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» Rien ne sauroit donner une idée de l'aspect de Lucknow, vu du haut du minaret ou du toit de l'Imaubarra; on aperçoit une mer de toits parsemée d'arbres et de jardins, le tout surmonté de ces dômes dorés et de ces légers minarets où brillent les innombrables ornements de l'architecture orientale. La grande salle de l'Imaumbarra, qui paroit avoir servi de musée et qui contenoit plusieurs curieux modèles de mosquées, de belles coupes et des chandeliers n'étoit plus qu'un monceau de ruines, et tous les bâtiments portoient la trace des bombes et des boulets. En nous frayant un chemin au milieu des Sikhs, occupés à faire fondre des broderies d'or et d'argent, nous sommes arrivés au Kaiserbagh par la route qu'avoit suivie l'arrière-garde d'Havelock pour pénétrer jusqu'à la résidence, Les fenêtres des maisons étoient bouchées avec des briques percées de meurtrières et tous les toits étoient surmontés d'un parapet. Nous sommes entrés dans une cour du palais entourée de pièces dont les fenêtres étoient fermées par des jalousies. Les murs étoient ornés de fresques représentant des faits d'armes et des danseuses. Sur l'un des côtés de la cour, on apercevoit les arbres d'un jardin, et tout indiquoit que nous étions près du harem et que les bâtiments qui nous entouroient étoient les appartements des eunuques.

» Nos hommes s'amusoient fort de vêtements brillants des eunuques qu'ils découvroient dans ces pièces, et il étoit difficile de les amener à ôter les dentelles, les plumes de paon et d'oiseaux de paradis qu'ils se mettoient sur la tête. Dans ces bâtiments on a trouvé un grand nombre de cerfs-volants qui paroissent servir aux plaisirs de ces peuples aussi puérils que sauvages. Les soldats ont pris aussi des chèvres, des chevaux, des cigognes, des singes apprivoisés, des antilopes et des perroquets. Cette investigation zoologique fut interrompue par quelques coups de feux tirés sur nous des fenêtres voisines. Je passois à une autre cour qui étoit à couvert du feu et où nos hommes avoient fait un riche butin. Ils avoient forcé quelques appartements, et ils se partageoient des châles, des broderies d'or et d'argent et en perles. Assis à l'ombre dans un coin de cette cour, nous avions vu quelques soldats prendre assez de richesses pour dans l'aisance pendant toute leur vie. Les pièces qui nous environnoient avoient servi de magasins, et chaque fois que les hommes y pénétroient, ils en sortoient chargés de quelque riche trophée. Dans une boite, on a trouvé des bracelets de diamants, d'émeraudes, de rubis, d'opales d'une telle dimension et si mal montés que nous les avons d'abord pris pour du verre. Dans une autre boîte, il y avoit une paire de pistolets anglais montés en or et ornés de pierreries, avec une facture portant que le roi d'Oude devoit au fabricant 280 liv. st. (7,000 fr.); il y avoit aussi des paquets de sabres montés en or, ornés de pierreries: les soldats les cassoient pour prendre la poignée et abandonnoient la lame. Il y avoit tout un laboratoire de chimie, une selle en drap d'or cousue de perles, des cravaches à

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pommes d'or, des coupes d'agathe et de jaspe montées en or et en pierres précieuses, etc.

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» Les heureux possesseurs de ces richesses étoient presque fous de joie et ne cessoient de nous questionner : « Est-ce de l'or cela, » Monsieur? Est-ce un vrai diamant? Votre Seigneuric est-elle sùre » que c'est du véritable or ? Ce cordon de petites pierres blanches (les) perles) a-t-il quelque valeur? » Dans de pareilles circonstances, c'étoit un malheur d'avoir une conscience, et un peu plus grand de ne pas avoir un penny dans sa poche; car, ainsi que le faisoit observer un de nos soldats, on ne faisoit d'affaires que pour de l'argent complant. Ce même soldat avoit en outre une manière d'opérer toute particulière. S'il apercevoit quelqu'indigène ramassant furtivement quelque objet précieux, il s'élançoit sur lui son fusil à la main, en s'écriant: Voulez-vous bien laisser cela ? cela m'appartient, je l'avois caché moi-même en cet endroit. » Il avoit dans son regard une expression qui faisoit si clairement comprendre son intention, que l'objet redemandé lui étoit aussitôt remis; s'il étoit sans valeur notre homme en faisoit généreusement cadeau. Tout près de là il y avoit des boîtes japonnaises contenant littéralement des milliers de coupes et de vaisseaux en jaspe, en cristal et en porcelaine que les soldats mettoient en pièces. Si l'ennemi nous avoit attaqués dans ce moment, la moitié de nos troupes n'auroient pu se mettre sur la défensive. Les mêmes scènes se renouveloient dans toutes les cours du Kaiserbagh.

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» Cependant le commandant avoit appris que les femmes du harem étoient cachées dans une des parties les plus fortes du palais. Quelques officiers, à la tête de deux compagnies, furent aussitôt envoyés sur les lieux. Des soldats avoient déjà forcé la porte, et ignorant que cet appartement füt habité par des femmes, ils avoient déchargé leurs fusils et tué un jeune sourd-muet, fils d'une des begums, ainsi que plusieurs femmes. On peut imaginer quelle terreur s'étoit emparée des begums et de leur suite: elles s'attendoient à tout moment à être conduites à la mort. Ce n'est qu'à grand'peine que les officiers purent les calmer et prendre des mesures pour les mettre en lieu sùr. Au moment où elles sortoient, une des femmes montra au capitaine Hope Johnstone une boîte qu'il venoit de ramasser et de poser sur une table. Elle lui dit que cette boite contenoit des bijoux pour une galeur de 10 lacs de roupies (2 millions 500,000 fr.). Le capitaine plaça aussitôt des sentinelles aux portes et donna l'ordre de ne permettre à personne d'entrer. Après avoir mis les femmes en lieu sûr, avec l'aide de son frère, il revint au harem qu'il trouva incendié dans toute son étendue. Les sentinelles ne purent s'échapper qu'en grimpant sur le toit. Les bijoux avoient disparu. Si le capitaine Johnstone les avoit pris, ils eussent été à lui; car le même jour, le Kaiserbagh a été livré au pillage et chacun a pu garder ce qu'il avoit trouvé.

» Ces magnifiques bâtiments, où jamais Européen n'avoit encore pénétré, si ce n'est un commissaire d'Oude pendant une cérémonie publique, étoient maintenant ouverts aux soldats et aux goujats de l'armée. Comme leur splendeur disparoissoit! Les scènes de destruction, les cris, le bruit des objets brisés, les hurlements des Sikhs et des natifs étoient intolérables. Je fus heureux de partir au mộment où nos mortiers commençoient à bombarder les ouvrages de l'ennemi. Dans toutes les cours il y avoit des munitions en abonbance; les boulets de 6 et de 9 étoient en fer battu. Dans l'une de ces cours on a aussi trouvé une provision de cuivre et de boulets en pierre. Dans la soirée, quand je revins au camp, il y avoit sur la route au moins 20,000 hommes pliant sous le poids du butin, des coolies, des domestiques, des porteurs, des Sikhs, des fourrageurs, couverts de vêtements qui ne leur appartenoient pas, portant, sur leur tète et sur les épaules, des miroirs, des tableaux, des vases de cuivre, des sabres, des fusils à mêche, des châles et des vêtements brodés, enfin tout ce qu'on peut trouver dans un palais saccagé. Le bruit, la poussière, les cris, l'animation ne sauroient se décrire. Tout Lucknow étoit porté au camp par morceaux; les Goorkas et les Sikhs, la bouche et les yeux grands ouverts, se frayoient un chemin contre le courant, et brûloient d'arriver à leur tour à la source de tant de richesses. >>

24. Le gros de l'artillerie devant Lucknow s'avance dans la direction du nord et marche sur Bareilly, sous le commandement du brigadier Walpole. Deux brigades, sous les ordres de sir H. Rose, marchent sur Jhansi.

27. A l'arrivée de ce dernier devant Jhansi, les rebelles, au nombre de 12,000 environ, y compris 1,500 cipayes, se retirent dans le fort. Les Anglais investissent la place et commencent le siége.

50. Les troupes commandées par le général Roberts, arrivées le 20 devant Kotah (Radjpoutana), emportent d'assaut la position des rebelles et s'emparent de la ville.

JOURNAL HISTORIQUE

DU MOIS D'AVRIL 1858.

1. Les rebelles, au nombre de 23,000 hommes, avec 18 canons, tentent de faire lever le siége de Jhansi. I's sont lattus, perdent leur artillerie, plusieurs éléphants et leurs équipages.

5. La garnison de Jhansi, voyant les Anglais maîtres des fortifications, s'échappe de la place pendant la nuit. Une partie est taillée en pièces pendant sa fuite.

9. Une ordonnance royale, datée de Charlottembourg, proroge les pouvoirs du prince de Prusse pour trois mois. M. de Manteuffel communique cet acte aux Chambres, en ajoutant que, d'après l'avis des médecins, Sa Majesté devoit s'abstenir encore pendant quelque temps des affaires, afin d'assurer le succès du traitement.

13. Grand incendie qui dévore une partie du centre de la ville de Christiania, capitale de la Norwège. On évalue le dommage à un million de thalers spécies (environ cinq millions de francs); plus de 1,000 personnes sont sans abri.

17. La cour centrale criminelle de Londres, dite Old-Bailey, rend son jugement dans la cause du docteur français Bernard, accusé de conspiration contre la vie de l'empereur Napoléon avec Orsini, Pieri, de Rudio et Gomez. Le grand jury prononce un verdict d'acquittement. Des hurrahs retentissent à l'intérieur de la cour aussi bien qu'au dehors.

25. La Chambre des députés sardes termine la discussion générale sur le projet de loi relatif aux conspirations. La commission avoit conclu au rejet pur et simple du projet. La Chambre repousse cette conclusion par 129 voix contre 29.

Dans la chambre des communes, la motion de M. Wise tendant à placer le service diplomatique sous le contrôle du parlement combattue successivement par l'honorable Fitzgerald et les lords Palmerston et John Russell, est rejetée à la majorité de 142 voix

contre 114.

25 et 26. Elections à Paris dans les 5me, 5me et 6me circonscriptions. Il s'agissoit de nommer trois députés en remplacement de MM. Cavaignac, Goudchaux et Carnot. Dans la 5me circonscription, M. le général Perrot, candidat du gouvernement, est élu par 10,111 suffrages; M. Liouville, candidat de l'opposition, obtient 7,410 suffrages. Dans la me circonscription, aucun des candidats n'ayant réuni la moitié plus un des suffrages exprimés, il sera procédé ultérieurement à un nouveau scrutin. M. Eck, candidat du gouvernement, obtient 8,774 suffrages; et M. Picard, candidat de l'opposition, 8,590. Dans la 6e circonscription, M. Favre, candidat de l'opposition, est élu par 11,505 suffrages; M. Perret, candidat du gouvernement, obtient 10,167 voix.

27. Clôture de la session ordinaire des deux Chambres prussiennes. Le ministre-président, baron de Manteuffel, prononce un discours dans lequel il résume les travaux législatifs accomplis pendant la dernière session. Son Exellence déclare que le vote de la loi relative à la construction du chemin de fer de Kœnisberg à la frontière russe a mis le gouvernement à même de faire commencer

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Mais une lecture plus attentive nous convainquit bientôt que nos craintes n'étoient pas fondées, et que M. l'abbé Richard s'étoit probablement trop arrêté à quelques expressions peu exactes ou trop fortes, sur le premier fait et à certaines concessions plus apparentes que réelles, sur le second fait.

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Il est vrai que nous étions favorablement disposé d'avance à l'égard de la méthode suivie par le P. Dechamps, et que nous avions accueilli sa démonstration avec bonheur. Ce sentiment que nous éprouvions étoit, au reste, bien naturel: car, quelques mois avant l'apparition du libre examen de la vérité de la foi, nous avions été assez heureux pour en tracer en quelque sorte le plan dans une réflexion ajoutée à l'analyse des conférences du R. P. Passaglia. Nous demandons la permission de reproduire ici cette réflexion.

Après les mots suivants de l'illustre professeur romain : Il » s'ensuit, ou que Dieu a suppléé à la foiblesse et à l'insuffisance de » la raison par d'autres voies, par des manifestations surnaturelles, » ou que le genre humain, en ce qui concerne la religion, doit désespérer de lui-même et s'enfermer misérablement dans des ténèbres non moins épaisses que pernicieuses. Nous préserve le ciel de prononcer une telle sentence! Qui donc oseroit professer tant de mépris pour la race humaine et si peu de confiance en la bonté >> infinie de ce Dieu, notre père par la création, et, par les soins d'une » amoureuse Providence, notre protecteur et notre gardien? » Nous avions ajouté :

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« Cette considération est une des plus belles et des plus concluantes » que l'esprit de l'homme puisse méditer et approfondir. Nous voudrions que le P. Passaglia l'eût un peu plus développée.

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» En effet, l'esprit aussi bien que le cœur de l'homme éprouvent » des besoins que la raison seule ne peut satisfaire. Le désir inné » de connoître la première cause de toutes choses, l'instinct naturel qui nous porte à rechercher un bonheur infini, le sentiment reli» gieux si fort de sa nature qu'il domine et immole souvent tous les >> autres sentiments, nous révèlent dans nos âmes un besoin im» mense de connoître clairement les perfections de Dieu et les des>> seins de la Providence sur les enfants des hommes.

» Pressé par ce besoin l'homme s'écrie: «Où est le Dieu que je cherche ? Où est celui après lequel mon cœur soupire? Quel est l'auteur de la nature ? Où êtes-vous Seigneur? Me laisserez-vous toujours dans l'ignorance et les ténèbres? Ne nous direz-vous pas » un mot qui nous révèle vos perfections et vos desseins sur les en»fants des hommes?

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>> Donnez-moi un cœur qui aime, dit St-Augustin, et il comDa amantem. - Donnez-moi un cœur prendra ce que je dis. qui aime et il sentira vivement que la raison seule, abandonnée à » elle-même, est incapable de satisfaire les besoins religieux du » cœur humain ; il sentira que Dieu doit avoir parlé à l'homme pour

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