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assumées par anticipation à Villafranca, a été nettement définie dans la note du Moniteur du 9 septembre. Cette note établit que les rapports de l'Autriche à l'égard de la Confédération italienne seront conformes à ceux qui existent, en vertu de l'acte fédéral germanique, entre le royaume des Pays-Bas et le grand-duché de Luxembourg.

Il n'est donc pas sans intérêt de voir comment le Congrès de Vienne a défini les rapports spéciaux du roi des Pays-Bas avec la Confédération germanique en sa qualité de grand-duc de Luxembourg.

L'article 47 de l'acte final du Congrès de Vienne se trouve ainsi conçu :

<< La partie de l'ancien duché de Luxembourg >> comprise dans les limites spécifiées par l'article » suivant, est également cédée au prince souve>> rain des Provinces-Unies, aujourd'hui roi des » Pays-Bas, pour être possédée à perpétuité par >>> lui et ses successeurs en toute propriété et sou» veraineté. Le souverain des Pays-Bas ajoutera à >> ses titres celui de grand-duc de Luxembourg, » et la faculté est réservée à Sa Majesté de faire, >> relativement à la succession dans le grand-du» ché, tel arrangement de famille entre les princes >> ses fils qu'elle jugera conforme aux intérêts » de la monarchie et à ses intentions particu» lières.

» Le grand-duché de Luxembourg, servant de >> compensation pour les principautés de Nassau» Dillenbourg, Siegen, Hadamar et Dietz, formera » un des États de la Confédération germanique, » et le prince, roi des Pays-Bas, entrera dans le » système de cette Confédération comme grand» duc de Luxembourg, avec toutes les prérogati» ves et priviléges dont jouiront les autres princes » allemands. >>

Des dispositions conventionnelles que nous venons de citer, deux principes essentiels ressortent la souveraineté pleine et entière que le roi des Pays-Bas conserve à l'égard du grand-duché de Luxembourg; la garantie de toutes les prérogatives et priviléges dont jouissent les autres princes allemands membres de la Confédération germanique.

Cela nous amène nécessairement à dire quelques mots sur la constitution organique de la Confédération même.

Pour donner plus d'autorité à ce qu'il nous reste à expliquer, nous allons laisser parler les hommes d'État les plus compétents.

M. Wheaton, écrivain politique éminent, qui a rempli pendant bien des années les fonctions de ministre plénipotentiaire des Etats-Unis à Berlin, et qui, par conséquent, a été à même d'étudier de près le jeu des institutions fédérales de l'Alle

magne, en définit le caractère essentiel en ces termes (4):

«Des États souverains liés ensemble par un pacte fédéral peuvent former, par leur union, ou un système d'États confédérés proprement dit, ou un gouvernement fédéral suprême, qu'on appelle quelquefois État composé (2).

>> Dans le premier système, qui peut être considéré comme analogue à un traité d'alliance égale entre des puissances souveraines, chacun des co-États, quoique tenu à l'observation des mesures arrêtées en commun, conformément au pacte fédéral, conserve néanmoins sa souveraineté, sauf les restrictions qui y ont été faites. Les décisions d'intérêt général prises par le corps fédéral ne sont transformées en lois ou mises à exécution dans chaque État séparé que par l'action du gouvernement local de cet État, qui les adopte ou les décrète en vertu de sa propre autorité. D'où il suit que chaque État confédéré en particulier, et le corps fédéral pour les affaires d'intérêt commun, peuvent devenir, chacun dans la sphère de leurs attributions, l'objet de relations diplomatiques distinctes avec d'autres nations.

(1) Eléments du droit international, par Henry Wheaton, 2e édition, tome I, page 55.

(2) Ces deux sortes de pacte fédéral sont clairement indiquées dans la langue allemande par les termes de Staatenbund et Bundesstaat.

>> Dans le second cas, le gouvernement fédéral créé par le pacte d'union est souverain et suprême dans la sphère de ses attributions, et ce gouvernement agit, non-seulement sur les États membres de la Confédération, mais encore directement sur les citoyens. La souveraineté séparée de chaque co-État est essentiellement altérée par les pouvoirs qui sont attribués à l'autorité fédérale, et par les restrictions qui sont apportées à la souveraineté de chaque membre de la ligue. L'État composé qui résulte de cette ligue est alors à lui seul une puissance souveraine.

» L'Allemagne, telle qu'elle a été constituée sous le nom de Confédération germanique, nous offre l'exemple d'un système d'États souverains liés ensemble par une Confédération égale et per

manente. >>>

On se rappelle que, le 2 août 1832, il y eut, à la Chambre des communes d'Angleterre, une discussion très importante, provoquée par la motion de M. Henry Lytton Bulwer, concernant le droit du cabinet britannique à intervenir à l'égard de certaines mesures prises par la Diète la Diète germanique, droit résultant du fait que la Grande-Bretagne était co-signataire de l'acte final de Vienne. Parmi les arguments produits par lord Palmerston, en sa qualité de ministre des affaires étrangères, pour combattre la motion de M. Henry Lytton Bulwer, figurait celui-ci que « le but de la

Confédération germanique était, non-seulement le maintien de la sûreté extérieure et intérieure des États confédérés, mais aussi le maintien de leur indépendance séparée (1). »

Il est donc évident que si l'empereur FrançoisJoseph et Napoléon III, comme en fait foi la note du Moniteur du 9 septembre, sont convenus à Villafranca de régler les rapports de la Vénétie avec la future confédération italienne, sur le même pied que les les rapports fédéraux existant entre le grandduché de Luxembourg et la Confédération germanique, le principe de la souveraineté, dans toutes ses conséquences légales, demeure intact.

En d'autres termes, les Etats italiens, tout en faisant partie de la future confédération, conserveront leur autonomie et leur indépendance séparée. C'est ce qui facilite essentiellement les négociations que l'Autriche et la France s'engagent, par la paix définitive de Zurich, à poursuivre en commun auprès des autres États de la Péninsule pour les amener à s'allier par un pacte fédéral.

XXI

Le traité de Zurich apporte un notable changement aux arrangements territoriaux stipulés dans l'acte final du Congrès de Vienne, signé par les huit principales puissances de l'Europe. D'après

(1) Histoire des progrès du droit des gens en Europe et en Amérique, par H. Wheaton, tome II, page 167.

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