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ne doit donc pas être furpris de voir
tout à coup
des fortunes immenfes.
Les plus hautes charges de l'Etat ne
raportent pas le denier quarante, &
celles des Finances vont à dix & quin-
ze pour cent, fans les autres facilitez
qu'elles procurent. Mais pour une au-
tre conféquence, il ne faut pas non
plus être furpris que les biens de la
campagne foient fi fort avilis. Les
peuples étant dépouillez des moyens
de les faire valoir, effuyent d'ailleurs
tous les rifques de l'intemperie des
faifons ; au lieu que le commerce
ufuraire, les emplois des Finances, ou
les rentes de la ville, femblent exemts
de tous malheurs.

Mais s'il fe commet des abus dans

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pas

les recettes
il ne s'en commet
moins dans les dépenfes. Les Trefoa
riers de guerre, & autres, ne s'ou-
blient pas. S'il eft vrai que la revûë
d'une armée l'ait mise en entier fous
les armes pour la folde & les vivres,
& qu'au même jour la revûë des
hôpitaux y mette le quart ou le
tiers, que le Roi paye à bien plus

Abus dans les dépenses du revenu du Roi.

Inutilité de l'argent, s'il ne circule.

mettent

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haut prix, il ne faut pas s'étonner fi
en deux ou trois campagnes un Com-
mis à la paye des Troupes, fe trouve
en état d'acheter des terres importan-
tes; ou fi des fourniffeurs, naturel-
lement fimples ouvriers,
leurs enfans dans les grandes charges
& à la tête du Public. On a beau
dire que cela eft criant: c'eft un mal
fans remede, tant que la guerre du-
re; & les grandes affaires ne font pas
fufceptibles de l'arrangement qui fait
la bonne économie. Quelques forts
que foient les apointemens de ceux
qui fervent dans les Finances, ou dans
ce qui fait partie du fervice des ar-
mées, ils font comptez à rien dės
que l'on a connoiffance des moyens
adroits & fubrils qu'il y a de s'en-
richir, indépendamment de ces apoin-

temens.

L'on convient que la richeffe d'un Etat confifte dans l'or & l'argent qui s'y trouvent; mais cette richeffe devient inutile, fi elle n'eft en mouvement. Comparable aux eaux qui fertilifent les prairies, il faut qu'elle fe

re,

répande, finon en pareille quantité par tout, du moins à certaine fuffifance. Ainfi il n'eft pas vrai de diqu'il eft indifferent en quelles bourses se trouvent l'or & l'argent du Royaume; car s'il n'eft pas à propos que tous en poffedent égale quantité, il faut du moins prévenir la langueur & l'inaction de celui qui manque, lequel ne pouvant s'aider d'aucune façon, devient à charge à lui-même & inutile à l'Etat. Ainfi rien n'eft fi important que d'empêcher l'accumulation des richeffes dans les coffres des Financiers, pour y demeurer fans mouvement, & fans la circulation qui donne le reffort à toutes les parties du Royaume.

ceflives des

Il eft vrai que la cupidité fait fou- Dépenfes ex vent l'effet que la charité devroit ope- Financiers rer. Le luxe & la dépenfe de plu- à Puris. fieurs de ces riches Financiers renvoyant au peuple une partie de ce qu'ils en ont tiré, le mal eft que c'eft toûjours fait, fans raport aux lieux où ils ont commis ce défordre, celui qui a pillé & désolé une Pro

vince à l'extrémité du Royaume, faifant cette dépense à Paris. On fera peut-être étonné d'entendre dire, que la dépense annuelle, qui fe fait dans Paris, monte à 16000000o de livres, & que les feuls loyers de maifons aillent par an à 1800000 livres. Cependant il eft certain que s'il y a dans cette ville 720000 confommateurs, & qu'on réduife tous fes dépens à vingtiéme par jour, depuis le Duc & Pair jufqu'au porteur d'eau, il fera aifé de voir que le total est de 262800000 livres. Cette fomme qui fait peut-être la moitié de tout l'or & l'argent du Royaume, l'écu à 60 fols, & le louis d'or à 11 livres, vient des Provinces ; & il eft certain que comme ce font les Financiers qui en tirent le plus du peuple c'eft eux auffi qui en répandent le plus dans cette ville. D'autre part, cette même ville ne produit rien de fon fonds, & renvoye une partie de cer argent dans les Provinces, pour en tirer fa fubfiftance. Ainfi elle fait la fonction du cœur dans l'Etat, com

,

me

me les efpeces y font celle du fang. Ainfi il n'y a rien à craindre, finon que ce fang n'en refforte pas avec continuité & fuffifance, pour l'aliment des Provinces, puifque s'il eft retenu dans ce dépôt, ou qu'il en forte trop lentement, il eft impoffible qu'elles n'en reffentent un affoibliffement très-préjudiciable à elles & au total.

commun aux Auteurs

res pour réparer les in

conveniens des finances

Les gens bien intentionnez ont de- Principe puis plufieurs années fourni divers Memoires, pour procurer aux Mi- des Memoiniftres des moyens de remedier aux inconveniens des Finances, & de partager tellement la charge des impôts, que le Roi puiffe être autant ou plus puiffant que par le paffé, & que le peuple les paye avec proportion, & à fon pouvoir. Mais tous font convenus du principe, qu'il est aussi dangereux que le peuple foit trop à fon aife, qu'il eft trifte de le voir accablé. Ce fut la premiere reflexion que Mr. le Prince de Conti fit fur le projet de l'établiffement d'une dixme Royale par le Maréchal de Vauban; Tome 11.

M

feu

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