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long-temps, les ouvriers employés à construire la route ayant détourné les eaux du canal sur lequel le moulin était établi. En conséquence, Pelleri réclamait une diminution de loyers proportionnée aux dommages qu'il éprouvait.

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La Régie des domaines contestait cette demande, en se fondant sur la clause expresse du cahier des charges qui mettait au risque du preneur tous les accidens prévus et imprévus. Cette exception a été rejetée par jugement du tribunal civil de Turin, en date du 25 août 1810, ainsi Considéconçu : rant que, suivant les règles générales du droit, le preneur d'un héritage rural n'est point chargé des cas fortuits qui lui enlèvent en partie on totalité la jouissance des biens, sans son fait ni sa faute (1); -- Que cependant rien ne s'oppose à ce qu'il puisse en être chargé par une stipulation expresse ;- Qu'alors cette stipulation ne regarde que les cas fortuits ordinaires, et 'ne peut s'étendre aux extraordinaires, savoir, à ceux auxquels les parties ne sont pas présumées avoir pensé, sauf que le preneur ait littéralement renoncé à tous les cas prévus et non prévus solitis et insolitis cogitandis et non cogitatis; dans l'existence même de cette clause insérée au bail', elle ne peut ni ne doit se rapporter qu'aux dommages que le preneur peut ressentir in fructibus, et non in substantia rei locatæ ;-Que, quels que soient les mots généraux dans lesquels est conla clause insérée dans l'acte de bail du 26 germinal an 11 dont il s'agit, la lettre de cette clause ne présente aucune stipulation portant renonciation en cas de dommage dans la substance de la chose louée, et moins encore des expressions suffisantes pour justifier que ce cas eût été prévu par les parties, et qu'en considération de la charge imposée à Pelleri, une diminution sur le prix du bail ait eu lieu ; - Que par conséquent ledit pacte ne peut se rapporter qu'aux événemens qui auraient enlevé la totalité ou partie des fruits; Considérant - que tous les ouvrages de la nouvelle route, et desquels sont provenus,

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(1) Leg. 15, § 2, locat.

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selon les dires de Pelleri, les dégâts par lui soufferts, ont trait à la substance de la chose louée, substantia enim rei locatœ in patientia locatoris consistit, ut conductor uti et frui possit, et res illa perüsse dicitur cujus facultas haberi non potest;— Considérant que c'est en vain que la Régie soutient que dans le contrat susdit on a contemplé même le cas de dommage dans la substance de la chose louée, et ce, sur l'observation que Pelleri aurait renoncé à toute indemnité, même en cas de corrosions: car il est si vrai que la clause en question n'offre pas, de la part du fermier, une renonciation à tous les cas où la chose fût périe, que les contractans se sont rapportés aux dispositions du droit commun pour les cas de peste ou de guerre vive sur les lieux ; et d'ailleurs il est constant qu'en admettant même que les parties aient prévu tous les cas extraordinaires, insolitos, il n'en suivrait pas qu'elles aient aussi contemplé les cas insolitissimos, ceux, savoir, qui erant inopinati penes omnes prudentes, non autem qui erant inopinati penes prudentissimos et extra omnem consuetudinem ;

Le tribunal, sans s'arrêter aux oppositions de la Régie, dit que les lieux en question seront visités par un ou trois ex perts, auxquels il est ordonné de donner leur avis sur la diminution du prix du bail qui puisse avoir lieu au profit du preneur, ete...; admet les articles en fait déduits par Pelleri, sauf la preuve contrairé......... »

La Régie des domaines, appelante de ce jugement, a soutenu que le tribunal de première instance avait fait mal à propos une différence entre les cas fortuits résultans du fait de l'homme et ceux provenans de la nature des choses, puisqu'ils étaient tous des cas fortuits, qui devaient nécessairement être présumés compris dans la clause expresse du bail; qu'au surplus, suivant la définition du président Favre, au titre locati, le preneur ne devait être indemnisé qu'autant que ses pertes auraient surpassé la moitié des produits antérieurs ; - Que c'était par conséquent à Pelleri à prouver ce préalable, avant de prétendre aucune espèce de dédommagement.

La Régie, faisant ensuite une distinction entre les dommages

qui frappaient sur la chose même, in substantia rei, et ceux tombés uniquement in fructibus, reprochait au tribunal de première instance d'avoir négligé d'enjoindre aux experts de faire cette différence dans leur rapport, et de n'estimer que la perte qui frappait sur la substance de la chose.

Nous ne rappellerons pas les moyens de l'intimé : ils s'identifient avec les motifs énoncés dans les jugemens de première instance et d'appel.

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Du 16 mars 1811, ARRÊT de la Cour de Turin, par lequel: « LA COUR, Adoptant les motifs des premiers juges, et considérant au surplus que jamais on ne peut avoir d'égard à un pacte quelconque dont l'effet serait de détruire la nature du contrat ; Qu'ainsi, lorsqu'il est question, comme dans l'espèce, d'un bail qui n'est en substance qu'un contrat de vente de fruits, quelque illimitées que soient les clauses auxquelles s'est soumis le preneur, on ne peut jamais en étendre les effets jusqu'à conchure que, même dans le cas où la totalité ou une partie des biens donnés à bail vient à manquer, ou ne peut plus produire de fruits, le preneur soit néanmoins tenu d'observer le bail, et de payer ses fermages;-Qu'également, lorsque le preneur s'est chargé de tous les cas fortuits, même les plus inattendus et extraordinaires, clause qu'on trouve dans l'acte dont il s'agit, on ne pourrait soutenir que le fait de l'homme fût compris dans une pareillé clause, surtout s'il est question d'un fait auquel le preneur n'eût pu mettre d'obstacle, puisqu'il est évident que dans ce cas le preneur, à la faveur même du pacte que le bailleur ferait valoir à l'appui de son système, portant la simple transmission, au profit du preneur, du droit de percevoir les fruits, pourrait toujours avec fondement exciper que l'impossibilité de s'opposer au fait qui l'empêchait de percevoir les fruits équivalait au défaut de l'exigibilité promise par le bailleur;--- Considérant que, s'il est vrai, ainsi que l'intimé Pelleri le soutient, que la formation de la nouvelle route de Carmagnole, et les différens ouvrages pratiqués pour la construction du nouveau pont de Carignan, auxquels il ne pouvait s'opposer, et qu'il se borna à dénoncer au

bailleur, ont été la cause des dommages qu'à l'occasion des craes des eaux avenues en mai et en septembre de l'année passée, il dut éprouver dans les biens affermés, dont une partie fut occupée, une autre fut excavée, d'autres furent mises hors d'état de culture pendant tout le temps de la location, et en d'autres, enfin, il eut la perte de la récolte de l'année, ou,i! fut privé des fruits pendant un temps déterminé, il est certain que la vérification de toutes ces circonstances pourrait donner lieuà Vintimé de demander une diminution proportionnelle du prix du bail;- Qu'il suit de là que les premiers juges, en admettant l'intimé à en justifier par experts et par témoins, non seulement n'ont violé la loi du contrat, mais ils se sont conformés à la nature de la convention, au vrai sens des pactes qu'elle renferme, et aux règles de la matière; - Par ces motifs, DIT avoir été bien jugé par le jugement du tribunal civil de cette ville, du 25 août 1810, mal et sans griefs appelé ; Renvoie, en conséquence, les parties par-devant les premiers juges.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES.

Les héritiers qui offrent somme suffisante pour payer les legs peuvent-ils écarter l'exécuteur testamentaire, lors méme qu'il est chargé de vendre les biens? (Rés. aff.)

Ce mandat de vendre, quand il n'est donné au profit de per sonne, est-il obligatoire? (Rés. nég.)

LES HÉRITIERs de la dame METS, C. LE SIEUR VAN

MALCOTTE.

Une dame Isabeau Mets, veuve Géérinch, fait quelques leg, pies, et nomme un sieur Vanmalcotte son exécuteur testamentaire; elle le charge de vendre tous ses biens, mais elle ne lui donne pas la 'saisine ; enfin elle ne fait point d'autre disposition.

Après sa mort, l'exécuteur testamentaire fait apposer les scellés; il en demande ensuite la levée avec inventaire. Mais les héritiers prétendent l'écarter en lui offrant somme suffi

sante pour l'acquit des legs. L'exécuteur testamentaire résiste Un référé est introduit, sur lequel il intervient une ordonnanc en faveur de ce dernier.

Appel de la part des héritiers. Ils remarquaient d'abord que. suivant l'art. 1031 du Code civil, l'exécuteur testamentaire n'est chargé de requérir l'apposition des scellés que quand i y a des mineurs non pourvus de tuteur; que, suivant les articles 951 et 942 du Code de procédure, il n'a que le droit d'assister à l'inventaire, et non celui de le requérir et d'y faire procédex.

Discutant ensuite la question au fond, ils disaient : Le légataire universel n'a point reçu la saisine par le testament; s'il l'avait, les offres la feraient cesser : il ne peut donc avoir aucun droit d'induire en frais des héritiers qui sont d'accord; dès qu'il y a de quoi acquitter les legs, son ministère est absolument désintéressé; il n'a plus aucun titre pour se mêler des affaires de la succession. Vainement prétendrait-il trouver ce titre dans la disposition du testament qui le charge de vendre les biens de la défunte. Quel est le but de ce mandat que lui donne la testatrice? Il n'y en a point. Quelle est sa cause? Il n'y en a pas davantage. Elle ne dispose point de sa succession, elle la laisse dans les termes ordinaires. Cette succession est déférée ab intestat. Nulle raison par conséquent de vendre au préjudice d'héritiers qui ont plus d'intérêt de partager en nature. Une disposition testamentaire qui n'est faite au profit de personne, dont personne ne doit retirer aucun avantage, est inutile: c'est un pur caprice; c'est, comme le dit la loi 114, au Digeste, de legat. 3o, nudum præceptum, à l'exécution duquel on n'est point astreint, puisque personne n'a intérêt de la demander. Cette disposition extraordinaire et sans objet ne peut donc pas être, pour l'exécuteur testamentaire, un prétexte de se maintenir dans l'administration des affaires de la succession. Nommé pour l'intérêt des légataires, sa mission est finie dès que cet in térêt est rempli.

L'exécuteur testamentaire répondait: La disposition qui me charge de vendre les biens contient virtuellement un legs de

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