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A cela le gouvernement français répondit, que. l'invention des canons rayés est encore trop récente, pour pouvoir déjà être érigée en système; qu'il faudrait, en tous cas, avant qu'on en pût déduire des principes et des conséquences pratiques, qu'elle fût sanctionnée par le temps et par une application plus complète.

Les plénipotentiaires se mirent d'accord pour proposer à leurs gouvernements respectifs d'adopter une distance de trois mille cinq cents mètres comme moyen de transaction, et ce rayon a fini par être accepté de part et d'autre.

En jetant les yeux sur la carte topographique du royaume lombardo-vénitien, on trouve tout naturel que les deux souverains, pour déterminer la nouvelle frontière entre la Lombardie et la Vénétie, se soient bornés à tracer du doigt une ligne droite le long du Mincio.

Les cartes topographiques de la plus grande dimension ne peuvent rendre les nombreuses et considérables sinuosités que le Mincio décrit dans son parcours. Il devenait donc impossible aux plénipotentiaires d'établir la frontière en ligne droite, sans s'éloigner du cours du Mincio, et prendre le thalweg du fleuve; c'était renoncer à la ligne droite.

La Convention de Villafranca était, par les raisons que nous avons exposées plus haut, absolue et définitive; il n'était pas donné à la Conférence

de s'en écarter, même sur un simple détail, sans en référer aux augustes contractants. Le thalweg du Mincio a été adopté par eux pour servir de ligne de direction aux limites frontières, qu'une commission spéciale reste chargée de tracer.

X

« Il est à désirer, a dit Napoléon Ier (1), qu'un temps vienne où les mêmes idées libérales s'étendent sur la guerre de mer, et que les armées navales des deux puissances puissent se battre, sans donner lieu à la confiscation des navires marchands, et sans faire constituer prisonniers de guerre de simples matelots du commerce ou les passagers non militaires. Le commerce se ferait. alors sur mer, entre les nations belligérantes, comme il se fait sur terre, au milieu des batailles que se livrent les armées. >>

La belle et généreuse pensée du plus grand génie de notre siècle a été en grande partie réalisée par la déclaration du 16 avril 1854. Cette déclaration, émanée du Congrès de Paris, et due à l'initiative de la France, a consacré, à l'égard du commerce des neutres, le triomphe des véritables principes de liberté et d'humanité qui doivent dé

(1) Mémoires de Napoléon, t. 3, ch. 6, § 1, p. 301.

sormais présider aux rapports maritimes des nations civilisées.

Mais, pour compléter la pensée de Napoléon Ier, une très importante lacune reste à remplir c'est celle que signale le cabinet de Washington, dans le Memorandum adressé par M. Marcy, en date du 28 juillet 1856, aux puissances signataires de la déclaration du 16 avril.

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<< Les raisons, dit ce document, en faveur de la doctrine que la propriété particulière doit être exempte de toute saisie dans des opérations militaires, ont été considérées, au temps éclairé où nous vivons, comme assez fortes pour en assurer l'adoption partielle par toutes les nations civilisées; mais il serait difficile de trouver quelque raison substantielle pour justifier la distinction qui existe aujourd'hui en pratique entre la propriété des particuliers sur terre et celle qu'on rencontre sur l'Océan.

>> Si la déclaration adoptée à Paris a pour but d'abolir cette distinction et de donner aux propriétés des sujets belligérants la même sécurité contre les ravages sur l'Océan que celle qui est accordée aujourd'hui à leurs propriétés sur terre, le Congrès de Paris est resté bien loin du résultat qu'il s'était proposé, en ne plaçant pas les effets individuels des belligérants à l'abri des vaisseaux de guerre, aussi bien que des vaisseaux armés en course. Si ces biens doivent rester exposés à être

capturés par des vaisseaux appartenant à la marine de la partie adverse, il est extrêmement difficile de comprendre comment ils ne seraient pas également exposés à être capturés par des vaisseaux armés en course, qui ne sont, à les bien considérer, qu'une branche de la force publique de la nation qui leur a délivré des lettres de marque. >>

Les Etats-Unis se déclaraient prêts à accorder leur adhésion à la déclaration du 16 avril, sous la condition seulement que l'abolition de la course fût accompagnée de l'énoncé que la propriété privée des sujets ou citoyens des nations belligérantes serait exempte de saisie sur mer de la part des marines militaires respectives (1).

La France, ayant toujours proclamé et soutenu les principes les plus libéraux du droit maritime, ne pouvait manquer d'être frappée de la justesse des arguments produits par le cabinet de Washington, en faveur d'une mesure réclamée autant par la justice que par le besoin d'adoucir les maux terribles de la guerre.

En attendant une occasion favorable pour entamer, avec les puissances représentées au Congrès de Paris, des négociations à l'effet de compléter la déclaration du 16 avril par une réforme aussi salutaire, le gouvernement de Napoléon III, dé

(1) Voyez le rapport adressé à l'Empereur par M. le comte Walewski, en date du 12 juin 1858, et inséré dans le Moniteur du surlendemain.

sireux d'épargner autant que possible, durant la guerre qui allait éclater la propriété privée appartenant aux sujets des puissances belligérantes, fit insérer dans le Moniteur du 5 mai la note suivante :

«L'Empereur a décidé, sur la proposition de S. E. le ministre des affaires étrangères, que les sujets autrichiens qui se trouvent actuellement en France, en Algérie ou dans les colonies rançaises, seraient autorisés à y continuer leur résidence et leurs entreprises commerciales pendant la durée de la guerre, tant que leur conduite ne fournirait aucun motif de plainte.

» L'admission des sujets autrichiens sur le territoire de l'Empire est, à partir de ce jour, subordonnée à des autorisations spéciales qui ne seront accordées qu'à titre exceptionnel.

» Quant aux bâtiments de commerce autrichiens actuellement dans les ports de l'Empire, ou qui y entreraient dans l'ignorance de l'état de guerre, Sa Majesté a bien voulu ordonner qu'ils auraient un délai de six semaines pour quitter ces ports, et qu'ils seraient pourvus de saufs-conduits pour pouvoir rentrer librement dans leurs ports d'attache, ou se retirer dans des ports neutres. »

Le cabinet de Vienne s'empressa de répondre à cette déclaration par une ordonnance, en date du 14 mai, qui accordait la plus large réciprocité tant à l'égard de la France que de la Sardaigne.

Soit que la note du Moniteur ait été inexactement traduite, soit que les capitaines des navires marchands d'Autriche n'aient pas bien compris que des saufs-conduits ne seraient accordés qu'aux navires qui se trouvaient déjà dans les ports de France, ou qui y entreraient dans l'ignorance

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