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les États de l'Europe qui, pendant les guerres de la révolution, avaient disparu, eussent à revivre encore, sans considérer si leur rétablissement ne ramènerait pas aussi les anciens dangers pour l'Europe, j'aurais lieu d'être honteux que l'Angleterre eût adhéré à un système tellement dépourvu de sens (system of such imbecillity). »

Passant ensuite à la question relative à la formation du royaume d'Italie, le ministre britanninique poursuit:

<< Les Italiens n'ont rien fait pour secouer le joug français, et comme les puissances confédérées ne doivent tous leurs succès qu'à leurs propres armes, l'Italie ne saurait être considérée autrement que comme pays conquis. Il fallait à tout prix gagner l'Autriche pour qu'elle s'unît étroitement à nous; il fallait donc, pour relever sa puissance, consacrer le principe que l'Italie septentrionale serait soumise au sceptre d'un souverain d'origine non italienne. D'ailleurs, déjà en vertu du traité de Paris, la domination autrichienne en Italie avait été étendue jusqu'au Pô et au Tessin. >>

Et plus loin, lord Castlereagh ajoute :

« Les préjugés des peuples ne méritent d'être pris en considération qu'autant qu'ils ne s'opposent pas à la réalisation d'un but déterminé; or, les puissances confédérées s'étant engagées par le traité de Paris à garantir la sûreté de l'Europe,

cette sûreté générale nous forçait à faire violence aux sentiments des Italiens. >>

A Dieu ne plaise que nous souscrivions jamais à la funeste doctrine, qu'il faille traiter l'Italie en pays conquis. Nous ne citons le discours de lord Castlereagh, que pour montrer la connexion qu'ily a entre ces paroles prononcées il y a quarantequatre ans, et l'attitude actuelle du ministère anglais par rapport aux complications italiennes; tant il est vrai qu'au-delà du canal les ministres se suivent et se ressemblent.

Aussi longtemps que le résultat de la guerre, entreprise par la France au printemps dernier, était indécis, l'Angleterre protestait surtous les tons qu'elle ne sortirait point de la stricte neutralité. Mais, lorsque le prestige de la victoire et la prompte conclusion de la paix à Villafranca, rendirent Napoléon III arbitre suprême des destinées de l'Italie, lord Palmerston et lord John Russell se rappelèrent l'enseignement que leur avait légué lord Castlereagh.

L'Autriche, ayant cédé la Lombardie, n'apportait plus l'appoint d'autrefois à l'alliance anglaise en Italie. On jeta les yeux sur le Piémont, qui ne demandait pas mieux que de placer ses convoitises sous l'égide du cabinet britannique.

Que les journaux de Londres se montrent les champions zélés de l'annexion, cela s'explique parfaitement; ils sont dans leur rôle lorsqu'ils tra

vaillent à l'amoindrissement de l'influence fran

çaise au-delà des Alpes. Mais, que la presse française n'ait pas encore deviné qu'à l'aide de l'incorporation de l'Italie centrale au Piémont, les hommes d'État de l'Angleterre veulent élever un boulevard contre la France, à l'instar de 1815, cela étonne profondément.

Heureusement, ni la cour de Berlin ni celle de Pétersbourg ne suivront la Grande-Bretagne sur ce terrain glissant. Leurs sympathies sont acquises positivement au rétablissement des anciennes dynasties dans l'Italie centrale. Le résultat de l'entrevue du Czar avec le prince-régent de Prusse, à Breslau, prélude déjà à l'heureuse entente qui s'établira sur ce point au prochain congrès entre l'Autriche, la France, la Prusse et la Russie, et qui modifiera essentiellement les vues isolées de l'Angleterre (1).

(1) Rien n'est moins fondé que l'assertion de certains journaux, suivant lesquels la cour de Pétersbourg élèverait des difficultés contre la rentrée du grand-duc. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à feuilleter le dernier Blue-Book anglais qui, à la page 105, contient la dépêche très courte, mais très significative que voici :

Lord Cowley au comte de Malmesbury.

« Paris, 7 juin 1859.

« L'ambassadeur de Russie a formellement notifié au gouvernement français, que l'empereur de Russie ne reconnaîtra point le gouvernement provisoire de Toscane, attendu que Sa Majesté impériale considère le grand-duc comme légitime souverain de ce duché. »

XVII

Au prestige du pouvoir, Mme la Duchesse-Regente de Parme réunit la double couronne du malheur et de la maternité. Son berceau, comme l'a dit un écrivain (1), a été presque arrosé du sang de son père; elle a été élevée sous les larmes de sa mère. A peine son enfance entrevoyait-elle les splendeurs du trône, qu'elle a été assaillie par la tempête, et que, mêlée au cortège de trois géné–. rations de rois, elle a dû prendre le dur chemin de l'exil. Élevée loin de la terre natale, par la fille de Louis XVI, elle acquit de bonne heure le trésor de toutes ces sublimes vertus qu'elle devait déployer aux jours de l'épreuve.

Mariée en 1845 à l'infant Charles de Bourbon, prince héréditaire de Parme, qui, par suite de l'abdication de son père, était monté sur le trône, elle vit, le 26 mars 1854, rapporter au palais de la résidence ducale son époux, qu'un lâche assassin avait frappé au cœur, en plein midi. Veuve à trente-quatre ans, avec quatre enfants en bas âge, elle assuma, au milieu de difficultés et de périls de toutes sortes, le gouvernement d'un pays qu'elle connaissait à peine, mais dont elle était bien décidée

me

(1) Mm. la duchesse de Parme et les derniers événements, par H. de Riancey.

à faire le bonheur. Son premier soin fut de rétablir l'ordre dans les finances, en s'imposant à elle-même et à sa famille la plus rigoureuse économie. Travaillant sans cesse à développer les nombreuses ressources du pays, elle y ramena bientôt l'abondance et la prospérité. En un mot, aidée de ministres éclairés, elle réussit en quelques années à réparer les fautes du passé et à jeter les bases d'un heureux avenir. Le temps qu'elle pouvait dérober aux affaires d'Etat, elle le consacrait aux soins de ses enfants, dont elle dirigeait elle-même l'éducation.

Le tableau d'une mère couvrant de sa plus tendre sollicitude le diadème de son fils, et affrontant avec un mâle courage et une énergie toute virile les dangers d'une époque grosse d'orages, était trop touchant pour jamais laisser croire qu'il n'arrêterait pas l'ambition de Victor-Emmanuel. Il y avait même à espérer que si le trône de Robert Ior était sérieusement menacé par les menées révolutionnaires, l'épée de l'Italie volerait au secours de la veuve et de l'orphelin, avec cet élan chevaleresque dont s'honoraient jadis les preux de la maison de Savoie.

Quelle ne fut donc pas la surprise de l'Europe en voyant, au commencement de la dernière guerre, le comte de Cavour, par une note que l'on devrait plutôt appeler un réquisitoire de procureur, rendre la duchesse-régente responsable des opéra

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