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LA VACCINE ET LA REVACCINATION.

La circulaire suivante a été adressée aux gouverneurs provinciaux : « Bruxelles, le 3 avril 1858.

Monsieur le gouverneur, Des doutes ont été élevés, dans ces derniers temps, même par des hommes de l'art, sur l'efficacité de la vaccine.

Voulant éclaircir ces doutes, l'Académie royale de médecine a mûrement examiné les questions qui se rattachent à la vaccine et à la revaccination, tant sous le rapport de la préservation de la petitevérole que sous celui de leur influence sur la santé de l'homme, et la Compagnie vient d'adopter une série de propositions, dont j'ai l'honneur de vous faire parvenir un extrait.

Il est désirable que ces propositions reçoivent la plus grande publicité, et je vous prie, M. le gouverneur, de vouloir bien prendre les mesures les plus propres à faire atteindre ce but.

Le ministre de l'intérieur,

CH. ROGIER.

Propositions relatives à la vaccine et à la revaccination,adoptées par l'Académie royale de médecine de Belgique.

1 Proposition. Le vaccin préserve de la variole dans l'immense majorité des cas.

2 Le vaccin, loin d'avoir une influence fatale sur l'espèce humaine, l'a délivrée à la fois du fléau de la petite-vérole et des maux et des infirmités que cette dernière détermine et entraine après elle. C'est donc une erreur de l'accuser d'avoir produit la dégénérescence physique et morale de l'homme.

5 Dans quelques cas, le vaccin ne détruit la prédisposition constitutionnelle à la variole que pour un temps limité. Cette prédisposition qui ne se décèle pas par des caractères objectifs, semble, sous la zone tempérée, ne pas se reconstituer avant la 7° ou la 10 année.

4o Ces cas offrent en général peu de gravité. Ils se réduisent à une éruption ordinairement bénigne, appelée variolide, éruption dont les variolés ne sont pas plus exempts que les vaccinés.

5. De même que les varioles sont sujets à une récidive, de même la variole peut aussi se montrer chez les vaccinés.

6 La revaccination est le complément utile, indispensable de la première vaccination pour assurer une préservation durable, c'est-àdire, afin d'acquérir la certitude que cette prédisposition à la récep tivité de la varicle, est éteinte dans l'économie.

7 L'âge de dix à quinze ans paroit être le plus opportun pour pratiquer la revaccination, en supposant le sujet vacciné dans sa première enfance,

8 Si la revaccination réussit à produire des pustules vaccinales, on sera autorisé à croire à la continuité de la préservation contre la variole; si elle échoue, il convient de la répéter à des intervalles plus ou moins éloignés pour s'assurer de l'immunité du sujet.

9 Dans les vaccinations comme dans les revaccinations, il faut toujours se servir du vaccin recueilli sur les boutons d'une première éruption vaccinale, jamais sur ceux produits par la revaccination. 10° Le vaccin humanisé s'affoiblit graduellement par suite de ces transmissions successives. Il est donc nécessaire même de renouveler le virus vaccin, chaque fois qu'il sera possible de se procurer le véritable cowpox.

11° Le vaccin primitif produit une éruption vaccinale la plus belle et à marche plus lente et plus régulière que le vaccin ancien.

19° La réaction ou fièvre vaccinale qui accompagne l'éruption provoquée par le vaccin primitif, est plus forte et mieux caractérisée que celle déterminée par le vaccin humanisé, circonstance qui paroit favorable à une bonne préservation.

15 Il faut avoir soin, en procédant à la vaccination, de recueillir le virus vaccin sur les pustules les plus belles, les mieux développées.

14° La vaccine primitive existe en Belgique, comme en Angleterre, en Allemagne et ailleurs; donc, il est possible de renouveler chez nous le virus vaccin sans continuer d'être tributaire d'autres pays, et sans être obligé de recourir à des moyens artificiels qui n'offrent pas, en général, la même garantie de préservation.

DE L'ACTIVITÉ DE LA MATIÈRE.

(Huitième article (1) ).

La matière organique.

Les êtres animés.

Continuation du sujet traité dans le dernier article.

L'union de l'âme et du corps nous est connue par le fait, par le résultat; mais le mode de cette union nous semble

(1) Voy. les sept premiers articles, t. XXI, p. 543, t. XXII, pr. 59 et 339 t. XXIII, pp. 71,127 et 546; et t. XXIV, p. 592.

totalement inconnu. Nous ignorons comment une substance spirituelle, non étendue, agit sur une substance matérielle, étendue, et comment une substance étendue agit sur une substance non étendue; et par conséquent nous ignorons comment elles s'attachent, elles s'unissent l'une à l'autre, pour former une seule personnalité. Mais nous est-il impos. sible de faire la séparation de l'une et l'autre, c'est-à-dire de fixer leurs limites, de dire avec justesse où commence l'une ct où finit l'autre?

Telie est la question principale que nous examinons sous le titre de l'activité de la matière; et la solution, s'il est possible de la trouver, est le but que nous nous proposons.

;

On a vu le dissentiment des philosophes sur cette question. Les uns craignent de trop attribuer à l'âme, par exem ple, la sensation, la nutrition, etc., et de la matérialiser ainsi les autres ont peur qu'en accordant trop au corps, on ne fasse tort à l'âme et qu'on ne la détruise également. La crainte de favoriser le matérialisme est au fond des deux opinions. Une troisième classé d'auteurs attribue tout au corps et ne reconnoît point d'âme spirituelle; c'est ce que fait entr'autres le docteur Broussais (1). Cette opinion n'est autre chose que le matérialisme même; c'est tout simplement la négation de l'âme.

Si nous n'avions pas d'âme, la plupart des doctrines seroient sans importance et les discussions sur une infinité de matières deviendroient inutiles.

La spiritualité du principe qui pense et agit en nous, c'est la première vérité à prouver; sans elle, le reste nous importe fort peu. Si tout se borne pour nous à la vie physique d'icibas, il n'est pas nécessaire de nous tourmenter et de faire tant d'études et de recherches sur ce qui nous concerne, sur le rôle que nous avons à remplir dans ce monde.

Il n'y a donc point de question plus importante pour nous que celle qui a pour objet la distinction de la matière et de l'esprit. I nous a paru que, si nous parvenions à prouver que la première n'a point d'activité par elle-même, cette question se trouveroit résolue d'une manière satisfaisante. A considérer la nature en général, la preuve se présente en

(1) Voy. Journ. hist., t. III, p. 610 (Leçons de phrénologie, par M. le docteur Broussais).

quelque sorte d'elle-même, et nous croyons l'avoir montré. Mais en la cherchant dans les êtres vivants et surtout dans l'homme, nous rencontrons mainte difficulté; et celle qui concerne nos sensations, n'est pas la moins grande.

On a vu, à la fin de notre article précédent, qu'il nous faut revenir sur ce point particulier, pour répondre aux objections.

Dans la sensation, on distingue l'impression que nous recevons du monde extérieur et la perception que nous avons de cette impression. Je vois cette table et je m'aperçois en même temps que je lavois. Ce sont deux opérations différentes, dit-on, et il importe de ne pas les confondre. On ne conteste point que la seconde n'appartienne essentiellement à l'esprit; mais on pense devoir attribuer l'autre au corps. Selon cette opinion, la vision est dans l'œil, l'ouïe dans l'oreille, l'odorat dans le nez, le goût dans la langue, le toucher dans la main, ou du moins dans le cerveau. Et quoique ce soit identifier la faculté avec l'organe, on n'y voit pas d'inconvénient.

Comment les objets extérieurs arrivent-ils à notre âme, à notre connoissance? Ou comment notre âme arrive-t-elle aux objets extérieurs? Ils n'entrent pas matériellement en nous, nous n'entrons pas en eux. Et quand ils entreroient en nous, dans notre cerveau par exemple, la difficulté de savoir comment notre âme en a connoissance, n'en demeureroit pas moins la même. Il y a eu un temps où l'on s'imaginoit que les objets extérieurs nous envoyoient leur image, leur fantome, leur espèce ou apparence, et que c'étoit là ce qui entroit dans notre esprit et ce qui faisoit l'objet de nos pensées. De quelque nature que fût cette image, ce fantôme, c'étoit quelque chose de réel qui s'unissoit à l'esprit et sans quoi nous ne pouvions concevoir ce qui est hors de nous. Cette doctrine, outre son absurdité, sembloit conduire plus ou moins directement au matérialisme; et c'est ce qui a été observé depuis longtemps.

Il est, du reste, à remarquer que la prétendue image ou fantôme ne pouvoit s'appliquer qu'à l'organe de la vue, et que nous avons quatre autres sens pour entrer en communication avec le monde extérieur. Par quel intermédiaire avons-nous l'idée du son, du goût, de l'odeur, du toucher? Est-ce encore par un genre de fantôme? Mais par quel fantome, par exemple, l'aveugle de naissance conçoit-il les corps

que sa main parcourt et examine? N'est-il pas évident qu'il les saisit et les conçoit directement à l'aide de ses organes ? Et si c'est ainsi que nous concevons et connoissons les objets extérieurs au moyen du toucher, de l'ouïe, de la saveur et de l'odorat, ne faudra-t-il pas dire la même chose de l'organe de la vision?

C'est donc par le seul intermédiaire de nos cinq sens que nous entrons en communication avec le monde qui est hors de nous; et entre ce monde et notre esprit, il seroit difficile de trouver autre chose que notre système nerveux. Nous concevons immédiatement les objets extérieurs, lorsque nos nerfs sont excités par eux; nous les concevons et les connois. sons, quoiqu'ils continuent de demeurer hors de nous et sans qu'ils pénètrent en nous d'aucune manière. Ce qui est matériel et physique dans cette conception, ou si l'on veut, dans cette communication,c'est l'excitation des nerfs,c'est la transmission de cet ébranlement jusqu'au cerveau; la conception elle-même est spirituelle.

L'âme s'arrête souvent à cette première conception; elle voit, elle entend, elle touche, etc, sans réfléchir sur ce qu'elle voit, sur ce qu'elle entend; il lui est libre de s'en occuper ou de ne pas s'en occuper. Mais lorsqu'elle s'en occupe, elle ne fait que penser à sa pensée, par la bonne raison qu'elle ne peut jamais penser que sa pensée. L'âme ne pense pas les objets extérieurs eux-mêmes, elie pense les idées qu'elle en conçoit au moyen du système nerveux.

Si la sensation étoit un acte purement corporel, nous ne voyons pas comment l'âme pourroit arriver à la connoissance du monde extérieur. Si c'est la matière qui voit, entend, goûte, etc., l'esprit ne peut avoir de communication avec le dehors, il est isolé au milieu des êtres qui entourent le seul corps qu'il habite.

Dira-t-on, avec l'école sensualiste du dix-huitième siècle, que la pensée est une sensation transformée? Outre que la science n'y gagnera rien, on se trouvera bien près du matérialisme, comme l'expérience l'a démontré. Si la sensation n'est qu'un acte corporel et que la pensée ne soit qu'une sen sation transformée, elles ne manqueront pas d'être tôt ou tard confondues; et les esprits logiques qui ne craignent pas le de tirer d'un principe toutes les conséquences qu'il renferme, ne pouvant spiritualiser la sensation, s'abstiendront difficilement de matérialiser la pensée.

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