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rons connaître le résultat déjà obtenu à Rome, grâce aux démarches du duc de Gramont, auxquelles le nouvel ambassadeur d'Autriche, le baron de Bach, s'est associé dès son arrivée dans la capitale du monde chrétien.

VII.

Dans la Conférence de Villafranca, l'empereur Napoléon III tenait la plume, et notait, à mesure, les points sur lesquels les deux Souverains tombaient d'accord. Il fut convenu entre eux que la convention préliminaire ne réglerait que les questions politiques, renfermées dans les cinq points qui viennent d'être exposés. Quant aux arrangements accessoires qui découlaient des premiers, l'empereur des Français se réserva de traiter ultérieurement avec le comte de Rechberg, au quartier-général de Valeggio.

Lorsque François-Joseph et Napoléon III eurent ainsi arrêté les bases de la paix préliminaire, ils se serrèrent étroitement la main et s'embrassèrent affectueusement en signe de leur pleine et parfaite réconciliation.

Ils descendirent ensuite pour passer en revue l'escadron de hulans (lanciers) qui avait servi d'escorte à l'empereur d'Autriche et qui se tenait

devant la maison où avait eu lieu l'entrevue de LL. MM.

Napoléon III examina dans les moindres détails l'uniforme et l'équipement des soldats, le harnachement des chevaux, fit descendre de cheval plusieurs hommes, inspecta la forme des selles, et parut émerveillé de l'aspect élégant de ce beau corps, qui rivalise avec les hussards hongrois. L'empereur des Français adressa à son auguste interlocuteur les éloges les mieux sentis sur l'aspect vraiment martial de l'armée autrichienne, et sur son admirable tenue.

Les deux Monarques se séparèrent à onze heures, en échangeant des protestations d'amitié réciproque; l'un reprit avec sa suite le chemin de Vérone; l'autre rentra avec son état-major au quartier-général de Valeggio.

La nouvelle de la trève militaire, conclue le 8 juillet, fut connue le même jour à Turin par le té– légraphe. Frappé de ce que la durée en avait été stipulée pour cinq semaines, le comte de Cavour, avec la sagacité qui lui est propre, devina aussitôt les dispositions pacifiques de Napoléon III; il se hâta de quitter la capitale du Piémont le 9 juillet, à quatre heures de l'après-midi, pour aller au quartier-général enrayer les négociations de paix. Lorsqu'il y arriva, l'entrevue des deux Empereurs était déjà décidée. M. de Cavour essaya de persuader au roi Victor-Emmanuel qu'il ne pou

vait pas ratifier la paix de Villafranca, ainsi que Napoléon III le lui demandait. L'insuccès de ses efforts amena nécessairement la démission du comte de Cavour.

Dans l'entrevue de Villafranca, les deux Empereurs s'étaient bornés à consigner sur le papier les bases préliminaires de la paix. L'expédition de la convention (1) en double exemplaire n'eut lieu qu'ensuite. L'exemplaire destiné à l'Autriche, revêtu de la signature de l'empereur des Français et de la ratification du roi de Sardaigne, fut apporté à Vérone le lendemain par le prince Napoléon, chargé de rapporter le second exemplaire muni de la signature de François-Joseph.

Cependant, le comte de Rechberg, accompagné du prince Richard de Metternich (2), était ar– rivé au quartier-général de Valeggio, pour soumettre à l'examen de Napoléon III, dans un mémoire motivé, les questions dont le réglement avait été ajourné au lendemain.

(1) Nous en reproduisons la teneur dans l'annexe B.

(2) Le prince Richard de Metternich, fils aîné du célèbre diplomate, avait, durant les complications orientales, et avant d'être nommé ministre plénipotentiaire à Dresde, rempli les fonctions de secrétaire de légation à Paris, et s'était concilié au plus haut degré, la bienveillance de l'empereur des Français. S. M. se montra charmée de le revoir au quartier-général de Valeggio, et témoigna ouvertement au comte de Rechberg le désir que le prince fût accrédité en qualité d'ambassadeur près la cour des Tuileries, lors de la reprise des relations officielles.

Le mémoire du comte de Rechberg embrassait, si nous sommes bien informé, dix-neuf points, dont voici les principaux :

La quote-part de la dette publique de l'Autriche, qui devait être assumée par la Sardaigne, par suite de la cession de la Lombardie;

La restitution des navires de commerce capturés par les croiseurs français durant la guerre;

La mise en liberté des équipages de ces bâtiments, et de tous les prisonniers de guerre;

Le renvoi des régiments lombards au service de l'Autriche;

Les conditions auxquelles la faculté d'émigrer serait accordée aux habitants du territoire lombard cédé par le traité (1);

La situation à faire aux sujets mixtes;

L'apurement des comptes relatifs aux chemins de fer lombards, construits aux frais de l'Autriche, et cédés par elle à une compagnie privée; La libre navigation du Pô.

(1) Côme, Cuggiono, Gallarate et d'autres centres de l'industrie séricicole lombarde, doivent leur prospérité au débouché assuré que leurs tissus de soie trouvaient sur le marché autrichien. Par suite de leur incorporation au Piémont, la ligne de douanes déjà établie entre la Lombardie et la Vénétie, en assujétissant leurs produits à des droits d'entrée dont ils étaient exempts, les met désormais dans l'impossibilité de soutenir la concurrence des fabricants français, anglais et allemands. Aussi des milliers de tisserands lombards se disposent-ils à aller s'établir à Vérone, Vicence et Padoue, pour n'être pas privés du travail qui les nourrit.

Le comte de Rechberg réclamait enfin la levée du séquestre dont les autorités sardes, après la retraite de l'Autriche, avaient frappé les propriétés léguées par feu le marquis Fassoni, au profit de certains établissements d'instruction publique. Napoléon III parcourut attentivement le mémoire élaboré par le comte de Rechberg; après avoir échangé avec lui des explications sur chaque sujet, il apposait en marge, en signe d'adhé– sion, quelques indications sommaires. L'étiquette ne permettait pas qu'un souverain, traitant avec le mandataire d'un autre souverain, revêtît le mémoire de son paraphe, ainsi que cela se pratique entre agents diplomatiques.

Nous venons d'esquisser à grands traits les bases de la paix préliminaire de Villafranca, et de retracer la négociation de Valeggio qui lui servit de complément. Quittons maintenant les plaines fertiles de l'Adige et du Mincio, où dans l'espace de quelques jours se sont accomplis de si grands événements. Que le lecteur veuille bien nous suivre aux bords du lac de Zurich, où nous allons trouver la Conférence à l'œuvre.

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