Page images
PDF
EPUB

plication des lois romaines précitées, et pour violation des articles 870 et 873 du Code civil.

La demanderesse a posé d'abord en principe que, n'étant héritière de sa sœur que pour moitié, elle ne devait être tenue de la garantie qu'en proportion de son émolument.

Aux conséquences déduites dans l'arrêt des lois première et dernière, ff., de except. rei vendita, elle opposait l'opinion contraire de Dumoulin, et particulièrement celle de Pothier, qui, dans son Traité des Obligations, s'exprime en ces termes : L'obligation in non faciendo sera divisible, lorsque ce que je me suis obligé de ne pas faire peut se faire pour une partie, et ne pas se faire pour l'autre partie. Telle est l'obligation amplius non agi ad aliquid dividuum, comme lorsque je me suis. engagé envers vous à ne point inquiéter le possesseur d'un héritage à qui vous devez garantie : c'est une obligation in non faciendo, qui est divisible, car ony peut satisfaire pour partie. Je puis y contrevenir pour partie en revendiquant une partie seulement de cet héritage, et y satisfaire en partie, en m'abstenant de revendiquer l'autre partie. »

La demanderesse observait, au surplus, que ce n'était point par les lois romaines (qui d'ailleurs n'étaient point suivies en Normandie) que la question devait être jugée, mais bien d'après le Code civil, sous l'empire duquel le vendeur était décédé. Or, disait-elle, aux termes des art. 870 et 875 de ce Code, les héritiers ne sont tenus personnellement des dettes et charges de la succession que pour leur part et portion. La garantie, promise par Jeanne Dubourg est bien une charge de sa succession: je ne devais donc la supporter que pour moitié, puisque je n'étais héritière que jusqu'à concurrence de moitié.

Les défendeurs à la cassation ont reproduit les moyens consacrés par l'arrêt attaqué, et ont soutenu que les articles invoqués du Code civil ne s'appliquaient point au cas où il s'agit de l'exception de garantie.

Du 19 février 1811, ARRÊT de la section civile, M. Mourre président, M. Vallée rapporteur, par lequel:

« LA COUR,

Sur les conclusions de M. Giraud, avocat

général, et après un délibéré en la chambre du conseil; - Attendu que les art. 870 et 873 du Code civil ne statuent que sur la divisibilité des actions à exercer contre les héritiers, à raison d s dettes et charges de la succession; que, dans l'espèce, il ne s'agit nullement d'une action exercée contre des héritiers, mais au contraire d'une exception opposée à l'action exercée par l'héritier contre l'acquéreur du décédé; - Que la demoiselle Dubourg, ex-religieuse, dont la demanderesse est héri'tière, avait vendu conjointement avec le prêtre Dubourg son frère, et s'étaît obligée solidairement avec lui à garantir l'acquéreur de tout trouble et eviction; que, sans violer les art. 870 et 873 du Code civil, on a pu voir dans cette stipulation l'intention des parties que la garantie fût indivisible, qu'elle couvrît le tout et chaque partie de la chose aliénée, et que cette manière de voir est même autorisée par le § 5 de l'art. 1221 du Code civil; - REJETTE, etc. »>

COUR D'APPEL DE BESANÇON.

Celui qui se prétend propriétaire, d'un immeuble peut-il, sous prétexte que le précédent propriétaire a reçu un commandement qui fait craindre la saisie, former opposition à ce commandement ? (Rés. nég. )

attendre que

Doit-il, , pour procéder par voie de distraction, la saisie méme soit entamée ? (Rés. aff.) L'acquéreur d'un immeuble peut-il, avant l'ouverture de l'ordre, demander la nullité des inscriptions hypothécaires qui frappent sur le bien, du chef de son vendeur. ( Rés. nég. )

Les adjudicataires de coupes de bois appartenans à l'Etat peuvent-ils être assimilés à des comptables publics, en ce sens que les inscriptions hypothécaires à prendre sur eux par l'Etat soient dispensées des formalités ordinaires? ( Rés. aff.) Cod. civ., art. 2153.

FROIDOT, C. LA RÉGIE DES DOMAINES.

En l'an 7, la compagnie Potier s'engage envers le Gouvernement à fournir et transporter à Toulouse une quantité condérable de bois de constructions.

Bientôt après, le sieur Froidot, l'un de ses membres, se rend adjudicataire de coupes de bois provenant des forêts de l'Etat," et dont le prix s'élevait à plus de 1,180,000 fr. ; mais tout à couples opérations de la compagnie se ralentissent. L'Administration des domaines conçoit des craintes sur le paiement des coupes par elle vendues, et elle les fait toutes saisir; mais la compagnie s'adresse au ministre des finances, pour que cette saisie soit convertie en un séquestre ambulant, qui ne l'empêche point d'expédier ses envois de bois au lieu de leur destination. Elle obtient cette faveur, à la condition toutefuis de fournir un cautionnement de 400,000 fr. en immeubles. Ce fut le sieur Froidot qui se porta caution de cette somme. La dame Froidot son épouse déclara, par acte du 5 pluviôse an 9, renoncer à tous les droits qu'elle pourrait avoir sur les biens de son mari. Depuis, la dame Froidot a révoqué cette renonciation; mais les contestations auxquelles a donné lieu ce changement de sa part ne sont d'aucun intérêt pour l'intelligence de celles dont il s'agit.

En vertu du cautionnement consenti par le sieur Froidot, la Régie des domaines prit des inscriptions sur ses immeubles. remarquer que ces inscriptions ne portaient aucune

Il faut

mention d'exigibilité.

Cependant la compagnie Potier se trouva arriérée d'une somme de 944,259 fr. sur le paiement du prix des adjudications à elles faites. L'Administration des domaines assigna donc, le 2 novembre 1807, le sieur Froidot devant le tribunal de

Lure,

pour le contraindre à exécuter son cautionnement.

Mais, par acte notarié du 15 du même mois, et pour libébérer la communauté des apports de son épouse, le sicur Froidot céda à cette dernière la propriété de divers immeubles grevés de l'hypothèque de la Régie.

Tome XII.

11

Cette vente n'a pas été transcrite.

Les 11 et 13 août 1808, la Régie obtient contre le sieur Froidot des jugemens qui le condamnent à payer les 400,000 fr. de son cautionnement. Sur l'appel, arrêts confirmatifs, en vertu desquels la Régie prend de nouvelles inscriptions régulières.

Le 4 décembre suivant, commandement au sieur Froidot à fin d'expropriation des domaines affectés au cautionnement. Oppositon de la part de la dame Froídot, qui s'en prétend propriétaire, et argue de nullité les inscriptions prises par la Régie.

Le 21 juin 1810, jugement du tribunal de Lure, qui reçoit la dame Froidot opposante au commandement en expropriation fait à son mari, et déclare nulles les inscriptions de la Régie, pour défaut de mention de l'époque de l'exigibilité. Appel.

La Régie a combattu le jugement de première instance dans ses deux dispositions; elle a soutenu 1o que la dame Froidot était sans qualité et sans intérêt pour former opposition au commandement fait à son mari sans qualité, car ce n'était pas à elle que cet acte était signifié, mais à la personne du débiteur, qui seul pouvait se plaindre; sans intérêt, car le commandement n'est point un acte d'exécution, mais seulement une menace d'exécuter; il s'adresse à la personne, mais il n'atteint pas les biens. Le propriétaire de ces biens doit donc, pour agir utilement, attendre qu'ils soient frappés d'une saisie véritable: alors seulement il lui sera permis de faire valoir son droit de propriété, droit qui ne court aucun risque, puisqu'il est expressément garanti par la faculté de demander la distraction.

La Régie a prétendu en second lieu que la demande en nullité de ses premières inscriptions devait être rejetée par deux motifs : le premier, c'est qu'en la supposant admissible, elle était prématurée, puisque, bien qu'il y eût un commandement, il n'existait point encore d'ordre ouvert sur la distribution du prix des immeubles, et par conséquent point d'intérêt à faire

radier l'inscription; le second, c'est que les règles prescrites aux particuliers pour la validité de leurs inscriptions hypothécaires ne sont point applicables à l'Etat, qui en est formellement dispensé, vis-à-vis les comptables de deniers pu blics, par l'art. 2153 du Code civil. Or disait la Régie, l'on ne peut nier que cette qualité ne soit celle du sieur Froidot. Il est évidemment comptable envers l'Etat des sommes qu'il doit à raison des adjudications de coupes qui lui ont été

faites.

eu

La dame Froidot, intimée, a répondu, sur la fin de non recevoir, que, comme acquéreur des biens de son mari, elle était à ses lieu et place, et que, si ce dernier eût en qualité pour for mer opposition au commandement, on ne pouvait pas davantage lui en contester le droit à elle qui le représentait; qu'il y aurait de l'injustice à la forcer d'attendre la saisie pour user de ce droit, puisque son exercice actuel pouvait seul prévenir une poursuite inutile, et épargner à la Régie elle même des frais qu'en définitive elle serait peut-être obligée de supporter.

Quant aux inscriptions hypothécaires, elle s'est attachée d'abord à prouver qu'aucune loi ne subordonnait à l'ouverture d'un ordre l'action tendante à les faire annuler; que cette prétention déraisonnable était même implicitement condamnée par les art. 2156 et 2159 du Code civil, et formellement proscrite par M. Tarrible (dans le Répertoire de Jurisprudence, au mot Radiation des Hypothèques ).

Elle soutenait ensuite que les inscriptions de la Régie étaient irrégulières, en ce qu'elles n'avaient pas été rectifiées d'après la loi du 4 septembre 1807; que le privilége invoqué au nom de l'Etat était uniquement relatif aux comptables de deniers publics, et que c'était abuser des mots que d'appliquer cette. qualification à un adjudicataire de coupes de bois qui ne reçoit ni ne manie aucuns deniers publics; qui, du moins, ne les manie que pour son compte, et non pour celui de l'Etat; qui n'est pas justiciable de la Cour des comptes, mais des tribunaux ordinaires, comme cette cause même en était la

preuve.

« PreviousContinue »