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COUR DE CASSATION.

L'action en déclaration d'hypothèque est-elle abrogée par le Code civil? (Rés. nég.)

Toutefois cette action est-elle non recevable, lorsqu'elle est réunie à l'action personnelle contre un tiers détenteur qui n'est pas obligé personnellement à la dette? (Rés. aff.)

LA DAME IMBERT DE BOUVILLE, C. LA DAME DE
RICHELIEU.

L'action en déclaration d'hypothèque est celle par laquelle on conclut contre un tiers détenteur à ce qu'il soit tenu de reconnaître et avouer l'hypothèque dont est grevé l'immeuble par lui acquis.

On ne voit pas pourquoi certains jurisconsultes ont prétendu que cette action était abolie par le Code civil, qui n'en parle point. Elle est souvent utile et quelquefois nécessaire. En cas de partage, par exemple, le lot de mon cohéritier est grevé à mon profit d'une hypothèque privilégiée pour la garantie ; il vend un des immeubles qui composent ce lot: le tiers détenteur peut prescrire contre moi, si je ne l'en empêche par la demande en déclaration d'hypothèque. Faites inscrire, me dit-on; mais l'inscription n'interrompt point la prescription. Lc Code, ajoute-t-on, ne vous permet que d'exproprier; mais mon action n'est point ouverte, et le Code ne me défend pas de conserver mon droit.

Quant à l'action personnelle hypothécaire, c'est celle que la loi me donne contre celui qui est engagé, en même temps, envers moi personnellement et hypothécairement: telle est celle que j'ai contre les héritiers de mon débiteur originaire. Or il est évident que cette action ne peut avoir lieu contre le tiers détenteur, qui n'est point obligé personnellement envers moi.

Cette doctrine a été consacrée dans l'espèce suivante.

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La dame Imbert de Bouville, créancière hypothécaire de feu M. de Richelieu, forme des saisies-arrêts entre les mains des fermiers de la terre de Marennes, qui avait fait partie de la fortune du maréchal, mais qui appartenait alors, pour l'usufruit, à madame sa veuve, en vertu de la donation qui lui en avait été faite. En lui dénonçant cette saisie, la dame Imbert conclut à ce qu'elle soit condamnée personnellement et hypothécairement.

Madame de Richelieu soutint cette action non recevable, sur le motif qu'elle était simplement tiers détentrice, et non héritière ; qu'elle n'était point obligée personnellement, mais seulement à raison de l'hypothèque; et que dès lors la dame de Bouville ne pouvait procéder contre elle que de la manière prescrite par l'art. 2169 du Code civil.

Le 2 mars 1808, jugement du tribunal de première instance de Paris, qui déclare la dame de Bouville non recevable, « attendu que la dame veuve de Richelieu, donataire de la terre de Marennes, était simplement tiers détentrice, et qu'en conséquence la dame de Bouville ne pouvait agir contre elle que par la voie de la saisie immobilière, trente jours après sommation de payer les causes de l'hypothèque ».

Celle-ci interjeta appel de ce jugement; mais il fut confirmé par arrêt du 13 novembre de la même année, qui rejeta en outre la demande en déclaration d'hypothèque.

Pourvoi en cassation de la part de la dame Imbert de Bouville. Elle s'est attachée d'abord à établir que le Code civil n'avait point aboli l'action en déclaration d'hypothèque. Cette action, a-t-elle dit, admise dans le droit, conservée même par la loi du 11 brumaire an 7, ne trouve, dans le Code civil, aucune disposition qui lui soit contraire; elle résulte de la nature même des choses. L'immeuble grevé d'hypothèque passe, avec cette charge, dans les mains de tous les acquéreurs : le créancier a donc, contre chacun d'eux, une action à fin de faire déclarer l'immeuble affecté à sa créance. Le Code n'a rien de contraire à ce droit. Inutilement dit-on qu'il ne permet que de faire vendre sur le tiers détenteur. L'argument serait

tion faite

par le sieur Tassin, le 23, est contraire aux conventions, et préjudiciable aux intérêts du sieur Cormier ».

Le 2 avril suivant, la maison Tassin déclare sa faillite à Orléans. Un jugement du tribunal de commerce de la même ville et du même jour en fixe l'ouverture au 31 mars précédent.

En vertu de ce jugement, et le 5 avril 1811, les scellés sont apposés, à la requête d'un sieur Buchillot, sur les laines consignées entre les mains du sieur Cormier, et des gardiens y sont établis.

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Le sieur Cormier fait assigner en référé le sieur Buchillot, que sans s'arrêter à l'apposition de scellés et pour voir dire à l'établissement de gardiens, il sera autorisé à disposer des laines, ainsi qu'il en a le droit, en sa qualité de consignataire, et d'après le jugement contradictoire du 26 mars 1811.

Le sieur Buchillot se prétend mal à propos assigné, parce qu'il n'est qu'un simple mandataire. En conséquence, le juge tenant les référés, attendu que Buchillot n'est point partie capable pour défendre à la demande formée contre lui, dit n'y avoir lieu à référé, sauf au sieur Cormier à se pourvoir ainsi et contre qui il avisera.

Cormier fait alors assigner aux mêmes fins, devant le tribunal de première instance de Paris, les syndics provisoires et les sieurs Tassin. Ceux-ci proposent un déclinatoire fondé la faillite étant ouverte à Orléans, c'est devant les juges de cette ville que doit être portée la demande du sieur Cormier, puisqu'elle est incidente à cette faillite, et en forme une dépendance.

sur ce que,

Le 25 avril, jugement du tribunal de première instance de la Seine, qui renvoie, en effet, les parties à se pourvoir devant le tribunal d'Orléans, « attendu que Cormier ne demande la mainlevée des scellés (qu'en se prétendant créancier nanti par le débiteur failli; que le privilége résultant du nantissement ne peut être jugé que par le tribunal du lieu où la faillite s'est ouverte; que le scellé a d'ailleurs été apposé d'office et en exécution d'un jugement du tribunal d'Orléans, du 2 avril dernier ».

Le sieur Cormier a interjeté appel de ce jugement. Il s'est

attaché à démontrer que les juges de la Seine étaient compétens, et que, sa qualité de consignataire lui donnant le droit. de vendre les marchandises dont il était nanti, l'événement d'une faillite n'avait pu lui enlever l'exercice de ce droit. Cette dernière proposition lui paraissait résulter expressément de la combinaison des articles 535, 556 et 537 du Code de

commerce.

Les syndics et les sieurs Tassin père et fils ont, de leur côté, interjeté incidemment appel du jugement du tribunal de com'merce, du 26 mars 1811, et reproduit leurs moyens d'incompétence. Craignant toutefois de succomber sur ce chef, ils ont demandé que la vente des laines, si elle venait à être ordonnée, fût faite par eux-mêmes, à mesure de la levée des scellés, pour le prix en être versé dans les mains du sieur Cormier, jusqu'à concurrence du montant de ses avances. Subsidiairement, et dans le cas où la Cour croirait devoir autoriser le sieur. Cormier à vendre lui-même, ils ont demandé que la vente ne pût être faite qu'après inventaire estimatif des laines; qu'il y fût procédé aux enchères publiques par le ministère d'un huissier-priseur, et en leur présence.

Du 8 mai 181 1, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, deuxième chambre, MM. Berryer, Guérout et Tripier avocats, par lequel:

« LA COUR, — Quï M. Joubert, avocat-général, qui a conclu à l'infirmation; Faisant droit sur l'appel interjeté par ledit Cormier du jugement rendu au tribunal civil de Paris, le 25 avril dernier; En ce qui touche la compétence, attendu qu'une apposition de scellés, de même qu'une saisie, constitue le provoquant demandeur, et l'oblige conséquemment de suivre la juridiction de celui contre lequel cette me-. sure est provoquée; qu'aux termes de l'art. 554 du Code de commerce, le juge territorial a le droit de statuer provisoirement sur tout acte d'exécution fait dans son ressort, dans les cas qui requièrent célérité, tel qu'est toujours, indépendamment des autres circonstances le cas d'un consignataire qui a besoin de vendre la marchandise pour se rembourser de Tome XII.

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ses avances; que la vente était autorisée non seulement par le titre, mais par un jugement du tribunal de commerce rendu entre les parties, qui n'était point attaqué, et dont rien ne pouvait arrêter l'exécution; En ce qui touche le fond, adoptant les motifs du jugement du tribunal de commerce, du 26 mars dernier, - MET l'appellation et le jugement du tribunal civil, du 25 avril dernier, dont est appel, au néant; - Emendant, décharge Cormier des condamnations contre lui prononcées; au principal, sans s'arrêter au déclinatoire proposé par les syndics provisoires de la faillite Tassin, faisant droit sur· l'appel incident interjeté par lesdits syndics et par Tassin père et fils du jugement rendu au tribunal de commerce de Paris, le 26 mars dernier, met l'appellation au néant; - Ordonne que ledit jugement continuera d'être exécuté suivant sa forme et teneur ; En conséquence, sans s'arrêter au procès verbal du 5 avril dernier et à l'établissement de gardien y contenu, duquel il est fait mainlevée, autorise Cormier à faire vendre les balles de laine restant à vendre, conformément audit jugement du 26 mars dernier, et ce en présence des syndics de la faillite Tassin, ou eux dûment appelés: à l'effet de quoi, lesdits syndics seront tenus d'élire domicile à Paris, sinon toutes assignations leur seront valablement données au greffe du tribunal de commerce de Paris; Ordonne que ladite vente sera continuée avec les précautions déjà prises, et par le ministère des mêmes officiers; néanmoins après nouvelles affiches, publications, insertion daus les journaux, même envoi de nouvelles circulaires dans les villes de commerce et de fabrique, indicatives de ladite vente; à cet effet, autorise Cormier à faire enlever lesdites balles des magasins qu'il a loués ; Or donne que tous gardiens seront tenus de se retirer, etc. »

COUR D'APPEL DE BORDEAUX.

La saisie immobilière des biens d'un percepteur en état de faillite est-elle valide, bien que l'agent du trésor public ait

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