme maladies que ces invasions ont d'abord été signalées. Telle est celle qui attaqua les pommes de terre, et qui est causée par le Peronospora infestans; celle qui parut sur la vigne, en 1845, et qui est due à l'invasion de l'Oidium Tuckeri.

Chose remarquable, à l'époque où toutes ces maladies apparurent, le parasite qui les détermine fut universellement regardé comme le produit et non comme la cause du mal. Il fallut de grands efforts de la part des savants pour faire abandonner ces opinions erronées qui avaient le fâcheux résultat, en dirigeant les efforts de préservation contre une cause imaginaire, de laisser l'auteur du mal se développer en toute liberté. Aujourd'hui, des idées plus vraies, relatives au parasitisme, sont universellement adoptées par les savants et même par le vulgaire.

On peut citer un assez grand nombre d'exemples de maladies épizootiques ou épiphytiques survenues tout à coup, et dont les parasites qui en sont la cause étaient restés inconnus jusqu'alors.

Voyez L. F. Henneguy, les Lichens utiles, Thèse d'agrégation, p. 24-37, Paris, 1883.

DICT. ENC. 2 s. XXI.

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Dernièrement on a signalé, en Allemagne, chez les écrevisses, une maladie qui dépeuple les rivières et qui est causée par un distome (D. cirrigerum). On peut rencontrer jusqu'à deux cents individus de cet animal chez une seule écrevisse (Hartz, Ueber di sogenante Krebspest, etc. In Fischerei Zeitung, Wienn, 1880-1881).

La Cécidomyie destructive (C. destructor Wied. C. tritici Latreille) a fait son apparition en Amérique pendant la guerre de l'Indépendance.

Le Puceron lanigère qui a causé de grands ravages sur les pommiers, en Normandie, était inconnu au commencement de notre siècle (voy. PUCEROns).

Le Phylloxera, comme chacun sait, est d'introduction toute récente (voy. PHYLLOXERA); il en est de même pour un Coléoptère, la Leptinotarse ou Doryphore (voy. DORYPHORE).

Dans l'Inde, en 1870, un Ustilago inconnu a causé de grands dégâts sur le riz. En Angleterre, dans ces dernières années, une Puccinie s'est emparée des roses trémières, au point que les amateurs de cette plante d'ornement commençaient à craindre qu'elle ne soit avant peu complétement exterminée.

Pour expliquer l'apparition nouvelle de ces parasites, on faisait intervenir autrefois la génération spontanée; cependant, dans un certain nombre de cas, on peut reconnaître une importation étrangère. Ainsi la Cécidoymie, qui causa de grands ravages en Amérique vers la fin du siècle dernier, avait été importée, à ce que l'on croyait, par les Hessois, qui faisaient alors partie de l'armée anglaise. On sait que l'Oidium Tuckeri et le Phylloxera sont venus d'Amérique. Le Puccinia malvacearum qui détruit actuellement les roses trémières en Angleterre est originaire de l'Amérique du Sud; il apparut ensuite dans les colonies anglaises de l'Australie. Introduit du Chili en Espagne en 1869, il s'est répandu depuis 1873 sur le continent européen et, en dernier lieu, en Angleterre. Mais l'origine d'autres parasites nous est restée inconnue; et comme on ne peut croire à une création récente, on doit se demander comment ces espèces ont-elles pu acquérir tout à coup une puissance de propagation désastreuse?

Or, l'adaptation du parasite à un nouvel hôte est la seule explication qui me paraisse satisfaisante, soit que le parasite ait été importé d'une contrée où il existe, sur quelque espèce appartenant à la famille de l'hôte envahi, soit que l'animal ou la plante aient été transportés dans le pays où se trouve le parasite. L'explication de l'apparition de ces maladies parasitaires inconnues est due à J'adaption d'un parasite sur un hôte d'espèce qui lui était étrangère. J'ai remarqué avec soin que le parasite envahissant un hôte qui lui est étranger n'atteint pas souvent toute la plénitude de son développement. Les Peronospora, par exemple, produisent naturellement deux sortes de corps reproducteurs (conidies, oospores), dont l'un a la prédominance sur l'autre. Mais l'espèce parasite de la Pomme de terre ne produit jamais que les corps reproducteurs du second ordre, montrant par ce fait que la Pomme de terre n'est point la plante nourricière qui lui permet d'atteindre son développement complet.

L'Oidium Tuckeri, qui se montre sur la vigne en Europe depuis 1845, est un Erysiphe or la fructification des Erysiphes possède au moins cinq formes différentes. Celles qui ont été observées sur l'Oidium Tuckeri sont des formes inférieures, de telle sorte qu'il est permis de croire que la forme la plus élevée de l'Erysiphe qui produit la maladie de la vigne se trouve sur une plante d'une autre espèce.

Les circonstances qui donnent à l'invasion de ces parasites une grande extension dans les pays où nous observons leurs ravages sont le rapprochement des plantes hospitalières par le fait de leur culture. On sait aussi que les plantes libres, qui sont transportées dans des contrées nouvelles, trouvent souvent des conditions de prospérité par lesquelles elles se substituent aux plantes autochthones: ne peut-il en être de même pour les plantes qui vivent sur les autres? Ce qui rend redoutable le Perenospora de la pomme de terre, c'est que, introduit dans un point quelconque de la plante, il l'envahit tout entière. Peut-être ce parasite trouve-t-il dans l'organisation de son hôte naturel des obstacles à un envahissement total et des bornes à sa désastreuse influence.

VII. PÉRIODES DE LA VIE PARASITAIRE. Le parasitisme n'est point une condition nécessaire de toutes les périodes de la vie, je l'ai déjà dit plusieurs fois. Beaucoup d'animaux, parasites dans la jeunesse, deviennent libres à l'âge adulte; d'autres libres au sortir de l'œuf sont parasites dans leur vieillesse. Cependant chez un très-grand nombre d'animaux le parasitisme existe pendant toute la durée de leur existence.

Les familles auxquelles ces derniers appartiennent se distinguent par une organisation tout à fait particulière. Tels sont les Insectes épizoïques qui vivent sur les téguments, les Vers cestoïdes qui 'habitent les profondeurs de l'organisme. Autant par leur genre de vie que par leur organisation, ils pourraient être appelés des parasites parfaits.

Bien qu'un grand nombre de ces parasites passent les diverses périodes de leur vie à l'intérieur des autres animaux, ils doivent cependant pour la plupart changer d'hôte et d'organe pour accomplir leur évolution totale. Chacune de leurs transmigrations est marquée par un progrès dans l'organisation et souvent même par une métamorphose. Or ce fait n'est point une particularité du parasitisme, comme quelques auteurs semblent le croire, car un grand nombre d'animaux non parasites qui accomplissent les diverses phases de leur évolution dans des milieux différents s'y montrent avec des attributs organiques, avec des mœurs tout autres, par exemple, les larves des Libellules, du Fourmilion voy. NEVROPTÈRES et FOURMILION), par rapport à leurs insectes à l'état parfait. La transmigration chez les parasites coïncide donc avec une phase nouvelle du développement; ces phases le plus souvent au nombre de trois sont en général bien distinctes. La première est celle de l'embryon qui se termine avec l'éclosion, mais qui, chez certains parasites, peut se prolonger au delà. Ainsi l'embryon du Bothriocéphale de l'homme, par exemple, nage dans l'eau, sans éprouver aucune modification pendant plusieurs heures. Ceux des Taenia solium, T. echinococcus, T. cænurus, etc., accomplissent à travers les parois intestinales et les tissus organiques de leur hôte une pérégrination, ordinairement très-longue pour un si petit être; il ne perd ses attributs embryonnaires, c'est-à-dire ses crochets et sa forme, qu'après son arrivée dans l'organe où il se transformera en larve. Il en est de même de l'embryon de la Trichine, qui conserve ses attributs primordiaux jusqu'à ce qu'il arrive dans une fibrille musculaire, où il prend une organisation nouvelle (voy. TRICHINE).

A la première transmigration correspond une métamorphose ou un changement dans l'organisation, qui persiste jusqu'à ce qu'une nouvelle transmigration amène la formation des organes sexuels et de leurs produits.

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Ces périodes de développement sont de la sorte: 1° la phase embryonnaire, qui, chez certains parasites, se prolonge au delà de l'éclosion; 2o la phase de larve, qui se passe ordinairement dans un organe parenchymateux; 3o enfin celle de l'état adulte, qui s'accomplit généralement dans une cavité communiquant avec l'extérieur.

J'ai la conviction que les différents domiciles du parasite sont pour lui d'une nécessité aussi absolue que pour le développement des têtards en grenouilles amphibies, de la larve des Libellules (voy. NÉVROPTÈRES), vivant dans l'eau, tandis que l'adulte vit dans l'air. Le milieu, sans que nous puissions le prévoir, est une condition nécessaire du développement de l'animal ainsi que du parasite. Nous constatons que la Trichine embryonnaire quitte l'intestin où elle revient larve, que le Tania embryon quitte aussi l'intestin où il revient pareillement larve. La nécessité, pour l'évolution organique, d'un séjour en rapport avec les diversesphases de cette évolution, me paraît une loi universelle; les exceptions qu'on a citées chez les entozoaires seront reconnues pour des faits mal interprétés ou

erronés.

Lorsque le parasite, dans son jeune âge, arrive chez un hôte ou dans un organe qui ne lui donne point les conditions nécessaires à son développement ultérieur, le plus ordinairement il est expulsé ou il périt; parfois cependant il y vit dans un état plus ou moins rudimentaire. Nous l'appellerons un parasite égaré. Il peut se faire aussi qu'un parasite adulte quitte l'organe qui est son séjour normal et qu'il pénètre dans un autre organe, comme l'Ascaride lombricoïde (parasite de l'intestin), qui se porte accidentellement dans les canaux biliaires ou dans la trachée artère. Ce parasite peut parfois vivre quelque temps dans son nouveau séjour, mais il occasionne ordinairement des accidents en rapport avec les fonctions de l'organe envahi. Nous le désignerons sous le nom de parasite erratique.

Nous nommerons hôte transitoire celui dans lequel l'embryon se développe naturellement et acquiert la condition de larve, mais jamais son développement total; hôte naturel celui que le parasite habite à l'état de larve lorsque l'adulte vit indépendant. Enfin nous appellerons hôte étranger ou accidentel l'individu qui loge le parasite égaré.

VIII. PROPAGATION. PRÉSERVATION. 1. Propagation des parasites. Depuis les temps les plus reculés et presque jusqu'à nos jours, deux théories relatives à la génération des parasites avaient paru suffire à expliquer leur origine. L'une regardait ces êtres (les Vers intestinaux au moins) comme héréditaires et passant du père à l'enfant; on faisait ainsi remonter cette origine au père du genre humain pour ce qui est des parasites de l'homme. L'autre théorie était celle de la génération spontanée.

Quant à l'hérédité des vers intestinaux, cette opinion fut surtout celle des médecins anciens qui, ne connaissant que trois sortes de vers chez l'homme et pour ainsi dire aucune chez les animaux, n'avaient en outre sur la nature de ces parasites que des idées fort erronées. Elle fut bientôt abandonnée par les naturalistes qui, comme Bremser, comptèrent chez l'homme 12 espèces de vers intestinaux, 8 chez le chien, 9 chez le cheval, 11 chez le bœuf, etc.

La transmission de certains parasites peut cependant avoir lieu par hérédité.

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