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XV

Nous venons d'exposer les considérations générales qui, sous le rapport du droit des gens et de la politique, repoussent le projet d'annexion. Examinons maintenant quelle ligne de conduite les grandes puissances ont intérêt à suivre en face des complications politiques survenues dans l'Italie centrale.

Laissons de côté l'Autriche, dont l'attitude s'est trop nettement dessinée à Villafranca, pour avoir besoin d'être expliquée.

Commençons par la France, qui, de l'aveu du Moniteur (28 septembre dernier), a pris des engagements vis-à-vis de la Cour de Vienne au sujet de la rentrée des archiducs. Le principe légal de ces engagements dérive de la convention conclue à Vienne entre l'empereur Charles VI et le roi Louis XV, le 28 août 1736. Après l'extinction de la maison des Médicis, dans la personne de Jean Gaston (1737), la Toscane fut donnée par la paix de Vienne (1736) au duc de Lorraine, FrançoisÉtienne, époux de Marie-Thérèse, en échange de ses États héréditaires cédés à la France (1). Celle-ci comme il était juste, prit l'engagement de maintenir la maison de Lorraine dans la jouissance de

(1) Recueil des Traités, etc., p. 65.

ses possessions nouvellement acquises en Italie. Les stipulations relatives à cette garantie, renfermées dans l'article 5 de la convention précitée, sont conçues textuellement ainsi qu'il suit :

« Rien n'étant plus juste que de procurer à la maison de Lorraine une entière sûreté à l'égard de ce qui est destiné à l'indemniser du grand sacrifice qu'elle fait d'abandonner son ancien patrimoine, il a été convenu par le deuxième article des préliminaires, signés le 3 octobre 1735, que toutes les puissances qui prendront part à la pacification lui en garantiront la succession éventuelle; en conséquence de quoi Sa Majesté Très-Chrétienne renouvelle pour elle et pour ses successeurs, dans la meilleure forme, la garantie susdite tant en faveur de Son Altesse Apostolique le duc de Lorraine que de toutes les personnes qui auraient eu droit de succéder dans les duchés de Lorraine et de Bar. Enfin, Sa Majesté Très-Chrétienne promet de prendre, de concert avec Sa Majesté Impériale, les mesures les plus convenables et les plus efficaces pour faire garantir à la maison de Lorraine la succession en Toscane par ces puissances qui ont garanti à la sérénissime maison par le traité de Ryswick les États qu'elle possède aujourd'hui, sans que par la présente clause la prise de possession de la Lorraine puisse être retardée au delà du terme marqué dans le premier article de la présente convention. Sa Majesté Im

périale s'engageant réciproquement d'agir de concert avec Sa Majesté Très-Chrétienne, pour procurer les mêmes garanties de la possession de la Lorraine et du Barrois par le roi Stanislas, et de la réunion desdits duchés à la couronne de France après le décès de ce prince. (1) »

(1) Il nous paraît utile de reproduire ici une note émanée du cabinet de Vienne, pour constater et faire ressortir les garanties données à ce sujet par la France et les autres puissances contractantes du traité de 1736.

Le prince de Schwarzemberg au comte de Colloredo.

EXTRAIT.

« Vienne, 25 février 1849.

» En face des éventualités du mouvement révolutionnaire qui embrasse le grand-duché de Toscane, comme les autres États de l'Italie, nous jugeons à propos de rappeler les rapports particuliers qui existent entre l'Autriche et la Toscane.

>> Par l'article C de l'acte final du congrès de Vienne, l'archiduc Ferdinand a été rétabli, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs, dans tous les droits de souveraineté et de propriété sur le grand-duché de Toscane et ses dépendances.

» ont été également rétablies par cet article, les stipulations de l'article II du traité de Vienne du 3 octobre 1735, entre l'empereur Charles VI et le roi de France Louis XV, auxquelles accédèrent les autres puissances Outre les autres garanties qui en résultent, il ressort de ces stipulations que la France a garanti à la maison de Lorraine la possession de la Toscane. En accédant aux articles préliminaires de Vienne, les rois d'Espagne, des Deux-Siciles, de Sardaigne, et enfin le corps germanique, ont participé aux engagements contractés par la France; par l'article du traité de Vienne du 28 août 1736, la France a renouvelé, de la manière la plus solennelle, la garantie donnée à la maison de Lorraine.

>> François Ier, empereur de l'Allemagne, érigea, en 1763, le grand-duché de Toscane, échu à sa maison pour l'indemniser

Le roi Stanislas étant décédé le 23 février 1766, le patrimoine des anciens ducs de Lorraine et de Bar fut effectivement incorporé à la France, qui, de ce chef, et en vertu de la convention que nous venons de citer, est plus particulièrement tenue d'effectuer la garantie promise.

Lorsque, dans la soirée du 1er décembre 1852, les trois grands corps de l'État se rendirent à Saint-Cloud pour être les premiers à saluer LouisNapoléon du nom d'empereur, l'élu de la nation prononça du haut du trône, où il montait pour première fois, ces mémorables paroles :

la

<< Non-seulement je reconnais les gouverne» ments qui m'ont précédé, mais j'hérite en quel» que sorte de ce qu'ils ont fait de bien ou de mal, >> car les gouvernements qui se succèdent sont, » malgré leurs origines différentes, solidaires de >> leurs devanciers. >>

de la cession de l'héritage de ses ancêtres, en secondogéniture de la dynastie actuellement régnante en Autriche.

>> Aux termes de l'acte des fondations de François Ier, la Toscane, à l'extinction de la branche cadette, est réversible à la branche aînée de cette dynastie. Ces données suffisent pour démontrer que l'Autriche a le droit positif et incontestable de s'opposer, par tous les moyens qu'elle jugera convenables, à tout acte tendant à dépouiller la maison de Habsbourg-Lorraine des droits de souveraineté qu'elle exerce dans le grandduché de Toscane, en vertu d'anciens traités, pleinement confirmés par l'acte final du congrès de Vienne.

» En présence de ce qui se passe actuellement en Toscane, il est de notre devoir de faire expressément nos réserves en faveur des droits de l'Autriche et des moyens de les faire valoir. »

L'Europe accepta ces paroles comme un précieux gage de la loyale exécution des traités conclus entre elle et les différents gouvernements qui se sont suivis en France. Dans l'entrevue de Villafranca, François-Joseph y fit allusion, et obtint, comme les notes insérées dans le Moniteur du 9 septembre et du 3 octobre l'attestent, un engagement formel de la part de l'empereur des Français, touchant la rentrée du grand-duc de Toscane dans ses États.

La vérité exige de reconnaître qu'antérieurement aux engagements de Villafranca, Napoléon III avait arrêté dans sa pensée de sauvegarder la nationalité toscane,

Nous en trouvons la preuve authentique dans un rapport adressé par M. Scarlett au cabinet anglais, à la date du 17 mai (1).

« Le marquis de Ferrière-le-Vayer, ministre de France, y est-il dit, - a tâché de persuader au signor Peruzzi, le chef du gouvernement provisoire, qu'il ne serait ni prudent ni désirable de placer le chevalier Buoncompagni comme commissaire piémontais au faîte suprême du nouveau gouvernement de Florence, et que, pour préserver la nationalité toscane, il vaudrait beaucoup mieux garder un Toscan à la tête des affaires, et n'accréditer le signor Buoncompagni qu'en qualité de com

(1) Further correspondence, page 78.

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